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22 mai 2018 2 22 /05 /mai /2018 16:18

Bonjour,

Dans quelques jours des petites nouvelles sur mon travail des soldats morts au champ d'honneur et inscrits quelques années plus tard sur l'immobile de ma commune.

A bientôt.

 

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4 janvier 2017 3 04 /01 /janvier /2017 20:25

 4 janvier 2017...le temps tourne....

Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Jeanne...

Jeanne et Maurice. Première photo officielle.

L'auteur parmi vous...

A suivre... très prochainement.

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 16:38

Jeannette.
Avant-propos de l’auteur.
Ce récit est l’histoire de deux personnes qui se sont rencontrées
par le biais du hasard. La correspondance épistolaire entre les
deux personnages est authentique. Ces courriers ont été conservés
précieusement pendant plusieurs années par Germaine, la maman
de Jeannette.
Quelques jours après le décès de Germaine, tandis que je
débarrassais le grenier de la maison familiale, fortuitement, je
découvris un coffret dans lequel étaient rangées des lettres. Au fil
des heures, je prenais connaissance des confidences de plusieurs
chapitres de la vie de ma maman. Captivé, je m’empressais de
retranscrire ces missives afin d’en garder une trace.
1
Des années plus tard, j’informais ma maman de mon intention
d’écrire sa biographie d’après ses lettres et ses souvenirs. Durant
plusieurs mois elle s’est remémorée cette période très agitée.
Tous les personnages de cette histoire ont réellement existé. Je
me suis attaché à raconter cet épisode personnel de la vie de ma
maman, Jeannette, en respectant son témoignage sans jamais oser
pousser la porte des derniers secrets.
A ce jour, une grande partie de cette correspondance n’existe
plus. Fidèle à une promesse, j’ai remis à maman, Jeannette, la
plupart de ces lettres lorsqu’elle est partie pour son grand
sommeil. Afin que ce récit soit cohérent dans le temps et son
déroulement, j’y ai adjoint les premières lettres que s’échangèrent
en juin 1940, René, Germaine et Jeannette. Ces quelques feuillets
mettent involontairement en place une histoire qui se
renouvellera quelques années plus tard.
Sylvain & Germaine.
2
Un père, René, adresse à son épouse, Germaine et à sa fille
Jeanne [Jeannette], quelques feuilles sur lesquelles les
événements se bousculent. Le crayon est le seul lien qui les
rattache. Plus tard, René rentrera auprès de sa blonde, comme il
aime si souvent l’écrire, auprès de sa fille qu’il aime tout aussi
fort. Quelques mois avant la fin de la guerre, suite à un
événement impromptu, Jeannette, à son tour, prendra le crayon. A
travers cette correspondance le destin de la jeune femme va
basculer.
Sylvain, René Lejeau est né le 2 décembre 1901 dans une maison
troglodyte, La Roche de Cestre, à quelques pas du petit bourg de
Noizay situé en Touraine. Durant sa jeunesse René va à l’école
du village puis, adolescent il entreprend des études de jardinier.
En 1918, son diplôme de jardinier quatre branches en poche,
René exerce son métier, pratique l’art de l’art de la plantation, de
la taille et de l’entretien du potager chez les particuliers, dans les
parcs et les jardins des maisons bourgeoises, cependant que sa
soeur Albertine se marie avec René Fauvin, un habitant de
Noizay, que sa maman Berthe vit toujours à la Roche de Cestre.
Germaine, Louise, Alexandrine Courcier voit le jour le 15
novembre 1905 à Aulanes près de Bonnétable dans la Sarthe.
Deuxième enfant de la fratrie Courcier, elle grandit dans la ferme
familiale. Tout en allant à l’école, Germaine aide ses parents dans
la petite exploitation. A quatorze ans Germaine quitte l’école et
part travailler comme chambrière dans les maisons bourgeoises à
proximité de Bonnétable. Alors qu’elle vient d’avoir dix-huit ans,
servante depuis peu dans une famille à la Chapelle Saint-Rémy,
elle accepte un emploi de serveuse de table d’une durée d’une
semaine pour une grande réception organisée au château de
Noizay. Durant une journée de son séjour, cependant que René
Lejeau présente dans le grand salon à une poignée d’invités
3
privilégiés du propriétaire des lieux, des bouquets de sa
composition, Germaine croise le regard du jardinier. C’est le
coup de foudre. Quelques mois plus tard Germaine épouse René
et quitte définitivement la Sarthe. En 1925 le couple s’installe au
château d’Athée-sur-Cher, René y est employé comme jardinier,
Germaine comme bonne à tout faire. En janvier 1926 Germaine
met au monde sa fille Jeanne puis continue d’exercer son métier
de bonne pour les maîtres des lieux, envoie parfois quelques
nouvelles à sa maman Alexandrine qui vit toujours dans la ferme
d’Aulanes. En 1926, Martial le frère aîné de Germaine, fonde une
famille tandis que sa petite soeur Yvonne se marie avec Robert
Delpèche un jeune homme originaire du Mans.
Le château de Moncé en 1934.
4
Jeanne, Berthe, Alexandrine naît le 4 janvier 1926 au château
d’Athée-sur-Cher. Jeanne reste au château d’Athée-sur-Cher
seulement neuf mois car ses parents déménagent pour le château
de Moncé à Limeray. La propriété, une magnifique bâtisse
construite à l’emplacement d’une ancienne abbaye cistercienne,
regarde la vallée de la Loire. Monsieur Vernon, propriétaire des
lieux vient d’embaucher Sylvain Lejeau qui jouit dans la région
d’une excellente réputation. Sylvain aura pour tâche d’y
entretenir les jardins, les potagers, les arbres fruitiers, les serres et
autres essences plantées sur le domaine, pendant que son épouse,
Germaine, vaquera aux occupations de gardienne, à l’occasion,
de cuisinière. Jeanne grandit dans ce havre de paix parmi les
fragrances des massifs, les allées d’herbacées, les massifs à la
française, à l’abri des frondaisons des érables champêtres, des
marronniers. A sept ans, Jeanne intègre l’école communale de
Limeray. Quotidiennement, malgré la distance entre la propriété
et l’école, Jeanne effectue à pied le trajet aller-retour. Rentrée de
l’école, ses devoirs effectués, elle aide au ménage, à l’entretien de
la maison, parfois à la cuisine mais, la plupart du temps, Jeanne
s’arrange pour délaisser ces tâches ingrates pour passer du temps
en compagnie de son père, papa qui lui fait le plus grand plaisir
en lui enseignant les rudiments du jardinage, en lui apprenant à
reconnaître les variétés de fleurs qui composent les massifs.
Quelquefois, son père lui fait apprécier le doux parfum des fleurs
qui se répand au dehors des serres. Pendant les vacances
scolaires, Jeanne se divertit dans la propriété, accroît ses
connaissances grâce à la bibliothèque personnelle de monsieur
Vernon. Durant ces congés, elle profite également de la venue de
son cousin Pierrot, un charmant petit garçon, bien élevé,
garnement à ses heures. Ensemble ils jouissent des espaces du
domaine, s’adonnent sans retenue aux jeux féeriques de
l’enfance. Cher petit cousin Pierrot qui était secrètement
amoureux de sa cousine. Le temps passant, il ne lui révélera
5
jamais cette attirance mais Jeanne, qui depuis toujours avait
deviné les coupables desseins de son [petit Pierrot] ne lui en tint
jamais rigueur.
Durant ces années de jeunesse, le dimanche, juchée sur sa
bicyclette, suivie par ses parents, Jeanne se rendait à Noizay, à la
Roche de Cestre chez sa grand-mère Berthe, à l’occasion chez sa
tante et son oncle qui habitaient dans le bourg tourangeau. Partie
de campagne qui consistait généralement à aller y prendre des
nouvelles de la famille et ramener quelques victuailles. Pour cette
promenade dominicale, la famille empruntait joyeusement
l’itinéraire sinueux et bosselé qui traversait les lieux dits de la
Bretonnière, la Degaudière et le sentier de Carcou qui
aboutissaient à la maison-grotte de cette grand-mère si
charmante. La Berthe, était une vieille dame toujours vêtue de
noir de pied en cape, se faisait toujours une joie de recevoir sa
petite-fille qui, malgré son jeune âge se débrouillait
régulièrement pour arriver avant ses parents. Jeanne, baptisée
Jeannette par sa grand-mère, abandonnait rapidement son vélo et
allait s’installer à la table de la cuisine. Pendant ce temps, la
vieille femme allait chercher dans le garde-manger situé au fond
de la pièce principale, une tartine de gros pain sur lequel elle
avait au préalable, déposé une épaisse couche de confiture.
Cependant que ses parents donnaient leurs derniers coups de
pédales, Jeannette dévorait avec un plaisir non dissimulé cette
beurrée réconfortante. A la Roche de Cestre, Jeanne et Pierrot
commettaient toutes sortes de bêtises. Tandis que leurs parents
vaquaient à leurs occupations, les garnements filaient au puits
situé à l’extrémité de la cour, y chapardaient les seaux d’eau que
la grand-mère avait péniblement mis de côté et s’amusaient sans
retenue à laver les vêtements de leurs baigneurs, poupées et
autres jouets. Souvent, à l’insu de leurs parents, les chenapans
enfourchaient leur petite bécane et allaient se balader sur les
hauts du village. Le long des chemins, tandis qu’ils avaient
6
délaissé leur vélo, joyeux, ils cueillaient à l’envie des busseroles,
des parisettes, des mûres. A la période des cerises, des pommes,
des pêches sauvages, c’était l’occasion de cueillir une multitude
de fruits, de les dévorer ensemble à pleines dents tout en
s’amusant à l’ombre d’un vieux chêne. Au moment du raisin, leur
biclou caché dans un fossé, bras dessus-dessous ils couraient dans
les vignes grappiller des grains qu’ils dévoraient jusqu’à en
attraper mal au ventre. Pendant les vendanges, alors que les
parents foulaient la récolte, les deux cousins buvaient directement
à la cannelle du pressoir le moût du raisin et, quelques semaines
après, lorsque la bernache était bonne à boire, les deux
garnements carottaient une poignée de marrons cuits,
chapardaient une fillette du précieux liquide et allaient se cacher
derrière le logis du cochon afin de déguster en toute tranquillité
cette dînette. A dix ans Jeannette avait comme meilleure copine,
Janine Boileau, la fille du boulanger et, toutes deux se rendaient
main dans la main dans la classe de mademoiselle Marie-Louise
Decombes. La maîtresse était une grande dame, très mince,
toujours élégante, très gentille, intransigeante dans son
enseignement et qui parut éternellement vieille aux yeux de
Jeannette. Pendant que les filles écoutaient assidûment les cours
de la maîtresse, de l’autre côté du mur, les garçons prêtaient
l’oreille à la classe de leur instituteur, monsieur Thomas. Pendant
ses dernières années de primaire, puis jusqu’en 1943, Jeannette et
d’autres jeunes filles du village composaient la compagnie des
Alouettes. Petite société dirigée par mademoiselle Decombes qui,
à l’occasion des fêtes communales, présentait des petites pièces
de théâtre, interprétait des comédies, des ballets. Lors de la fête
de la remise des prix de fin d’année scolaire, comme à chaque
fois, les jeunes filles, toutes affublées d’une longue toilette
blanche, d’ailes d’ange, d’une couronne de fleurs d’oranger, sous
la direction de leur institutrice, accompagnée par la fanfare
municipale dans laquelle le père de Jeannette ne se privait jamais
7
de la moindre pitrerie, sous le regard en coin des jeunes garçons,
sous la vision attentive des parents et des citoyens, les Alouettes
transformées en napées exécutaient leurs pas de danse. Tandis
que les nymphes faisaient virevolter dans l’air leur cafetan,
agitaient leurs ailes, que la musique résonnait, cachés sous
l’estrade, Marcel Guertin, Georges Pilletan, Roger Percereau et
Robert Lenoble biglaient les filles par en dessous.
Avant la guerre.
En 1939 Jeannette obtenait son certificat de fin d’études
primaires. A cette occasion, Jeannette recevait de ses parents, une
pièce de cinq francs [cents sous] argent dépensé en partie dans
l’acquisition d’un petit chapeau et d’une paire de gants. Durant
l’été, Jeanne passait habituellement ses grandes vacances à
Limeray en compagnie de sa copine Jeanine mais, dès qu’elle
apprenait que son cousin Pierrot déboulait chez ses grandsparents,
Jeannette faisait aussitôt une escapade à Noizay. En effet,
depuis qu’il avait emménagé à Périgueux, suite à la mutation de
son père dans cette ville, les retrouvailles entre cousins étaient
toujours empreintes d’un touchant désir imaginaire. Ils passaient
leur temps à se raconter des histoires, ils se promettaient le
bonheur, se promettaient de ne jamais s’oublier. En septembre de
cette année 1939, même si Jeannette ne manquait de rien, elle ne
pouvait prétendre à la poursuite de ses études, ses parents étant
dépourvus financièrement. A la rentrée elle s’orientait vers un
apprentissage de couture chez mademoiselle Marnais qui habitait
ruelle du Lavoir dans le centre du bourg. Pendant ce temps,
Jeanine, la meilleure copine, intégrait la boulangerie de ses
parents. Après ces premières années insouciantes, maman me
racontait comment elle avait traversé l’épreuve de la guerre. Ses
souvenirs se bousculaient. Malgré sa mémoire parfois défaillante,
elle arrivait à situer dans le temps les événements. Elle me
commentait quelques situations délicates, plusieurs circonstances
8
particulières de ces années de privations, la réalité de
l’occupation, la fin de la guerre, comment en 1944 elle devint
marraine de guerre.
« En 1939 après les grandes vacances, j’ai commencé un
apprentissage de couture chez madame Marguerite Marnais qui
habitait ruelle du Lavoir à Limeray. Cela ne m’enchantait guère
mais je ne savais pas trop quoi entreprendre comme métier. A
cette époque je n’avais pas beaucoup d’idées sur l’avenir. C’était
"la drôle de guerre" et mes parents ne savaient pas trop vers quoi
m’orienter. En règle générale, les filles se dirigeaient vers des
carrières de couturière, cuisinière ou dans l’administration, soit
comme institutrice ou fonctionnaire dans une mairie ou une
préfecture. Mademoiselle Decombes avait dit à papa que j’avais
les capacités pour poursuivre mes études et devenir maîtresse
d’école. Mais papa n’a pas voulu car il n’avait pas d’argent, il
préférait que je reste encore à la maison. A la fin de cette année
1939, nous avons déménagé car monsieur Vernon ne pouvait pas
nous garder à Moncé, faute de place, mais papa et maman
travailleraient toujours à la propriété. Nous nous sommes
installés passage de la Fontaine à Limeray. La maison était assez
grande et il y avait un jardin. C’était entièrement clos par un
grand mur, papa était satisfait, comme cela on ne pouvait pas être
épiés de la rue. Papa aimait la discrétion. Il disait régulièrement
que, moins on fréquentait les gens chez soi, plus on était sûr
d’être en paix. Dehors c’était autre chose. De temps en temps, à
Limeray, au café où papa aimait jouer au billard, il y avait un ou
deux anciens adeptes des Croix-de-Feu. Papa me disait toujours
qu’il fallait les éviter car ils étaient avant tout nationalistes et
anticommunistes et, même s’ils étaient devenus le Parti social
français, le parti le plus important de la droite française, qu’ils
disaient que la France avait la meilleure armée d’Europe et qu’ils
n’avaient pas peur des Allemands, papa m’affirmait que bientôt il
y aurait la guerre et qu’il fallait être pondéré dans ses propos,
9
mesuré dans son attitude journalière. Durant cette période
trouble, papa a continué d’oeuvrer chez monsieur Vernon, par
intermittence chez des particuliers. Maman travaillait quelques
jours au château ou faisait des petits extra dans des maisons
bourgeoises à Amboise ou Montlouis. Pour ma part, j’apprenais à
coudre, à repriser, à broder, à faufiler, à border et à raccommoder.
Mademoiselle Marnais était une dame charmante mais très
autoritaire. Elle se prénommait Marguerite. Lorsque j’avais
besoin d’un conseil elle n’appréciait pas que je l’appelle par son
petit nom. Son père qui était peintre (un grand monsieur tout
maigre) la réclamait toujours en disant : « Ma petite Marguerite,
ma gentille Marguerite, ma Marguerite chérie. » En retrait, je me
fendais la margoulette mais je faisais tout de même gaffe car
Marguerite avait régulièrement le regard en coin et rien ne lui
échappait vraiment. Quand je travaillais, je ne parlais pas
beaucoup du fait qu’elle me rabâchait régulièrement qu’il fallait
que l’oeil soit continuellement sur le travail sinon on loupait une
maille, on se piquait un doigt. Je n’aimais pas beaucoup cet
apprentissage mais je ne pouvais pas faire autrement. Je savais
que mes parents n’étaient pas fortunés. Je me disais que plus tard,
je pourrais faire autre chose, qu’un jour je quitterais Limeray, que
j’irais à Paris. Mon oncle Fauvin, le papa de Pierrot, qui
voyageait beaucoup parce qu’il travaillait au chemin de fer, nous
parlait souvent de Paris. Comme il était passionné d’histoire et
qu’il s’intéressait continuellement aux événements, je me disais
qu’un jour je finirais par partir. A Limeray, mes distractions
consistaient à me hasarder lorsque j’étais motivée, aux cours de
théâtre, à me distraire en compagnie de Jeanine, à lambiner
parfois dans le bourg. Quelquefois, l’abbé Benoît nous
réprimandait parce que nous traînions avec les garçons, mais
aussitôt qu’il avait fait demi-tour parce qu’il avait aperçu une
bigote, nous repartions gaiement avec nos copains. Nous ne
faisions rien de répréhensible mais dans un village comme
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Limeray tout se savait très vite. Si une fille avait un béguin et, si
elle avait fait la bagatelle, tout le pays était au courant. Papa
aimait beaucoup la musique, il avait été caporal clairon dans
l’armée mais, personnellement je n’en pinçais pas pour
l’harmonie de Limeray, je crois qu’il a toujours regretté que je ne
fasse pas de musique. Nous passions le Noël 1939 à Limeray.
Cette année-là, mes parents m’avaient offert un petit nécessaire
de couture. La valisette contenait des aiguilles, deux dés en
ivoire, quatre bobines de fil et deux paires de ciseaux. Papa
m’appelait la cousette. Il n’usait pas beaucoup ses affaires car il
était très précautionneux. Je n’ai pas le souvenir d’avoir reprisé
une de ses chemises ou ses chaussettes. Les événements
s’enchaînaient. A la maison papa se tenait au courant mais il ne
nous parlait de rien. Il n’avait pas une nature au bavardage, il
était toujours mesuré dans ses propos. Le midi, lorsqu’il écoutait
les informations à la radio, c’est avec discernement qu’il séparait
le vrai du faux. Ses parents avaient vécu la terrible Grande
Guerre et papa détestait par-dessus tout les Allemands. Il avait
cette rancoeur à l’intérieur de lui mais il n’entretenait pas un
sentiment national. Beaucoup d’amis de son père étaient morts
lors de la Première guerre mais papa n’avait pas d’intention
vengeresse. Il pensait que les hommes politiques seraient
raisonnables, qu’ils finiraient par comprendre, même si parfois il
pensait au fond de lui qu’il y aurait forcément la guerre. Je me
souviens que lorsqu’il avait fini de travailler, à l’occasion il
aimait bien boire une chopine avec ses copains. A Limeray, il y
avait deux cafés, celui du Vieux Palais du père Leroy où papa
allait parfois, mais la plupart du temps il préférait celui du père
Fauchère, situé non loin de l’église. Le patron vendait des
graines, faisait le coiffeur et surtout il y avait le billard. Il était
passionné par le billard, chaque partie suscitait en lui l’occasion
de s’exprimer autrement qu’à travers son savoir de jardinier.
Jouer à la carambole, boire en compagnie de ses copains, le
11
rendait particulièrement heureux. Maman n’appréciait pas ces
sorties au café car elle partait du principe que son époux René
travaillait pour sa femme et sa fille. Elle entretenait une
indéniable jalousie envers cette communauté qui dépensait son
énergie et son argent à un jeu qui, pour elle, ne ressemblait à rien.
Quand papa était au café, il était transformé, comme s’il
entretenait, malgré lui, une sorte d’antinomie. Il aimait blaguer,
n’était jamais avare d’un bon mot, prenait le temps de perdre son
temps. Quand il n’était pas dans le bourg à s’occuper d’un jardin,
il était généralement du côté du Haut Chantier chez un
particulier. Pendant une pause, opportunément il aimait boire un
canon avec son ami monsieur Vilette, au café du père Marcel
Mahé, établissement à la réputation lugubre situé près de la gare.
Le père Mahé tout en étant cafetier était également charron et
réparait les roues des charrettes et des chariots. Je me souviens
que le bonhomme avait toujours une grande quantité de roues de
brouettes à réparer car comme il passait la plupart de son temps
avec ses copains dans la salle du bistrot, il prenait énormément de
retard dans son travail. Papa lui disait toujours qu’il ne devait pas
faire ces deux métiers en même temps mais le bonhomme lui
répondait toujours « si le père Lejeau y peut jamais se séparer de
son sécateur, moi je me sépare jamais de mon bec d’âne ou de ma
chieuvre, j’fais c’que j’eux et j’emmerde la maréchaussée ». Le
père Mahé n’était pas facile mais papa disait à son propos que
peu de gens sont assez modestes pour souffrir sans peine qu’on
les apprécie et lorsqu’il ne pouvait pas aller dans le bourg pour
jouer à la carambole il se rendait près de la gare. Pendant les
fêtes, papa était un sacré boute-en-train car il aimait plaisanter.
Quand il était dans l’harmonie, aussi bien pendant les répétitions
que durant les cérémonies officielles, il n’hésitait pas à taquiner
ses amis, à chahuter avec le père de Marcel Guertin tout en
soufflant dans son instrument tandis qu’à la maison ou sur son
lieu de travail il était toujours d’un grand calme. Papa avait
12
acquis la certitude que l’année 1940 ne serait pas bonne du tout
car lorsque nous nous rendions chez mamie à Noizay, elle lui
disait qu’il fallait impérativement faire des économies, des
réserves car des temps très difficiles étaient à prévoir. Elle se
tenait au courant des événements. Le défaitisme était toujours de
rigueur chez mamie. Dans les semaines qui précédèrent le début
de la guerre, papa s’est soudainement renfermé sur lui-même,
taraudé par l’angoisse d’être mobilisé. Laisser sa blonde et sa
Jeannette seules, le tourmentait. Début mai, cependant que dans
le jardin de monsieur Guérit il équilibrait des branches sur des
poiriers en palmette, maman lui apprenait qu’il venait de recevoir
son avis de mobilisation. Deux jours plus tard, les yeux emplis de
larmes, sur le quai de la gare, nous embrassions papa qui partait
pour Nevers. Au moment où le train se mettait en branle, penché
à la fenêtre, une dernière fois, papa confiait à maman qu’elle ne
devait pas s’inquiéter, qu’elle devait avant tout prendre soin
d’elle, s’occuper de sa petite Jeannette. Lorsque la guerre éclate
en juin 1940, nous savons que papa est dans le sud. Dans le bourg
de Limeray beaucoup de gens prennent peur. Je me souviens
qu’un grand nombre partait précipitamment vers le sud, sans
doute dans leur famille ou chez des amis. Roger Percereau, que je
connaissais bien, fit l’exode avec ses parents en direction du
village de Luzillé. Pendant leur pénible expédition, ils avaient eu
la chance de pouvoir traverser la Loire à Amboise avant que le
pont soit bombardé, ils avaient été mitraillés par des avions
allemands et plusieurs personnes qui s’enfuyaient avec eux
avaient été malheureusement tuées ou blessées. Des gens de
l’ombre, comme disait papa, la fameuse Cinquième Colonne
avait laissé courir le bruit qu’il fallait éviter l’ennemi lorsque
celui-ci rentrerait dans le pays.
13
Le 10 mai 1940, après plus de huit mois, la « drôle de guerre »
laisse brutalement place à la bataille de France. Le but final du
Troisième Reich d’Adolphe Hitler est la destruction des forces
armées françaises. Les troupes allemandes envahissent les Pays-
Bas, la Belgique, le Luxembourg puis la France. Les centres
urbains sont bombardés et subissent des destructions massives,
entraînant l’évacuation et l’exode des populations civiles des
pays voisins de la France. En quelques semaines, dès l’invasion
de la Belgique, plusieurs millions de personnes s'enfuient du
Nord vers le Sud de la France emportant avec elles toutes sortes
de bagages. Cet exode jette sur les routes, des familles belges,
hollandaises et luxembourgeoises puis françaises. Des centaines
de convois de la Wehrmacht, lourdement chargés de matériel
avancent à travers les plaines et les villes en dépit de tous les
obstacles cependant que les flammes des incendies, la fumée des
explosions s’élèvent dans le sillage des escadrilles d’avions à
croix noires qui sillonnent sans trêve le ciel de France. Pour
retarder l’ennemi, les Français font systématiquement sauter les
ponts mais les sapeurs allemands spécialement entraînés à
reconstruire des ouvrages de fortune, réussissent à faire passer
leurs troupes. Les ravages de la guerre chassent la population
civile des villes et des villages, les combats deviennent plus âpres
au fur et à mesure de l’avance allemande en territoire français et
les convois militaires français jonchent les routes de leurs débris
pitoyables. Lorsque les forces allemandes balayent les armées
françaises, un chaos hétéroclite de piétons et de véhicules de
toutes sortes, gênent le déplacement des troupes françaises et
alliées restantes tandis que beaucoup de réfugiés subissent les
mitraillages des bombardiers en piqué stukas. A partir du 20 mai
les déplacés se heurtent à la tenaille de la Wehrmacht qui lui
coupe tout accès au sud du pays. Début juin, lorsque les troupes
allemandes s'approchent de Paris, ceux-ci déclenchent un
nouveau phénomène collectif d’une ampleur exceptionnelle, les
14
populations de l’Île de France ainsi qu’une partie des habitants de
la capitale s’enfuient à leur tour, à pied, en voiture à cheval ou
s’entassent dans des automobiles, des camions avec quelques
baluchons. C’est un lamentable mascaret humain qui déferle sur
les routes des provinces françaises, deux millions de personnes se
bousculent à nouveau pour fuir l’impitoyable ennemi. Malgré une
bonne résistance, l’armée française finit par céder face à un
adversaire très supérieur dans tous les secteurs du combat. La
bataille de France se termine le 22 juin et le gouvernement Pétain
signe l’armistice à Rethondes. Durant cette terrible période, le
gouvernement de Paul Reynaud prenait également le chemin de
l’exode, se réfugiait en premier lieu dans différents châteaux en
Touraine puis gagnait précipitamment Bordeaux. Au total environ
dix millions de personnes se sont exilées dans toute la partie sud
de la France.
« Lorsque l’armistice est signé nous pensons que papa va rentrer
immédiatement car Pétain promet un retour rapide des
prisonniers ainsi que de tous les militaires qui étaient restés dans
leur caserne. A partir du début du mois de juillet 1940 notre vie
domestique devint particulièrement difficile car notre quotidien a
surtout consisté, en premier lieu, à nous procurer le nécessaire
pour manger. C’était la guerre. Papa était toujours absent. Nous
étions désemparées car la réquisition avait été très rapide. Maman
n’avait pas eu le temps de se retourner. Nos provisions
diminuèrent très vite et nous dûmes nous serrer la ceinture. De
plus, maman est tombée malade, je dû m’occuper d’elle. Les
jours paraissaient interminables. Au début de sa mobilisation
papa nous envoyait une lettre par jour pour nous donner de ses
nouvelles. A travers ses courriers il nous prodiguait des conseils,
nous soutenait moralement, nous demandait des nouvelles des
gens. Il nous racontait ses journées en compagnie de ses copains,
nous parlait du cafard quotidien qui le tourmentait, de ses nuits
agitées, vaguement de la guerre. Comme il n’était pas au front, il
15
ne savait pas vraiment ce qu’il s’y passait. Son ordinaire se
bornait à espérer rentrer le plus vite possible dans son foyer. Son
découragement était de plus en plus important. Dans ses lettres il
se demandait s’il rentrerait un jour auprès de sa blonde, auprès de
sa petite Jeannette. Durant tout l’été nous vécûmes dans une
indicible angoisse. Le courrier fonctionnait très mal, les nouvelles
étaient mauvaises, chaque jour apportait son lot de désolation. Je
me souviens aussi qu’au début de la guerre, en juin 40, on
entendait les bombardements sur Tours. Nous étions très
inquiètes car nous avions des amis à Tours, monsieur et madame
Gobin. Un grand bonhomme qui était horticulteur et un excellent
camarade de papa. A Tours habitaient également monsieur et
madame Aveline qui nous rendaient parfois visite à Moncé avant
la guerre. Pas très loin de chez eux il y avait la gare de triage de
Saint-Pierre-des-Corps, certains soirs on pouvait entrevoir les
lueurs des bombardements, ça faisait une espèce de bruit sourd,
secrètement on espérait que leur maison ne reçoive pas une
bombe. Un jour on a su que les avions allemands avaient
également bombardé du côté de la Ville-aux-Dames et à Vouvray,
on souhaitait qu’ils ne viennent pas par chez nous. Nous étions
sans nouvelles de papa. Les informations que nous avions
venaient des gens, parfois de monsieur le maire, mais nous ne
savions pas vraiment comment se déroulait la guerre. Dès fois on
voyait des avions mais on évitait de sortir, nous avions vraiment
peur, aussitôt nous nous réfugions dans les caves de tuffeau. A la
maison on allumait le poste de TSF, on écoutait avec attention,
mais maman disait toujours qu’il n’y avait que papa qui nous
dirait la vérité. La journée, depuis le portail du château de Moncé,
on apercevait les trains qui montaient ou qui descendaient.
Monsieur Villette qui travaillait à la gare, nous donnait des
informations mais il ne savait pas grand chose à propos des
militaires. Ces informations étaient souvent contradictoires.
Monsieur Villette, qui nous rendait visite tous les jours nous a dit
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un soir que les Allemands avaient détruit le grand pont à Tours,
que bientôt ils seraient chez nous. Nous savions que les avions
allemands mitraillaient les convois de réfugiés, nous étions
préoccupées car papa était descendu dans le sud et nous ne
savions pas ce qu’il s’y passait. Lui-même ignorait l’importance
des événements. Les réfugiés étaient nombreux. Tout le monde
essayait d’aller chez les gens afin d’avoir des nouvelles, pour
manger, ou se rendre dans de la famille pour y être en sécurité.
Quelquefois des personnes faisaient une halte mais ne restaient
pas longtemps. De toute façon nous n’avions pas grand-chose,
nous donnions un verre d’eau, de vin. Les gens étaient terrorisés,
tout le monde avait peur et désirait que cela se termine au plus
vite. Les familles avaient tout leur barda avec elles. Ils portaient
ou traînaient des grosses valises. Ils ne pensaient qu’à aller au
plus vite, le plus loin possible. Je n’avais jamais vu autant de
gens désespérés, autant de personnes témoigner leur ressentiment
envers le gouvernement. Je me souviens que maman avait fait
une lettre à l’attention de monsieur Bouché qui habitait à la
Gendronnière, aux Montils. Il avait été mobilisé en même temps
que papa mais il avait eu la chance de rentrer. Maman avait
donné la missive à des gens qui allaient dans cette direction. Dans
son courrier elle demandait à Monsieur Bouché s’il avait des
nouvelles de papa, du déroulement des événements. On n’a
jamais su si la lettre était arrivée. Durant cette période je me
souviens également que l’oncle Fauvin travaillait à la gare de
Périgueux car il avait quitté la gare de Noizay. Heureusement
pour nous, nous connaissions un de ses camarades qui y
travaillait encore. Dans les petites stations il y avait toujours le
chef de gare, un facteur préposé à délivrer les billets et parfois un
cheminot qui donnait un coup de main. Lorsque l’on pouvait y
aller, nous demandions à cet ami s’il avait des renseignements.
Nous savions qu’avec son métier il pouvait téléphoner plus
facilement, il nous rassurait mais on ne savait jamais grand-
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chose. Chaque soir nous nous installions sur le perron de la
maison. Maman contenait ses larmes comme elle le pouvait,
tandis que pour oublier les craintes qui m’envahissaient, je
caressais le chien Dolphie. Installées sur ce bloc de pierre,
maman et moi entretenions le secret espoir que papa rentrerait.
Qu’il n’aurait pas eu le temps de nous prévenir, que
soudainement il nous ferait la surprise d’apparaître au portillon. A
cet instant, je lâcherais son chien qui lui ferait la fête pendant que
maman et moi nous nous hâterions pour l’étreindre dans nos bras.
A mon âge, j’étais loin de penser que cette guerre allait durer
aussi longtemps. J’étais encore jeune, même si j’étais un peu
mature, je manquais d’assurance. A cette époque nous ne
rencontrions pas beaucoup de monde. Je voyais toujours les
mêmes personnes, nous avions parfois le journal mais c’est papa
qui le lisait. Papa savait qu’un jour il y aurait la guerre. Il était
socialiste. Son postulat résidait dans la confiance et la bonté de
l’individu. Il était pour une sorte de société idéale où régnerait
l’égalité. Évidemment les événements lui prouvèrent le contraire
mais malgré ces aléas successifs, il ne changea jamais d’idées. »
Sylvain-René Lejeau à Nevers en juin 1940.
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Nevers le 4 juin 40.
Ma chère petite Jeannette.
Je t'envoie une carte de Bernadette que je suis allé voir hier soir.
Toi tu as la plus belle carte. J'en ai acheté d'autres pour des amis
mais elles sont moins chères. J'ajoute aussi un petit souvenir que
la bonne soeur m'a donné. Moi j'en ai un aussi. Je vous le
montrerai quand j'aurai le bonheur de vous voir. C'est dommage
que tu sois si loin sans cela je t'emmènerai visiter mais pour nous
c'est pas facile car nous sortons tard le soir. Les bonnes soeurs
sont bien gentilles et elles sont comme nous car elles ont des
neveux et des cousins dans les casernes et pas de nouvelles.
Enfin cela m'a fait une sortie. Merci ma petite Jeannette pour ta
photo, aussi je te ferai une petite surprise un de ces jours.
Bonjour à toutes tes camarades et surtout ma Jeannette soit bien
raisonnable et écoute bien ta maman car elle doit être comme
moi, bien ennuyée. Enfin, prenons patience et nous nous
retrouverons tous ensemble.
Je te quitte ma chère petite Jeannette en t'embrassant comme je
t'aime.
Ton papa bien loin.
René.
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Nevers le 10 juin 1940.
Ma chère petite blonde chérie et ma chère petite
Jeannette.
Malgré les quelques lignes de ce matin je ne peux m'empêcher de
faire réponse à ton long journal reçu ce soir. Je te vois tellement
désolée pauvre chérie, moi je suis pareil mais espérons encore.
Pauvre petite blonde chérie, tu me demandes où aller en cas
d'évacuation, mais je suis comme toi, je n'en sais rien. Peut être
que cela va s'arranger ou alors je n'y comprends rien. Tu verras
bien ce que ces messieurs te diront et où aller, mais ne compte
pas t'en aller en bicyclette car il faudrait emporter des choses.
Tout ce que tu as de plus précieux et utile. Je crois qu'il y a des
trains ou des autos. Je te dis çà ma blonde chérie mais je suis
comme toi; j'ai la tête à moitié en l'air et bien du chagrin, comme
toi. Nous qui étions si heureux, nous séparer. Toi qui m’avais si
bien soigné pour me conserver prêt de toi, pour nous aimer. Cela
va durer combien de temps. Ah que c'est donc tout de même triste
de penser à tout cela. Je suis surpris que tu n'aies pas reçu ma
lettre le jour où tu m'as écrit car tous les jours une lettre ou
plutôt deux partent vers mes chéries. Demain je n'aurai sans
doute pas de lettre de mon ange, mais peut être après demain.
Fais de ton mieux ma chérie. Tout ce que tu feras sera bien. Tu
fais toujours bien. Écoute les bons conseils et nous nous
serrerons toujours pour ne pas nous perdre. Dis ma blondinette
chérie, il ne faut pas nous séparer. Fais comme moi, prends bien
courage et mange bien avec ma Jeannette pour prendre des
forces et tenir le coup et la fatigue mais ne vous pressez pas de
trop pour partir, attendez sans doute les ordres. Tu ne m'en
voudras pas, dis, ma blonde tant aimée d'avoir mis un timbre,
c'est pour qu'elle parte ce soir, pour te tranquilliser, car
autrement je la mettrai à la mairie et elle ne partirait que demain
matin. Qu'est-ce que tu veux, je fais tout pour ma blonde. Ah oui,
il l'aime la blonde et la Nénette et je veux les revoir. Tout vers
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vous deux mes mille baisers et caresses. Sur ta petite tête blonde
si mignonne mes doux baisers que tu as toujours aimé de ton
René qui aime sa blonde. Ton René pour toujours, mille caresses.
Merci de ton petit jasmin. Il sent bon, à demain mon ange adoré
que je veux revoir. Ton René qui t'adore. Faites bien attention à
toi et ma Jeannette.
René.
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Nevers le 15 juin 40.
J'écris au crayon car ma plume est tombée dans l'encrier.
Ma chère petite blonde chérie, ma chère petite Jeannou.
Je viens à l'instant de recevoir ta gentille lettre ainsi que celle de
ma petite jeannette. Tout cela me fait bien plaisir puisque je n'ai
que cela, moi, ici privé de tout. Pourtant il y en a qui sont chez
eux. Ha ! Bon dieu, vivement la fin de cette misère. C'est comme
le vieux, te faire aller à Amboise pour trois bouteilles de petits
pois et ensuite te donner du travail à la maison. Tu es le chien de
tout le monde. Vivement que j'y retourne et je t'enverrai chier
tout çà. Quand on voit des choses pareilles, si c'est pas honteux.
Ah oui, c'est du beau travail. Pauvre chérie, petite tête blonde
chérie, tu me dis que j'en mets pas long mais tu sais il ne faut pas
m'en vouloir car je viens de finir de manger. Je suis tout à toi
mais nous reprenons dans une heure. Bien sûr, il y a des fois dans
la journée j'aurai le temps mais il me faut mon papier et un coin
pour me cacher. Ma petite Jeannette me dit que la Coutoux lui a
dit que j'étais bien ici. Elle n'a qu'à venir coucher seulement une
nuit et elle verra. C'est vrai, je la connais ??
Ma petite blondinette tu dois voir comment les affaires marchent.
Surtout n'attendez pas qu'il soit trop tard pour fuir le plus loin de
ces sauvages. Tenez-moi bien au courant et écrivez-moi car cela
ne va pas rire. Ah les bandits ???? (c'est bien comme cela que je
les ai toujours jugé). Ton petit René aurait pourtant été bien
heureux aujourd'hui d'avoir sa blonde et sa Jeannette,
maintenant si tout va bien il faut que j'attende mercredi. Ma
pauvre petite chérie, tu me dis que tu voudrais que je te revienne
comme à vingt ans, oui, ton René te reviendra. Comme tu m'as
dit, avec des cheveux blancs, mais son coeur n'a pas changé. Il
sera toujours pour ma blonde comme le tien ma chérie je pense.
Tu me dis que tu manges de bonnes choses ma petite blonde. Ah
je n'en suis pas jaloux ; Mangez bien toutes les deux. Nous
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aurions la même chose ici je ne le mangerai pas de bon coeur car
j'ai toujours froid et du mal à digérer, c'est si lourd en ce
moment. Ma petite Jeannette me dit aussi que ma peloute vous a
échappé et derrière l'enveloppe j'ai vu (chien revenu) est-ce bien
vrai ? Car pauvre petite bête je l'aime aussi. Çà me ferait bien de
la peine de la perdre et en même temps cela vous fait une
compagnie. Enfin, tout cela n'est rien après ce qui se passe. Ah
les sauvages. Si je pouvais te causer je te dirais tout ce que
j'avais prévu. C'est demain dimanche. Ah le beau dimanche que
je vais encore passer! J'en profiterai (si c'est toujours cela qu'il
faut dire).
Je peux laver mon linge, cela m'occupe un petit moment car j'ai
du courage comme quand je dors. Enfin, espérons des jours
meilleurs. J'attends demain avec impatience pour avoir ton long
journal. Le jardin, ne t'en fais pas et la soupe de ces messieurs
non plus. Ils n'ont qu’à venir ici, il y a du rabiot. Maintenant il
faut que j'aille acheter une plume pour faire l'adresse et ensuite il
sera bientôt une heure.
Tu ne me dis pas mon petit blondineau si Mélanie vient chez
nous. Raconte-moi bien tout et embrasse bien ma petite Jeannette
pour moi. Tout vers vous mes deux chéries tendresse et caresses
de votre René. Ma petite blondinette chérie je te quitte sur le
papier mais pas la pensée, jamais. Mes douces caresses et
baisers affectueux de ton René qui t'adore. Tout sur ta petite
bouche si douce à ton René, ton René qui n'aime que sa blonde
tant désirée. Ton René toujours, toujours. Écoutez bien mes
recommandations. Vous verrez pour Périgueux.
Mille tendresses de loin.
René.
Pierre m'a écrit avant hier. Merci de la lettre à Cormier et
Yvonne. J'écris à ma blonde d'abord, les autres après. Parfois je
n’ai pas grand chose à te dire mais il faut dire qu’ici je
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m’ennuie. Je n’arrive pas à avoir d’idées, la seule chose qui
trotte dans ma tête c’est de revoir ma blonde et ma Jeannette. Le
restant c’est pas très important.
Ton René. Ma blonde je te mange.
Partout en France, les événements se bousculent. Malgré des
combats acharnés pour tenter de repousser les nazis, les troupes
françaises cèdent et le 14 juin les soldats de la Wehrmacht
défilent fièrement sur les Champs-Élysées. Plus tard, Hitler
contemplera son triomphe du Trocadéro sans pouvoir monter sur
la Tour Eiffel. Plus rien ne peut arrêter la machine de guerre et les
conséquences de ce désastre sont considérables. L’Allemagne
domine toute la partie occidentale de l’Europe. En France tout
fonctionne de travers. Le courrier n’arrive plus, les denrées
alimentaires se font de plus en plus rares et deviennent hors de
prix. Les militaires sont débordés par la situation et à l’arrière,
personne ne semble être au courant du désastre car les
informations sont contradictoires. Bientôt la France sera
découpée en deux parties. La zone libre, capitale Vichy, où le
maréchal Pétain installera son gouvernement et la zone occupée,
située au-dessus de la Loire où les Allemands s’installeront en
force. Profitant de leur statut de conquérants, ils investiront tous
les endroits susceptibles de leur rendre allégeance. Durant ce
mois de juin la ville de Tours et ses environs subiront les
bombardements intensifs de l’ennemi. L’angoisse s’installe dans
le coeur de René. Pendant ce temps aussi bien dans leur maison
du bourg qu’au château de Moncé, Germaine et Jeannette,
inquiètes, voient les antagonistes arriver au pas de l’oie. Seule
une lettre de René leur rendrait un peu d’espoir. Celle-ci arrive le
27 juin. Elle a été postée depuis Agen.
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Agen le 26 juin 40
Ma chère petite blonde chérie, ma chère petite Jeannette.
Je viens causer un peu avec vous car cela me passe un peu le
temps. C'est dur de ne pas avoir de vos nouvelles. Je voudrais
bien savoir où vous êtes et surtout si vous êtes en bonne santé.
Vous devez comprendre que je suis très inquiet et je trouve le
temps long. Je voudrais bien savoir quand nous allons partir.
Quelle joie ce sera mon dieu de vous embrasser. J'ai écrit hier
mais je ne sais pas si les lettres partent. C'est le bazar à cause de
cette engeance. Enfin, à bientôt mes chéries et au plaisir de vous
revoir. Je vais terminer car c'est l'heure de la soupe et la boite
aux lettres est loin d'ici. Mille baisers ma petite Jeannette et toi
ma blonde chérie je te couvre de baisers. Mes plus douces
caresses tout pour toi de ton René qui ne pense qu'à sa blonde
tant désirée.
A bientôt petit blondineau, ma chérie, ton René pour toujours. Je
ne peux pas t'en dire plus car nous n'avons presque pas de
nouvelles. Nous attendons. C'est la consigne. Voici ma nouvelle
adresse.
5ème C.A.O. SM.8.Replié.
La Candelie. Pont du Casse par Agen. Lot et Garonne.
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Agen. La Candelie le 28 juin 40.
Mes deux Chéries tant désirées.
Aujourd'hui je viens encore causer un peu avec vous. J'espère
que vous recevez mes lettres car je vous écris tous les jours. Je ne
reçois rien de vous. Que c'est tout de même dur une séparation
des êtres que l'on chéri tant. J'ai écrit dans la Sarthe pour savoir
si vous y étiez, j'attends la réponse. Je sais que vous n'êtes pas
chez René car je l'ai vu. Je voudrais bien savoir quand je vous
reverrai. Je ne dors pas de la nuit et mes reins me font grand
mal. Vivement la joie de vous retrouver, mais où, et comment?
C'est tout de même trop souffrir. Je sais que pour certains c'est
dur aussi mais moi je vous aime, toi ma blonde et ma Jeannette.
Mes deux chéries je vais vous quitter pour aujourd'hui en vous
couvrant de mes plus tendres caresses vous que j'aime tant. Mille
baisers affectueux à toi ma blonde chérie. Ton René est toujours
avec toi. A bientôt, ton René qui ne pense qu'à toi.
Mon adresse.
5ème C.A.O. SM.8.Replié.
La Candelie. Pont du Casse par Agen. Lot et Garonne.
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Agen, le 29 juin 40.
Mes deux chéries tant désirées.
Toujours pas de nouvelles. Mon dieu que je trouve le temps long
de ne pas savoir ce que vous êtes devenues. J'ai des nouvelles de
personne. C'est tout de même trop souffrir d'être séparé, et pour
combien de temps. Çà va pas vite. Je voudrais pourtant bien m'en
aller, même à pied. J'aurais du courage rien que pour revoir ceux
que j'ai quitté en bonne santé. Et vous, dans quel état vous êtes.
Toutes les nuits je fais des cauchemars. Mon dieu tout de même
qu'elle vie, qu'elle souffrance. Enfin, j'espère toujours. J'ai écrit à
maman dans la Sarthe aussi. Comme je sais que vous n'êtes pas
chez René je ne sais que penser. Ici on nous dit rien. Il paraît
qu'ils ne savent rien mais çà m'étonnerait. Je vais vous quitter
mes deux chéries en vous embrassant mille fois comme je vous
aime. Toi ma blonde reçoit de ton René ses meilleurs baisers et
tendres caresses. Tout pour ma chérie, petite blonde tant désirée.
Ton René, toujours, toujours.
Mon adresse.
5ème C.A.O. SM.8.Replié.
La Candelie. Pont du Casse par Agen. Lot et Garonne.
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Agen, le 30 juin 40.
Douces aimées.
Je suis toujours sans nouvelles et mes nuits ne sont faites que de
cauchemars. Aujourd'hui j'aurai peut être une lettre. Le temps me
semble long. Être séparé de vous c'est cruel. J'aurai peut être une
lettre de René qui me dira où vous êtes, enfin j'espère. Je
voudrais bien savoir où vous êtes comme çà je serai moins
ennuyé. Ma chère petite blonde tu me disais toujours, mon René
je ne voudrai pas te voir devenir gros, et bien tu n'as rien à
craindre. Je ne vais pas revenir trop gras. Ici on n'a que des
clopinettes et faut faire avec mais le principal c'est que je vous
retrouve. Le soleil se fait déjà voir et je t'assure qu'il est chaud.
Mon dieu, quelle chaleur. Écrivez-moi je vous en supplie car les
jours sont des années. Je vous quitte pour ce matin en vous
embrassant toutes les deux mille fois comme je vous aime, ma
blonde et ma Jeannette. Tendres baisers pour toi ma blonde de
ton René qui ne pense qu'à toi. Pour toujours, toujours.
Mon adresse.
5ème C.A.O. SM.8.Replié.
La Candelie. Pont du Casse par Agen. Lot et Garonne.
28
En juillet Pétain obtient les pleins pouvoirs. Pendant ce temps les
français essaient de s’organiser comme ils le peuvent. Les
denrées sont toujours aussi rares et les Allemands semblent
s’installer pour longtemps. Le courrier va toujours aussi mal car
la plupart des voies de communications sont hors d’usage.
Pourtant, René écrit toujours à sa blonde et à sa Jeannette. Une
lettre de ses chéries lui redonnerait le ferme espoir que bientôt il
rentrerait et pourrait de nouveau se serrer auprès d’elles.
7ème lettre depuis le 28 juin.
Pont du Casse le 2 juillet 40
Bien privé de ses deux chéries tant désirées.
Je suis toujours sans nouvelles et je n'y comprends rien. De René
je suis également sans nouvelles, il y a de quoi devenir fou et
vous de votre côté vous devez aussi trouver le temps long. Je
trouve que la classe ne vient pas vite, enfin çà ne tardera pas
maintenant. J'espère, ah que je voudrais bien vous revoir, être
près de vous. Toute la nuit j'étais avec vous mais ce n'était qu'un
rêve, un de plus. Aujourd'hui je vous assure qu'il fait quelque
chose comme chaleur, on ne sait où se caser. Je ne peux rien vous
mettre de plus. Je vous quitte pour ce matin en vous embrassant
mille fois comme je vous aime. Je vous attends avec impatience.
Quand aurais-je le plaisir de vous revoir ? Tous mes tendres
baisers pour toi ma chère petite blonde, toute aimée de son René
qui ne pense qu'à sa blonde. Ton René qui t'aime. Mille baisers à
ma Jeannette et à toi ma blonde.
Ton René toujours, toujours.
Mon adresse.
5ème C.A.O. SM.8.Replié.
La Candelie. Pont du Casse par Agen. Lot et Garonne.
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Lettre de René à sa mère.
Pont du Casse le 2 juillet 40.
Ma chère Maman.
Je viens à l'instant de recevoir une lettre de Périgueux joignant
une lettre de ma blonde. La dernière sans doute. Cela me fait
bien de la peine de les savoir parties. Si seulement ils étaient
restés avec toi. Je ne sais quoi penser. Où ont-elles pu aller à
bicyclette. Elles ont peut être été tuées. Je n'ai plus du tout ma
tête à moi. Pourtant je lui écris tous les jours, c'est mon seul
soulagement. La dernière lettre que j'ai reçue d'elle était datée du
11 juin, cela fait pour moi des années, une éternité. C'est une
séparation si cruelle, enfin, j'espère quand même revoir tous ceux
que j'aime. Mais hélas quand donc ? Écris-moi ma chère maman.
Je t'en supplie, pour me dire si tu sais où elles sont. Je les aime
tellement ma blonde et ma Jeannette.
Je termine pour tantôt en t'embrassant mille fois comme je
t'aime.
Ton René.
Si tu les vois, donne-leur mes meilleurs baisers car je suis
toujours avec elles par la pensée.
René, mon adresse.
5ème C.A.O. SM.8.Replié.
La Candelie. Pont du Casse par Agen. Lot et Garonne.
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Moncé 3h Samedi 6 juillet 1940
Mon cher petit papa tant aimé.
Nous venons de finir de diner et tu vois il n’est pas de bonne
heure ? Nous arrivons d’Amboise de porter les légumes au
patron et comme il faut passer la Loire en bateau et nous l’avons
manqué pour nous en aller, et comme un fait du hasard nous
nous sommes trouvé avec monsieur Grenouilloux et Mme Richet
qui allaient voir leurs amis qui sont prisonniers à Amboise place
du commerce. Alors nous sommes allées avec elle et nous les
avons vus. Tu sais cela fait pitié de les voir ces pauvres gars. Ils
demandent du pain car tous les jours nous mourons de faim.
Alors tous les jours elles vont leur porter à manger. Et puis en
arrivant à la maison on trouve un paquet de lettres. Tu parles si
nous étions contentes. Je vois que tu as vu tonton René à
Périgueux, peut être que tu as vu la carrière par la même
occasion. Tu ne croyais peut être pas que tu irais une ou 2 fois à
Périgueux. Tu sais nous nous tourmentions beaucoup de ne pas
avoir de tes nouvelles depuis le 9 cela est bien dur. Nous allons
voir mémère demain. Quand nous allons lui annoncer que l’on a
de tes nouvelles. La pauvre bonne femme elle se tourmentait bien
aussi. Car tu sais les trois jours que ça allait si mal nous avons
couché dans les caves pendant 5 jours de suite car tu sais ça
s’est battu à Amboise. Pauvre Amboise ce n’est plus que des
ruines bientôt. Enfin. Le mari à Nelly Anocré Limousin il est
prisonnier mais elle ne sait pas où. René Mary est prisonnier à
Amboise derrière l’église de St Denis ? Le beau temps est passé.
Pour l’instant il tombe de l’eau à plein prarche (à la mode du
père Maugeret). Tu sais ta peloute elle s’ennuie bien, à présent
elle trouve le temps long de ne pas te voir. A tous les repas il faut
que je lui fasse une soupe au lait avec du sucre ou du jus de
viande sans cela il ne mangerait pas. Aussi depuis ton départ il a
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bien maigri car Mer ne veut pas manger. Puis quand nous nous
sommes en allées à Noizay nous l’avions emmené, mais cette
petite bête il s’ennuyait alors il est revenu à Limeray sur sa
marche et c’est ces messieurs qui l’on reçu. Puis après il est allé
chez le père Huguet alors le père Huguet l’a gardé. Mais tu sais
on se demandait bien où il était ? Le père Huguet est bien
malheureux car au bourg plus de tabac alors préjau ne va plus
marcher ? S’il n’y voit que cela. Tout ce qu’on demande c’est que
tu reviennes bien vite.
Mon cher petit papa je termine ma lettre en t’embrassant
bien affectueusement, mille fois comme je t’aime.
Bons baisers.
A bientôt. Ta Jeannette.
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13ème lettre depuis le 28 juin.
Pont du casse le 12 juillet 40. 7 heures du soir.
Ma chère petite blonde chérie, ma chère petite Jeannette.
Ah quelle joie ce soir ma blonde. Deux lettres, une du 6, l'autre
du 8 et 2 lettres de maman. Tu ne peux te faire une idée de la joie
de ton pauvre René privé des lettres si affectueuses de son trésor.
Cela faisait un mois, on ne peut s’en faire une idée. Je vous
raconterai comment je suis arrivé ici. C'était un drôle de cirque.
Mes deux chéries tant aimées. Ma blonde tu me dis que tu as été
un peu dévastée. Ceci n'est rien. Je demande qu'une chose, aller
vous embrasser ou plutôt vous manger le plus tôt possible.
Aujourd'hui ils ont commencé par envoyer les hommes dans les
pays non occupés. Notre tour viendra bien j'espère mais je ne
sais pas pour quand sait. Ce soir j'en ai justement parlé avec
Malachier mais il ne sait pas et en plus il n'a pas de nouvelles de
chez lui. Tu me dis mon petit blondineau que tu m'as envoyé un
mandat. Je t'en remercie mais dans mon malheur j'en avais reçu
un de René. J'ai encore eu de la chance de les avoir. Ma petite
chérie tu me demandes ce que je fais. Je vais te dire d'abord que
le pays est un peu montagneux et je loge dans un château, mais il
est bien plus petit que la Gendrouvière dans les bois. Je couche
sous les tuiles et toujours sur la paille et dans la journée dans la
boue jusqu'aux genoux. Le pays comme Négron, ce que je fais du
matin au soir ? Manger, dormir, t'écrire. J'en ai honte. Ah
vivement le départ. Je crois que je partirai à pieds. Enfin mon
pauvre coeur est soulagé d'un grand poids de vous savoir
vivantes. Ma blonde couchée dans les caves et ma Jeannette. Et
j'y pensais bien à tout cela. Enfin, prenez courage toutes les
deux. Tu as ta Jeannette qui te console. Nous on ne voit rien du
tout, que des boeufs qui fauchent et de l'eau tous les jours et je
vous assure que ça tombe par ici. Je vais m'arrêter pour ce soir
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car dans la turne il n'y a qu'une lucarne.
Je vais faire un mot à Maman et demain je vous récrirai. Je vous
quitte mes deux chéries en vous couvrant toutes les deux de mes
douces caresses. Ton René te mange ma blonde tant aimée de ton
René qui ne pense qu'à toi. A ma blonde mes meilleurs baisers
pour toi toute seule, ton René, toujours, toujours. Ton René ce
soir bien changé. Je crois que je vais bien dormir ma chérie.
Mille baisers pour ma blonde. Ton René.
PS. Surtout faites bien attention car je tiens à vous.
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7ème lettre depuis le 28 juin.
Pont du Casse le 13 juillet 40
Ma chère petite blonde chérie, ma chère petite Jeannette.
Je suis tellement heureux d'avoir eu hier soir vos deux lettres que
je viens encore causer avec vous. Pendant que j'y pense ma petite
blonde j'avais oublié de te dire que dans ma fuite j'avais vu
Francine et Germaine. Tu pourras le dire à madame Brunet.
Elles étaient bien contentes et moi aussi. Elles voulaient que je
reste à coucher mais je n'ai pas voulu malgré que je fusse bien
las. Heureusement que je n'ai pas accepté car nous sommes
partis à 2 heures du matin. Quelle marche à pied, en pleine nuit,
tu te rends compte et un moment j'en avais marre. Enfin, nous
causerons de tout cela quand nous serons dans notre petit
coin ?? Dis ma petite blonde, vivement ce beau jour.
Surtout ne faites pas d'imprudence, n'allez pas l'une sans l'autre
car si des fois ils occupent le pays. Faites bien attention. Surtout
croyez-moi, je veux vous retrouver toutes les deux en bonne
santé. Je ne vais cacheter ma lettre que ce soir si toutefois j'en
avais une de ma blonde. Les deux d'hier je les ai relus au moins
dix fois, cela me passe le temps. Je n'ai pas reçu les deux que tu
m'as adressées à Nevers. Celles du 6, l'autre du 8. Ce n'est pas
vieux 4 jours. Merci encore mille fois ma blonde et ma Nénette.
Je vois que ma peloute a du chagrin. Quand je vais rentrer il ne
me reconnaîtra certainement pas. Ah oui tu as raison, gardesmoi
des lumas, j'en mangerai bien. Ah oui vivement la cuisine de
ma blonde. Je crois que je tomberai fou quand je vous reverrai.
Je me suis rasé ce matin.
Si seulement c'était la dernière fois ici, mais je n'en sais rien.
Nous sommes dans le vague. J'attends toujours. Tu penses le
pauvre château dans lequel nous sommes, 608 hommes là
dedans, si le patron voyait cela, qu'est-ce qu'il dirait. On ne voit
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que des vignes, des pruniers, pêchers, abricotiers, figuiers,
melons, que des fruits, surtout des prunes. Dans les fermes les
gens sont gentils mais ici ce n'est pas trop clair, un peu le genre
Fifine Chapiau. On n’a pas de grandes sorties. L'autre fois je
suis allé de l'autre côté du bois dans un petit pays sur la route
d'Agen, à Villeneuve sur Lot, un beau petit pays et sur la route j'y
ai pas cru, tu penses par ici, j'ai vu le camion à Armout,
marchand de vin à Onzain mais j'ai pas eu le temps de l'arrêter.
Je serais pourtant bien monté avec eux pour faire la route. Enfin
prenons patience. Je vais arrêter pour ce matin et je terminerai
en vous envoyant mille baisers à toutes les deux.
Ah, une lettre de Bonnetable et ton mandat mon petit blondineau
chéri. Merci mille fois en attendant de te récompenser quand je
serai rendu chez nous. Hier des gars sont partis dans des zones
occupées. Mon copain de St Aignan est parti aussi, nous avons
bu un coup. Quand il m'a quitté je t'assure que j'en avais un gros
coup sur le coeur. Enfin j'attends toujours avec patience.
Quel bonheur je vais avoir ce jour là, je crois que le train n'ira
pas assez vite. Hier je suis allé faire un tour dans le pays. Les
enfants étaient en récréation. Dans l'école il y a un maître et une
maîtresse pour 12 garçons et 3 filles. Je crois qu'ils ne se sont
pas foulés, dans mon coin j'en ai ri tout seul. J'ai vu aussi un
gars de Tours et de mon âge. Il est venu pour se faire démobiliser
ici. Je le reverrai lundi. On a bu un coup et il m'a donné quelques
renseignements sur la ville. Je vois que c'est chaud !! Vous avez
dû souffrir, comme j'aurais voulu être auprès de vous. Alors à
demain mes deux chéries. Je vous quitte en vous embrassant
mille fois comme je vous aime en attendant le jour tant désiré de
vous revoir. Mille caresses si douces de ton René volent vers toi
ma blonde. Mille baisers affectueux de ton René qui ne pense
qu'à sa blonde chérie. Tu as si bon coeur ma blonde.
Ton René.
Embrassez bien Jeanine et Jeannette aussi tes petites camarades.
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Depuis le 10 juillet Pétain s’est installé à Vichy. Il décide de
s’occuper de la France. De Gaulle établi à Londres prend la tête
de la résistance française afin de combattre l’occupant. Pendant
ce temps au château de Moncé, Germaine attend avec impatience
son époux, Jeannette le retour de son père. Les lettres et les cartes
se croisent. Le doute s’installe dans la petite famille. René
rentrera-t-il bientôt ?
37
Pont du Casse le 18 juillet 40
Ma chère petite blonde chérie, ma chère petite Jeannette.
Je croyais avoir une lettre de mes deux chéries mais bernique pas
de courrier ce matin pourtant tu m’avais dit que tu m’écrirais à
chaque fois que tu pourrais. Si tu n’as pas la force ou le moral
demande à ma petite Jeannette de me faire une lettre. Elle a
toujours beaucoup de choses à raconter la dernière fois elle m’a
dit que vous n’aviez plus rien à manger si ça continue comme ça
vous allez devenir étiques et je ne vous reconnaîtrais plus le jour
où je vous serrerai enfin dans mes bras. Ici je tourne en rond on
ne sait toujours pas quand on aura notre feuille pourtant ma
blonde je l’ouvre ??? C’est le bordel. Le cousin à Robert Bandon
a réussi à se faire démobiliser hier nous sommes restés ensemble
toute la journée ça m’a fait du bien de parler de Noizay et de
Limeray avec lui. Il m’a dit qu’il passerait peut être vous voir à
Moncé mais il paraît que les trains ça marche mal alors il verra.
Enfin aujourd’hui j’ai pas trop mal mangé pourtant je n’ai pas
d’appétit car ma blonde est loin enfin espérons toujours ce beau
jour tant désiré de vous serrer dans mes bras toutes les deux.
Mille doux baisers ma blonde de ton René, mille baisers à ma
Jeannette.
Ton René, toujours, toujours.
A bientôt j’espère.
Ton René.
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Carte postale aux armées avec franchise militaire.
(Vendue 5 centimes dans tous les bureaux de poste)
Château de Moncé. Limeray le 24 juillet 1940
Mon cher petit papa.
Je viens bavarder un peu avec toi. Le dîner est terminé et nous
venons de recevoir deux lettres de toi. Une du 21 juillet et l'autre
du 17 juin. Hier je t'ai écrit pour ton laissez-passer. Aujourd'hui
tu ne recevras pas de lettre de maman car tu sais elle est bien
malade. Elle est au lit depuis dimanche soir. Elle a grand mal à
sa gorge ainsi qu'à ses oreilles et sa tête. Je suis allée ce matin
chercher le docteur et il m'a donné des médicaments et depuis il
y a un petit mieux. Mais tu sais elle souffre le martyr alors ce
tantôt je vais aller chercher mémère à Noizay car je suis toute
seule et s'il lui prend quelque chose à maman je serai bien
malheureuse. Tantôt, Tintinette viendra lui tenir compagnie
pendant que je serai partie. Tu sais, quel malheur que tu ne
puisses pas venir. Fais ton possible. Demande au plus vite ta
démobilisation et aussitôt monte dans le premier train. Monsieur
Vilette m'a dit que tu pouvais t'en revenir comme cela, que tu ne
craignais rien, que s’était le moyen le plus sûr et qu'il ne fallait
pas avoir peur des autres. Malgré qu'ils soient partout, des
démobilisés arrivent. Tu sais je m'ennuie bien toute seule. Enfin
il faut s'y résigner mais tout de même c'est bien dur. Quand donc
viendras-tu nous serrer dans tes bras ? A quand cette belle
journée ? J'espère cela pour bientôt. Je n'en mets pas plus long
sur cette carte. Je termine mon cher papa en t'embrassant mille
fois comme je t'aime. Ta blonde qui t'embrasse bien fort.
Ta fille chérie qui t'aime.
Bons baisers à bientôt.
Jeannette
Château de Moncé. Limeray le 24 juillet 1940
Mon cher petit papa.
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Je te fais une autre carte car je sais que tu vas trouver l'autre
trop courte. Comme il n'y a que les cartes qui vont alors j'en
profite. Je vais bientôt chercher mémère. Tu sais vivement que tu
rentres car je trouve le temps bien long. Mais tu sais il ne faut
pas désespérer au sujet de maman car ce n'est qu'un coup de
froid qu'elle a attrapé et cela lui provoque une angine rouge. En
attendant elle souffre beaucoup et je ne voudrais pas être à sa
place. N'oublie pas de demander ta démobilisation comme ça tu
seras plus vite parmi nous. Par chez nous il tombe de l'eau tous
les jours et il n'y a qu'aujourd'hui qu'il fait à peu près beau. Je
vois que dans le pays où tu es il y a beaucoup de fruits. Il faut
dire que là-bas il y a plus de soleil que par chez nous, c'est pour
ça que c'est un pays de fruits. On y fait beaucoup de prunes. Ici
les tomates commencent à mûrir et nous en avons mangé hier, en
salade, comme tu aimes. Madame Marchadier a été à Agen et si
elle avait su que tu étais à cet endroit elle t'aurait sans doute
ramené dans ses bagages. Quand je lui ai dit que tu n'étais qu'à
sept km, cela lui a fait beaucoup de peine, car tu sais, pour toi
elle l'aurait fait. Enfin. Puisqu'il n'y a rien à faire pour l'instant,
attendons, mais la patience a des limites, la tristesse emplit nos
coeurs et bientôt nous n'aurons plus de larmes, nous n'aurons que
du désespoir. J'ai un petit bonjour à te souhaiter de Monsieur
Hurrault, de Cangey. Nous sommes allées chez lui chercher des
fromages. Je termine mon petit papa chéri en t'embrassant bien
fort ainsi que ta blonde qui te couvre de ses plus tendres baisers.
J'espère que tu recevras nos cartes et que très bientôt tu seras
parmi nous. Ta Jeannette. Bons baisers.
Jeannette
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Depuis mi-juillet les lettres de René n’arrivent plus à Moncé,
pourtant, Germaine continue de correspondre avec son époux et
Jeannette de son côté, prend également la plume pour soutenir du
mieux qu’elle peut le moral de son père. Le retour de René
semble proche, cependant, celui-ci ne se dessine pas encore. Des
problèmes administratifs paraissent retarder la rentrée du cher
mari et tendre papa.
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Pont du Casse le 26 juillet 40, 1 heure tantôt.
Ma chère petite blonde chérie, ma chère petite Jeannette.
Je vous crois à l’ombre d’un chêne car aujourd’hui il fait une
drôle de chaleur et dans la turne il n’y fait pas bon ce n’est pas
par ici que je viendrai en vacances avec ma Blonde et ma
Nénette ce n’est pas la même chaleur que chez mon petit nid.
Enfin espérons que je le recevrai bientôt car aujourd’hui il parle
de faire les feuilles de 14-18 et demain 18-21 alors je suis du
nombre du moment que je suis d’Amboise enfin j’arriverai
toujours mais je trouve le temps long. Je ne vais pas cacheter ma
lettre car ce soir j’en aurai peut être une très longue de mon
Blondineau alors j’aime mieux attendre pour causer un bon petit
moment avec mes deux chéries. Donc à ce soir 7h1/2 je vais me
reposer en attendant puisque c’est tout ce que l’on peut faire mon
dieu comme ennuie c’est quelque chose. Pourtant comme tu me
dis ma blonde je l’ouvre et pas à tord quand je pense à Vilette qui
est rentré quelle bande de vaches tout de même. A tout à l’heure
(à l’instant même je viens de recevoir deux cartes de ma blonde
et de ma Jeannette, une de Périgueux, une de maman et une de
notre pauvre Yvonne qui m’a fait bien pleurer mais il faut espérer
toujours car j’ai vu des gars qui revenaient du front, ils m’ont dit
que beaucoup avaient été fait prisonniers ??? Je voudrais causer
de vive voix avec toi ma blonde car si tu savais toute la peine que
cela me fait enfin nous en reparlerons bientôt mais ça ne vient
pas vite. Je vois que tu n’as pas reçu ma lettre où je te demandais
un passeport il est vrai que les lettres ne vont pas vite. J’écrirai
demain matin à Yvonne pour la consoler un peu car elle doit être
bien malheureuse je me prends par la main c’est pourquoi je
voudrais bien être près de ma Blonde et ma Nénette pour me
soulager aussi. Je vois que vous croyez que je suis en route mais
ne croyez pas que cela va si vite surtout ici ??
Enfin walous toujours comme tu me dis ma petite blonde. Je suis
42
toujours avec mon copain mais lui n’a pas de nouvelles de Tours
ce sera peut être pour demain enfin il me donnera des effets ne te
tourmente pas à mon sujet tu sais que ton René tient tant à revoir
sa Blonde et sa Nénette que j’aie du courage je te l’assure. Ah
vivement ce beau jour tant désiré de revoir ses deux chéries, c’est
dur tu sais ma blonde enfin de vive voix nous causerons tout les
deux et tout sera effacé car en pensant à ce pauvre Bébert et mes
camarades cela me fait trop de peine, je ne peux en mettre plus
long. Je vais terminer mes deux chéries en vous embrassant mille
fois comme je vous aime. Ton René ma blonde t’envoie tous ses
meilleurs baisers et tendresses affectueuses à sa blonde ;
Toujours sa blonde, toujours.
Ton René qui t’aime tout bien.
Toujours, toujours, à bientôt.
43
Château de Moncé. Limeray le 10 août 1940
Mon cher petit papa,
Je profite que maman te fasse quelques lignes pour te donner
également de mes nouvelles. Rassure-toi je suis en bonne santé.
Nous mangeons à notre faim malgré les nombreuses difficultés
qui s'offrent à nous pour trouver du ravitaillement. Il pleut très
souvent et comme je vais souvent à pieds jusqu'à Limeray pour
dégoter quelques provisions, sur le chemin du retour je suis
maintes fois trempée. Dernièrement je suis allée avec maman
jusqu'à Cangey pour acheter des fromages. Nous nous faisons
des tartines avec une fine couche de fromage, comme cela nous
économisons beaucoup. Ils devraient nous durer assez
longtemps. J'en profite également pour aller à la chasse aux
lumas. Le temps s'y prête. Je les cache dans des pots de fleurs
pour qu'ils soient meilleurs quand tu seras parmi nous. Je sais
que tu adores ça et dès que tu seras de retour nous nous ferons
de bonnes assiettes. J'ai le sentiment que bientôt tu seras parmi
nous. Beaucoup de gens des environs rentrent dans leur famille.
Pour toi cela ne devrait plus être qu'une question de jours mais
je trouve le temps bien long. Ta peloute est très triste. Elle n'a
pas les yeux aussi joyeux qu'avant, son poil est tout moche et elle
n'aboie pas comme quand tu étais là. Je crois qu'elle est aussi
triste que nous. Je fais parfois des ballades avec elle mais je ne
vais jamais très loin. Il y a beaucoup d'allemands et il faut se
méfier. Je vois souvent Tintinette. C'est elle qui a gardé maman et
qui lui a tenu compagnie durant cette épreuve. Maintenant c'est
terminé mais maman était bien triste. Tu es loin de nous et tous
les jours elle pense qu'il va t'arriver un grand malheur.
Heureusement mémère est là et elle est très habile pour nous
remonter le moral. Elle nous raconte des histoires et nous parle
souvent de toi. Elle a de l'intuition. D'après elle il ne peut rien
t'arriver et elle est persuadée que ton retour est proche. J'aimerai
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bien la croire et maman aussi. Nous avons encore mangé des
tomates, en salade. Si cela continu il n'y en aura plus pour toi.
J'espère quand même que tu pourras peut être profiter des
dernières prunes.
Je termine mon cher papa en t'embrassant mille fois comme je
t'aime. Mes camarades t'embrassent aussi. Ta fille chérie qui
t'aime.
Jeannette.
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Dernière lettre envoyée par Jeannette à son père.
Château de Moncé le 24 août 1940
Mon cher petit papa,
Comme je trouve toujours le temps aussi long et qu’il me reste
une carte j’en profite pour te donner des nouvelles. Maman et
moi sommes toujours impatientes et nous nous demandons quand
tu rentreras enfin. C’est les moissons et il y a un peu de monde
qui travaille mais comme il a plus avant, maman m’a dit que la
récolte ne serait pas terrible. Nous avons encore quelques fleurs
dans les massifs et les serres mais comme tu n’étais pas là il n’y
a pas grand-chose de beau. C’est un peu dévasté et maman est
complètement bouleversée par tous ces événements successifs.
Tous les jours elle se demande si tu vas rentrer. Pour ma part je
suis aussi inquiète qu’elle. Heureusement que j’ai ta peloute.
Quand je me ballade avec elle je lui parle de toi mais ses yeux
restes tristes. Ici il y a des allemands. Ils ne nous embêtent pas
trop mais ils sont partout. Nous avons mangé les dernières
tomates. Maman aurait bien voulu te les garder mais elle a
préféré qu’on les mange plutôt que se soit les allemands. Hier
j’ai vu de nouveau Tintinette car maman n’est pas encore remise,
sa gorge l’a fait beaucoup souffrir. Tintinette avait apporté un
petit fromage. Pour les lumas n’aies aucunes craintes. Ils
dorment dans des pots et ils seront délicieux, comme tu les aimes,
mon cher papa.
Je t’embrasse mille fois comme je t’aime.
Ta fille Jeannette.
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Dernier courrier envoyé par Germaine à son époux.
Château de Moncé le 31 août 1940.
Mon tendre époux.
Ah mon René, quand donc que je vais t'embrasser, te serrer dans
mes bras, te bichonner. Il va donc falloir que la semaine se passe
encore avant ton retour. Tous les jours pourtant je crois que tu
vas arriver mais hélas j'ai toujours une déception. Mon René je
te pense quand même en bonne santé mais si dans ton pays il fait
si chaud que ça tu ne dois pas être à ton aise. Toi qui a horreur
de la chaleur, t'es servi. Tu sais ici depuis plusieurs jours il
recommence à faire bon et on trouve cela agréable après toute
l'eau qu'est tombée. Aussi ça moissonne en plein et dire que moi
je suis au lit et pour combien de temps ? Je ne sais pas.
Heureusement que nous avons Marchadier car je crois bien que
chacun crèverait sur sa paillasse. C'est pas une belle époque et
je crois bien que tu avais raison en parlant de ces gens là. C'est
des barbares et à cause d'eux les gens ici sont bien tristes. Il faut
pas être malade la nuit car Marchadier n'a pas le droit de sortir
à partir de 11 heures du soir et jusqu'à 5 heures du matin. Tu vois
comme c'est charmant. Mon René tu sais que je traîne une
infection à la gorge depuis plusieurs semaines et cette nuit il s'est
produit un petit accident chez moi à minuit. Tu sais que j'ai eu
une angine assez grave et je me suis bien soignée. Depuis j'allais
mieux mais il a fallu que je me couche car j'étais un peu fatiguée
ces derniers jours. Je me serais sans doute levée un peu
aujourd'hui car il faut bien faire quelques choses. Ta mère m'aide
beaucoup, Jeannette aussi, mais tu sais, je n'aime pas ça. Cette
nuit à minuit je rendais du sang à pleine bouche. Mon René, te
dire l'effet produit, je ne peux pas, j'ai eu très peur, mais enfin.
J'ai beaucoup pensé à toi et j'ai pleuré ton retour. Marchadier
m'a dit que ce n'était pas grave. Je suis indisposée mais vu que
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rien ne marche pas, tout cela y contribue. En tout cas ne te
tourmente pas. Tu vois je suis franche. Je te le dis tel que. Je sais
que cela va te faire de la peine mon René de savoir ta blonde
encore malade et de ne pas être auprès d'elle pour la soigner. En
plus je n'ai plus d'affection et c'est très dur. Tu sais toi qui étais si
doux pour moi, si bon, si affectueux. Ah, ils pourront dire qu'ils
nous ont fait souffrir car tu sais tout ce qui s'est passé par ici.
Enfin, je parle pas, je bouge pas et je dois en faire le moins
possible. J'ai des gouttes et une potion pour cautériser sans
doute et aussi des bains froids. Tu sais tout cela n'est pas bien
difficile à faire. Je suis bien sage toute seule dans ma chambre
mais toi mon René tu n'es pas loin de ta pauvre blonde. Je pense
toujours à toi mon René. Il nous manquait plus que ça. Pierre va
à Amboise et Jeannette a passé un mot au patron. Cela va peut
être le décider à payer. Ta petite Jeannette a été toucher les
allocations ce matin. 184 francs, c'est déjà ça. Ta mère reste
auprès de nous quoi que cela ne fasse pas son affaire. Hier elle a
écrit à Sylvianne pour ses trois lapins mais je ne veux pas qu'elle
nous laisse.
Demain Marchadier revient me voir, je lui ai bien parlé pour
t'envoyer le certificat mais d'après lui ça ne servirait à rien car il
m'a affirmé que tu devais être démobilisé d'un jour à l'autre. Faut
l'ouvrir mon René et bien grande. Il y en a bien qui sont rentrés
chez eux et près de chez nous en plus. Comme je serais heureuse
que tu sois là mon René, à me raconter toutes tes peines et
comme je serais réjouie par ton retour. Je suis bien jeune et
j'étais trop heureuse avec toi pour te perdre. J'ai le cafard, enfin
j'espère que d'ici quelques jours ce sera passé et que bientôt je
pourrai me lever. Ce matin on a enterré la petite fille à Banchet,
celui qui était marié à une fille Poisson. Tu crois que c'est pas
triste, elle avait 20 ans. Jeannette a pas pu aller à l'enterrement,
c'était trop dur pour elle. Elle a donné sa cotisation et je ne
pouvais pas refuser. Ta Jeannette me soigne bien. Elle me fait du
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bon bouillon. Ta mère raccommode quelques nuisettes car tu sais
pour circuler c'est dur. Ce matin on nous a amené 10 prisonniers
français. D'Amboise ils les ont emmenés à Autrèche, Cangey,
Limeray. Les pauvres y n’avaient rien dans le ventre et ils
avaient les pieds en sang pendant que ces messieurs roulent sur
leurs beaux vélos. Tu avais raison mon René, c'est des barbares.
Ah tu sais, Marchadier il leur fait pas un trop bon accueil. Il a
bien ravitaillé ces pauvres gars car ils en avaient bien grand
besoin et ensuite les gars ont été dirigés dans les fermes. Tu crois
que c'est pas triste une misère pareille. Ils seraient pas mieux
auprès des leurs. Ils l'ont pas demandé cette guerre. Ah les
bandits qui nous ont conduit à ça, jamais ils ne souffriront assez.
Aujourd'hui et hier toujours pas de lettre de mon René. Tu es
sans doute en route puisque je n'ai que ça dans la tête et comme
idée. Si seulement c'était la bonne. Ceux de la gare s'en vont. Tu
ne verras pas ça à ton arrivée. Vilette et Brunetteau sont obligés.
Mon René, ah, tu as besoin de quelques sous. Je peux t'en
envoyer, j'ai 1500 francs, tu vois je ne veux pas te priver, surtout
de manger. Il te faut des forces mon René. Ta blonde t'attend avec
impatience et se languit de toi. Pour toi, ta joie ne sera peut être
pas aussi grande vu que ma santé n'a pas été bonne. Enfin,
quand donc je t'embrasserai dit mon René? Tu sais tout ça m'a
retourné. Que mon coeur est triste. Tout mon amour vole vers toi
pauvre petit gars. Je t'envoie mes plus tendres et affectueux
baisers.
Tendrement vers toi mon René. Ta blonde.
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A la mi-septembre, après un long et pénible périple en train, papa
rentrait enfin au pays. Nous étions dans la zone occupée, il
rejoignait sa famille. Dès qu’il fut descendu du train, maman,
émue par cette longue absence, fondit en larmes. Le visage de
papa semblait sans âge. Ses traits étaient tirés et les habits qu’il
portait ne dissimulaient pas son amaigrissement. Ses yeux,
d’habitude si bleus, semblaient translucides, comme s’ils
voulaient lui faire oublier les épreuves qu’il venait d'endurer.
Papa enlaça sa blonde. L’étreinte tant espérée arrivait enfin. Ils se
serrèrent si fort qu’à ce moment-là, rien au monde n’aurait pu les
séparer. Je vins à mon tour me jeter dans les bras de mon père. Il
m’étreignit, me couvrit de mille baisers, de mille baisers d’amour.
Berthe, sa mère, un peu en retrait, le visage inondé de larmes,
s’approcha à son tour. Elle lui tendit un bouquet de balisiers,
assemblage de fleurs pourpres qu’elle avait préparé avec un soin
tout particulier le matin même. Papa étreignit à son tour cette
mère aimante et d’un geste souple il essuya les larmes de bonheur
qui envahissaient ce visage si doux. Quelques minutes plus tard,
nous partîmes à pied en direction de Moncé. Les yeux bleus de
papa avaient retrouvé tout leur éclat. Sur le chemin du retour la
discussion allait bon train. Nous lui demandions pourquoi avait-il
mis si longtemps pour rentrer ? Pourquoi avions-nous été sans
nouvelle si longtemps ? Comment avait-il fait pour survivre ?
Quels copains avait-il rencontrés ? Nous avons emprunté la route
de la Varenne, traversé le bourg où des amis nous saluèrent, puis
nous avons filé lentement jusqu’à Moncé pour saluer monsieur
Vernon. Nous mangeâmes un petit morceau et bûmes un coup de
Vouvray bien frais. Quelques instants plus tard Je remarquais
qu’apparaissait sur le visage de papa de nouveau la joie de vivre.
Ce jour-là j’eus la certitude que rien ne pourrait jamais séparer
papa et maman. Plusieurs jours après le retour de papa, la plupart
des gens de Limeray étaient rentrés dans leur foyer. Quelques
mois plus tard nous quittions la propriété de Moncé pour aller
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nous installer dans le bourg de Limeray. La guerre continuait,
entraînant avec elle chaque jour, son flot d’horreurs. Nous avons
passé le reste de l’année 1940 à nous habituer à nos nouvelles
obligations. Manger peu, travailler beaucoup, toujours faire
attention à ce que l’on faisait. Ne pas trop parler aux gens, se
méfier des allemands qui étaient quelquefois présent dans le
bourg pour venir y chercher du vin ou se ravitailler auprès
d’habitants. Quand nous allions à vélo nous ne roulions jamais
trop vite. Nous avions toujours un petit cabas ou panier sur notre
porte-bagages comme cela les Allemands ne nous soupçonnaient
pas de marché noir. Nous ne transportions que des petites
quantités. Nous fîmes cela pendant toute la guerre. Je me
souviens que le soir de noël 1940, nous avions monsieur et
madame Villette à la maison. Au début du repas, papa m’offrait
deux oranges, madame Villette un parapluie. Pour la soirée nous
eûmes droit à un bouillon, à une poule qui n’était pas bien grasse
accompagnée de châtaignes que papa avait conservé et des
pommes en dessert. La première orange je la mangeais dans mon
lit, la deuxième, je la dégustais le 4 janvier 1941, le jour de mes
quinze ans. Lorsque papa est rentré après l’armistice, jamais nous
n’avons pensé que cela serait éprouvant aussi longtemps. Papa
avant de partir se doutait que nous serions confrontés à la dureté
de la vie en temps de guerre car ses parents avaient connu la
Grande Guerre. Mais à aucun moment, il n’avait pensé que nous
passerions autant d’années auprès des Allemands, à subir autant
de privations et d’humiliation. Il a fallu faire avec, nous n’avions
pas le choix. Je me souviens également que nous devions nous
débrouiller pour nous vêtir. Pour nous chauffer également.
Heureusement qu’il y avait le bois au-dessus de la propriété de
Moncé, et que papa dans la plupart des circonstances savait se
débrouiller, que maman savait repriser et qu’elle avait le don
d’économie. Malgré cela, pour nous ce fut une terrible épreuve
sans cesse renouvelée. Ces longues années m’ont beaucoup
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marquée, plus tard j’ai toujours fait attention. Quand je me suis
installée avec Maurice nous n’avions pas grand-chose mais le peu
que nous possédions était à nous. Les Allemands avaient
pratiquement tout réquisitionné, tout pris. Nous avions encore
deux vélos. C’était une chance car les Allemands avaient saisi
presque tous les vélos en état. Papa avait ressorti sa Vedette,
c’était le nom de son vélo. D’ordinaire, toujours vêtu de son
ensemble de jardinier, sa casquette vissée sur la tête, munie de sa
vieille musette, équipé d’un râteau, d’une binette, d’une
serfouette, de son sécateur, juché sur sa bicyclette, il filait
paisiblement chez des gens pour travailler. Maintes fois il
profitait de ces occupations de jardinage pour aller au
ravitaillement au nez et à la barbe des Allemands. A Limeray,
durant ces années il n’y a pas eu beaucoup d’Allemands. En 1940
nous avons vu un motard en éclaireur qui descendait par la rue
d’Enfer. Au moment où le motocycliste arrivait, les pères
Bonnigal et Guertin étaient en train de faire tourner une grande
charrette à cheval pour décharger une grosse barrique mais,
comme l’entrée de la cave était trop étroite, ils se sont trouvés
bloqués. A cet instant le motard ne put passer et finalement il fit
demi-tour pour revenir plus tard. Lorsqu’il réapparu il devançait
plusieurs voitures remplies d’officiers, un petit engin blindé avec
des soldats. Tout ce monde, sous le regard interdit des habitants, a
fait le tour du bourg puis le convoi s’en est allé sur Moncé. Enfin
les Allemands ont pris la route de la Varenne pour se rendre à
Amboise. Je me souviens que les gens semblaient atterrés. Des
caves avaient été pillées à Vouvray, des magasins également. Les
gens avaient entendu parler de toutes ces choses, cela avait
auprès d’un petit nombre de personnes du pays ranimé le
nationalisme français mis très à mal pendant la débâcle. Les
habitants étaient plutôt préoccupés par tous ces pauvres gens qui
étaient sur les routes. Ils se demandaient comment allaient
tourner les événements. Les familles qui possédaient des caves
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vivaient à l’intérieur de celles-ci afin d’éviter de rencontrer les
occupants. Maman avait peur, mais papa disait qu’il ne fallait pas
que sa Blonde s’inquiète. Tout ça s’arrêterait un jour, qu’on
finirait bien par retourner aux violettes. Après la signature de
l’armistice, nous étions dans une sorte d’atmosphère de
soulagement. Il n’y a plus de drapeau tricolore à la mairie. Suite à
tous ces événements dramatiques, Limeray accueille plusieurs
familles de réfugiés originaires de Lorient, population qui
résidera au village jusqu’à la fin du conflit. Quelques jours plus
tard, nous passons à l’heure allemande mais papa ne veut rien y
entendre, puis c’est le couvre-feu de 11 h 30 à 5 h du matin. A
partir de cet instant nous faisions attention à nos achats car tout
était cher, heureusement que papa connaissait beaucoup de gens.
Comme ma meilleure amie était Jeanine et que ses parents
avaient la boulangerie, nous avions plus de pain que la ration
autorisée. On avait droit, je crois, à 350 grammes pour un parent,
plus tard nous eûmes droit à moins. On n’avait pas beaucoup de
sucre, presque jamais de viande. On avait des cartes avec des
coupons, c’est maman qui gérait les coupons. Je me souviens
qu’elle confectionnait elle-même son savon, qu’elle lavait le
linge parfois avec de la cendre. Papa portait sa chemise toute la
semaine et il s’arrangeait pour ne pas trop se salir. De mon côté,
je faisais également attention. Je me souviens que papa faisait
pousser de la chicorée et des légumes. On a mangé des rutabagas,
des topinambours et des carottes, d’autres légumes également,
heureusement que papa était jardinier. Il connaissait bien les
plantes potagères. Il savait comment ne pas faire pousser trop vite
tel ou tel légume, cela nous a bien facilité les choses. Quand les
Allemands passaient, ils inspectaient régulièrement les potagers
des gens, mais papa s’arrangeait toujours pour que les Allemands
aient quelque chose, mais pas tout. Je me souviens que les
Allemands étaient des gros mangeurs de pommes de terre et on
ne pouvait pas garder toutes les nôtres. Papa faisait deux carrés,
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un grand pour les Allemands, un petit pour nous. Papa braconnait
aussi. Les armes étaient interdites et toute personne qui en
possédait une devait la rendre à l’occupant. Papa avait enterré sa
carabine tout en pensant qu’un jour il pourrait s’en servir contre
eux. Le piégeage était interdit mais depuis sa plus tendre enfance
il savait poser des tendelles, des mésangettes. Il allait dans les
bois du côté du château d’Avisé, sur les dessus du château du
Plessis, par les vignes au-dessus de Limeray. Quelquefois il
partait la journée, lorsqu’il rentrait nous étions bien contentes
quand il rapportait un lapin, une grive. Comme nous n’étions pas
très loin de la Cisse, il pêchait également, mais en douce, car
parfois il y avait une patrouille allemande qui surveillait le long
des berges. Les occupants ne faisaient pas grand-chose lorsqu’ils
étaient en vadrouille. Ils se contentaient de contrôler les gens qui
vaquaient à leurs travaux mais comme les soldats étaient peu
nombreux dans notre secteur, ils ne rencontraient pas grand
monde. Papa posait des lignes de fond du côté du vieux pont, du
vieux moulin de Moncé et en face de chez le père Rustic.
Heureusement que papa était là, qu’il était malin, je ne sais pas
comment on aurait fait sans lui. Il connaissait aussi les coins à
champignons, on en mangeait quelquefois. On n’a pas gardé les
lapins longtemps, on en avait huit mais un jour les Allemands
sont passés à l’improviste et ils ont tout ramassé. Quant aux
poules, elles n’étaient pas grasses, et les oeufs, ne nous ont pas
fait mal au ventre. On arrivait toujours à en manger, mais les
Allemands se débrouillaient souvent pour nous les demander
lorsqu’ils venaient au ravitaillement. Papa disait toujours qu’ils
ne mangeaient que des patates, des choux et des oeufs. Je me
souviens que nous avions deux poules cachées sur le côté de la
maison, les trois autres étaient au bout du jardin dans un petit
poulailler que papa couvrait tôt dans la journée pour que les
poules soient silencieuses. Le fromage, j’allais le chercher à
Cangey. A vélo, avec maman nous filions jusqu’après la sortie du
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pays chez une dame qui connaissait bien papa, son mari avait été
dans le même régiment. Dans cette ferme, papa y avait planté des
arbres, il s’occupait également d’une partie du jardin. De chez
cette dame très serviable, nous rapportions des petits fromages de
chèvre ou de vache, ça dépendait. Une fois rentrées, nous nous
faisions des tartines. Quand je mangeais cette beurrée, je pouvais
voir les trous dans la mie de ma tartine de pain car maman
toujours très soucieuse, ne mettait jamais trop de fromage, il
fallait économiser ! A Limeray il y avait trois cafés. Monsieur
Fauchère tenait celui d’en face la boulangerie. Il y avait le café
du vieux Palais de monsieur Maurice Leroy. Papa allait chez
Fauchère très souvent pour y faire une partie de billard avec des
copains, pour y boire une chopine. Même si papa n’a jamais été
un grand buveur il appréciait l’ambiance de cet estaminet. Il
pouvait en plus des parties de carambole jouer à la manille ou à la
coinche, discuter de choses et d’autres. Papa aimait également
raconter des blagues, faire des plaisanteries. Il n’hésitait pas à
rester tout un dimanche après midi au café. Cela exaspérait
maman, quand il rentrait il disait que sa blonde s’était inquiétée
pour rien. Que c’était au café qu’on apprenait les nouvelles qu’il
ne fallait pas savoir. A cette époque je connaissais Robert
Lenoble, Georges Pilletan, Marcel Guertin, les frères Percereau.
Ces garçons qui étaient de Limeray sont restés par la suite au
pays. Monsieur Marchadier qui était le médecin de Limeray était
également le maire de la commune. Nous allions faire nos
courses chez l’épicière, madame Robin, qui vendait aussi du tissu
au détail. Nous allions également chez monsieur Renaux. Son
commerce était à côté de l’église. A l’instar de l’épicière, il faisait
le dépôt de pain lorsque les boulangeries étaient fermées. Dans le
bourg, nous avions le magasin Familistère qui était tenu par
madame Brunet. C’était une personne très gentille avec laquelle
mes parents entretenaient une relation très intime. Marcel, son
mari, était également dans l’harmonie de Limeray. Il était très
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ami avec papa, hélas il fut emporté par un malaise cardiaque
avant la guerre. Plus tard, cette amitié avec madame Brunet ne
s’est jamais démentie. Monsieur Villette était le chef de gare de
Limeray. C’était également un grand ami de papa et de l’oncle
Fauvin. C’était un homme adorable, toujours serviable qui aimait
faire des blagues à tout bout de champ. Il parlait tout le temps
alors que sa femme était plutôt affable, prévenante. Monsieur
Villette venait souvent voir papa car il aimait beaucoup les fleurs
et les arbres fruitiers. Il savait que papa était doué pour la
question taille, greffe des arbres. Il prenait des conseils auprès du
père René qui lui avait arrangé des poiriers en double palmette. Il
était très fier de ses arbres, il ne manquait jamais une occasion de
demander à papa de lui organiser son potager, ses arbres. Je me
souviens que pendant la guerre, en été 1942 je crois, les environs
de la gare de Limeray avaient été bombardés. Nous avions eu très
peur car les bombardements étaient rares par chez nous. Les
cibles étaient plutôt vers Tours et Saint-Pierre-des-Corps à cause
de la gare de triage, des usines de mécanique. Heureusement
monsieur Villette n’habitait pas dans la gare car il savait que
c’était dangereux. Comme certains trains servaient au
ravitaillement de l’armée allemande, la gare et la voie ferrée
restaient des endroits où il valait mieux ne pas s’aventurer. De
toute façon, le trafic ferroviaire fonctionnait très mal. Je me
souviens que pendant la guerre nous n’avons pas pris souvent le
train. Je suis allée avec papa à la Kommandantur à Tours pour
chercher des laissez-passer. Nous avons été une fois voir ma
grand-mère Courcier qui était malade et Martial, le frère de
maman, ils habitaient à Aulaine dans la Sarthe. On est parti trois
jours. C’était une véritable expédition car les trains étaient
régulièrement en retard. Il y avait toujours du monde dans les
wagons, pourtant les gens ne parlaient pas beaucoup à cause des
contrôles. J’avais quinze ans, mais je me souviens très bien de
l’incertitude qui régnait durant nos voyages en train. Souvent une
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personne racontait qu’il y avait eu un bombardement dans la
région où nous étions et nous avions des appréhensions. Au fur et
à mesure que la guerre se prolongeait il y avait de plus en plus
d’attentats. Les gens craignaient également des arrestations de
personnes qui voyageaient dans le train. Je me souviens que les
militaires et les feldgendarmes qui étaient accompagnés par des
policiers français, parlaient de terroristes et quand ils vérifiaient
les papiers, les laissez-passer des voyageurs, ils étaient toujours
très rigoureux. J’étais effroyablement angoissée lorsque les
autorités nous demandaient nos papiers. Je serrais très fort la
main de maman pendant que papa restait poli avec les Allemands.
Nous étions en règle mais nous savions que dès fois les
feldgendarmes arrêtaient très brutalement des gens qui avaient
des faux papiers. Très souvent les gens étaient soupçonnés à tort
de subversion envers l’occupant et arrêtés directement dans le
train. De toute façon papa tenait trop à nous et il ne voulait
surtout pas avoir affaire aux boches, comme il disait. Plus tard,
j’ai su qu’il avait souffert mille maux de son attitude de civilité
envers l’occupant. Comme ses parents avaient connu la Grande
Guerre et qu’il avait eu très peur de nous perdre au début du
conflit, il a préféré pendant toute cette période faire preuve
d’amabilité. Papa ne s’est jamais confondu dans la politique
collaborationniste de certaines personnes. Parfois, quand il parlait
de Pétain, il nous disait que le vieux maréchal n’aimait pas la
République, que c’était un homme qui faisait des complots. Que
le vainqueur de Verdun montait des trahisons, fomentait des
alliances contre nature et qu’il avait peur que le Front populaire
fasse son retour. Papa aimait la politique car il lisait
régulièrement le journal pour se tenir au courant des événements
mais il n’exprimait jamais devant les gens ses sentiments
politiques. Les gens étaient tellement méchants et malheureux
pendant la guerre qu’ils auraient fait n’importe quoi pour manger.
Nous sommes allés une fois à Périgueux pour voir l’oncle
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Fauvin. Pendant que mes parents donnaient des nouvelles de
Noizay, je restais en compagnie de mon cousin Pierrot et ma
cousine Odette. Mes parents avaient apporté des fromages,
quelques victuailles et deux bouteilles de vin car à Périgueux il
manquait beaucoup de choses. Je me souviens aussi que pendant
la guerre, mes cousins sont venus passer une semaine à Limeray.
En effet, les familles qui habitaient dans les grandes villes
pouvaient, au moment des vacances scolaires, envoyer leurs
enfants un certain temps à la campagne, dans de la famille. Cela a
permis à mes cousins de se remplumer car même s’ils n’étaient
pas malheureux, ils ne mangeaient pas toujours bien. Je me
souviens aussi que nous faisions quelquefois des exercices pour
la Défense Passive. Lors du couvre-feu, aucune lumière des
maisons ne devait être vue. Dès fois il y avait un avion allemand
qui tournait. Un soir il a lâché une bombe du côté du lavoir car il
paraît que le pilote avait aperçu une lueur. La bombe a détruit un
bout de maison mais surtout anéanti le lavoir. C’est depuis cette
époque qu’il ne reste qu’un seul bassin à ce lavoir. Je me
souviens également que mon oncle, lorsqu’il nous rendait visite,
ne faisait plus de photos dehors car c’était interdit. Les gens
n’avaient pas le droit de faire de la peinture à l’extérieur de chez
eux parce que ça pouvait donner des indications aux avions
ennemis qui faisaient de la reconnaissance mais nous, à Limeray
on n’a pas beaucoup aperçu d’avions anglais ou américains. A la
maison, comme maman était très économe, nous avions
généralement de quoi satisfaire notre estomac. Dès fois la cuisine
de maman n’avait pas beaucoup de goût mais aussi bien papa que
moi, nous ne faisions pas la fine bouche. Une fois je suis allée à
Tours avec papa. Il avait besoin de graines. Nous sommes allés
chez monsieur Gobin. En ville, nous avons pris le tramway pour
nous y rendre. A travers la vitre je remarquais des gens qui
faisaient la queue devant les magasins. Dans les rues, les passants
avaient tous des cabas et papa se demandait ce que les personnes
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pouvaient acheter vu qu’il n’y avait pas grand-chose dans les
boutiques. Papa connaissait un magasin à côté de la gare dans
lequel il pensait faire une course mais celui-ci était fermé.
Ensuite nous sommes allés vers la rue Nationale. Lorsque nous
sommes passés devant l’hôtel l’Univers où étaient installés les
Allemands, papa me serrait tout d’un coup un peu plus fort la
main qu’il me tenait puis pépiait en direction d’un arbre à côté de
la bâtisse. Avec l’index de sa main gauche, il me disait de
regarder un pinson qui était posé sur une branche, mais à cet
instant je ne voyais rien. Plus tard, j’ai compris qu’il avait, à sa
façon, méprisé les soldats qui faisaient le planton. Nous avons été
dans plusieurs endroits mais il n’a pas trouvé ce qu’il voulait.
Comme il ne fallait pas rater le train du retour, nous sommes
restés plus d’une heure sur le quai à attendre le convoi. Pendant
le retour, dans notre wagon, papa a rencontré un monsieur de
Noizay. Tandis qu’ils discutaient, je regardais le paysage. Je ne
suis retournée à Tours qu’en 1944, à l’occasion d’un nouvel achat
de graines. Les Allemands étaient partis et il y avait beaucoup
plus de monde dans les rues de la ville malgré les ruines qui
jonchaient certains quartiers. Avant de reprendre le train, nous
nous sommes arrêtés dans un café. Papa m’a offert une limonade.
Pour sa part il a pris un verre de blanc et il m’a dit que c’en était
un que les Fridolins n’avaient pas eu ! Papa en voulait également
aux naphtalinards, ces types qui avaient fait de la résistance juste
à la fin de la guerre, des malotrus qui avaient surtout su profiter
de la crédulité des gens. Après la guerre, papa ne désirait plus
entendre parler de certains individus. Le 14 juillet 1944, un petit
défilé d’une cinquantaine d’habitants de Limeray est organisé en
douce afin de commémorer la fête nationale. Comme les gens
avaient encore la trouille des Allemands, cette manifestation est
restée très discrète. Papa a toujours gardé le silence sur ses
relations pendant la guerre. Je n’ai jamais su s’il avait fait telle ou
telle chose en appartenance avec tel ou tel événement. Nous
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avions beaucoup souffert. Il voulait tirer un trait sur cette période.
Seulement consacrer le restant de son existence auprès de sa
Blonde, de sa Jeannette, son chien, des fleurs, des arbres. Papa,
homme humble, humaniste, n’a plus songé qu’à une vie
tranquille.
En ce début d’été 1944, Jeannette a affiné sa personnalité, s’est
forgée un tempérament. C’est une jeune demoiselle bien faite, sa
taille est élevée, elle a une abondante chevelure et sa première
qualité est sans aucun doute la douceur. Cette même année à
Limeray, une petite maison au caractère personnel était acquise
par René Lejeau. Le coin était réputé tranquille et loin de tous
regards. Pour René, ce logis s’avérait l’endroit idéal pour y passer
une agréable vie en compagnie de sa Blonde et de Jeannette. Un
grand cellier, une cuisine, une chambre et deux petites
dépendances satisfaisaient à ses désirs. Enfin, un jardin attenant à
la petite bâtisse comblerait son attrait de la culture des fleurs ainsi
que celle des arbres fruitiers. Loin de la Touraine, la guerre
continuait. Pourtant un événement inattendu allait changer la vie
quotidienne de la famille Lejeau.
Les vendanges, septembre 1942.
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Juin 1944.
René Lejeau 1901-1970.
61
Année 1945.
Depuis quelques jours une certaine effervescence règne dans le
petit bourg tourangeau. Des drapeaux tricolores, des croix de
Lorraine, flottent sur quelques fenêtres et ornent la rue principale.
Même si la guerre semblait éloignée, plusieurs stigmates
subsistaient du côté du lavoir et alentour. Le pont de Chaumont,
situé quinze kilomètres en amont, passage obligatoire du nord
vers le sud, souffrit beaucoup au début des hostilités des
bombardements de la Luftwaffe. Dans leur empressement de
terroriser la population, les Stukas larguaient leurs bombes et
mitraillaient sans réserve les routes surchargées de réfugiés, les
bâtiments susceptibles d’accueillir des personnes déplacées. A
Amboise le pont eut également à souffrir des attaques
allemandes, malgré une résistance acharnée des militaires, ceuxci
ne purent empêcher l’avance inexorable des troupes ennemies
et durent se résoudre à rendre les armes. Au sud d’Amboise, non
loin du château de Chenonceau, la petite ville de Bléré était
coupée en deux par la ligne de démarcation, frontière irréelle
surveillée en permanence par l’occupant. Dans leur remontée
vers le nord, durant l’été 1944, les Allemands, pour couvrir leur
retraite précipitée, en traversant la région, tuèrent au hasard,
semèrent la mort dans des villages. En août de cette même année,
Maillé un petit bourg au sud de Tours fut martyrisé par la folie
sanguinaire des nazis tandis que des réfugiés israélites étaient
jetés dans les puits de Guerry. Le 1er septembre 1944 Tours est
libéré. "Combat" et "Défense de la France" paraissent toujours.
Quatre mois auparavant.
En ce jour de février 1945, à Limeray le café du Père Fauchère,
mi-grainetier, mi-coiffeur, situé en face de la boulangerie
Boileau, est plein comme un oeuf, comme s’il avait retrouvé
miraculeusement son animation d’avant-guerre. Paysans,
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vignerons, citoyens, accoudés sur le vieux zinc y discutent de
leurs futurs travaux tout en regardant le billard planté dans la
salle. Le tapis vert est en action. René accompagné de son ami
Pierrot, factotum dans la ferme située à côté de Moncé, mordus
des billes d’ivoire, jouent à la carambole. Il n’est plus question
d’abstinence après ces années de tristesse. Même si René venait
jouer de temps en temps, il ne s’attardait pas vraiment dans cet
endroit où l’on pouvait entendre n’importe quoi. Tout en
s’appliquant à faire rouler les trois billes, la discussion va bon
train.
- René, à quelle heure tu vas au discours du maire ?
- Je n’y vais pas, répondit-il, tout en s’appliquant à graisser de
craie bleue le cuir de sa canne. J’ai un petit carré à retourner, il
faut que je le fasse avant la nuit, je l’ai promis au père Guérite,
maintenant que la guerre est terminée, pour moi les affaires
repartent un peu. La terre est dure, il faut que je prépare ce petit
bout avant d’entreprendre beaucoup plus de jardinage chez le
père Villette et chez Vernon.
- C’est pas sûr ! En Belgique et devant le Rhin ça pète
vachement fort. Aux dernières nouvelles les alliés n’avancent pas
vite.
- Crois-moi Pierrot, lui rétorqua René, tout en ajustant sa gapette
et en faisant le tour de la table de jeu. Les grands se sont réunis à
Yalta et les Russes qui sont au bord de l’Oder poussent à toute
vapeur vers Berlin et les Américains qui sont en Rhénanie-
Palatinat viennent d’avoir des renforts. Dans trois mois le petitmoustachu-
nerveux va l’avoir dans le cul et tout ce bordel sera
enfin terminé. A toi de jouer !
- Peut-être ! Mais t’as pas envie de voir l’officier amerloque ?
- Non ! Bon sang, en attendant, intéresse-toi au jeu ! Il est où ton
coup de rappel ?
- Au fait, comment va Jeannette ? On ne la voit plus beaucoup
dans le bourg. Son vélo est crevé ?
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- Les télégrammes se font rares en ce moment. A la poste ils ont
autre chose à faire !
- Ta fille va devenir postière ? demanda Pierrot.
- Jeannette n’est pas faite pour travailler à la poste, répondit
René. La mère Abadie est bien assez grande pour faire sa tournée
toute seule, en plus elle a Tintinette pour l’aider ! Tu ferais mieux
de me regarder jouer plutôt que de t’occuper des affaires des
autres.
Les billes roulèrent en une figure géométrique qui impressionna
la petite assemblée.
Les applaudissements résonnèrent jusque dans la rue cependant
qu’un peu plus loin, l’autre estaminet, situé au carrefour du vieux
palais est plus calme. Le patron, la tête constamment couverte par
une gapette, est appuyé sur son bar. Pensif, un verre de vin blanc
à la main, il regarde le fond de sa salle où sont installés autour
d’une table, quatre vieux copains qui vident une chopine tout en
jouant à la manille, sans doute en attendant la fameuse
cérémonie.
- Pierrot je vais te raconter comment va se dérouler ce bazar. Sur
le coup de trois heures, devant la mairie, sous un soleil pâlichon,
une partie de la population du village, endimanchée, attendra
l’allocution de monsieur le Maire. L’harmonie avec ses
instruments rutilants, une poignée d’anciens combattants de la
Première Guerre mondiale, quelques militaires démobilisés, des
soldats américains en uniformes impeccables, drapeaux au vent,
attendront également. Cependant que la cloche de l’église
égrènera ses coups, un léger brouhaha s’échappera de cette foule
bien sage. Monsieur le curé, le petit Bombesin, aura pour cette
occasion délaissé la bibliothèque de son presbytère et discutera
avec sa bigote préférée tout en triturant son bréviaire cependant
que les musiciens, rigolards, accorderont une dernière fois leur
instrument. Soudain la foule s’agitera. Le maire, écharpe tricolore
en bandoulière, lunette sur le nez, apparaîtra sur le pas de la porte
64
du bâtiment administratif.
A ses côtés, l’officier américain, un homme forcément trapu, au
regard sévère, le calot vissé sur le crâne, l’accompagnera. Le
silence prendra le pas sur les bavardages. Le petit Fernand
lâchera son rosaire.
Et l’enrubanné dira :
« Chers concitoyens et amis. Aujourd’hui, après bien des
épreuves, c’est avec le coeur empli de joie, que je vous convie à
cette assemblée afin de commémorer la libération de notre
village. Je ne ferai pas de discours. Je ne suis pas doué pour ce
genre de chose et puis vous me connaissez assez bien pour savoir
ce que je pense. Je vous dirai simplement que la fin de la guerre
est toute proche. Nos alliés ainsi que les Russes y travaillent avec
acharnement. Reprenons le travail et tâchons d’effacer
rapidement toutes ces cicatrices. Aujourd’hui, accompagnés de
nos amis américains nous allons boire un verre, manger un
morceau. Hélas ces messieurs n’ont pas beaucoup de temps, car
ce soir même tous ces hommes partent pour l’Allemagne. Tout à
l’heure, tandis que nous discutions de la situation, cet officier m’a
confié qu’il allait botter le cul d'Hitler, rien que pour vous ! »
Tout le monde rigolera. Quelques minutes plus tard, l’officier
américain un peu déridé par l’ambiance, agrafera en hâte une
petite bannière étoilée sur le chemisier d’une jeune fille qui se
précipitera à son cou. L’harmonie entamera la Marseillaise et
toute l’assemblée, du maire, en passant par l’invité américain et
monsieur le curaillon va se mettre à chanter. L’hymne terminé,
les étendards seront roulés tandis que les musiciens, tout en
jouant La Madelon, se dirigeront vers le café à côté de l’église,
suivi par le maire, le cureton et une grande partie de l’assemblée.
Quelques instants plus tard, l’officier américain rassemblera ses
hommes puis le groupe s’échappera à bord d’une Jeep. Tout le
monde discutera, boira un coup puis au moment où le soleil se
cachera pour se coucher, tout le monde rentrera chez soi.
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- Tu es bien sûr de toi.
- Crois-moi Pierrot, ça ne va pas en être autrement.
Tandis qu’une partie de la clientèle s’échappait pour la
cérémonie, résigné, René continuait sa partie.
Vers dix neuf heures dans la petite maison située ruelle des Prés,
c’était tout de même la fête et à cette occasion Germaine avait
préparé un petit repas qui changeait de l’ordinaire.
Aussitôt que René était rentré, Germaine appliquait un doux
baiser sur la joue droite de son époux afin que ce jour soit un bon
souvenir. Pendant ce temps, Jeannette débouchait une vieille
bouteille de Vernou.
- Au fait Jeannette, lui dit son père, madame Abadie veut te voir.
Elle a quelque chose à te demander.
- Ah bon ! C’est pour le travail ?
- Je ne sais pas. Elle m’a vaguement expliqué que tu devais faire
une lettre. Je n'en sais pas plus. Tu verras ça demain. Si nous
passions à table.
La jeune femme paraissait étonnée par cette doléance. "Elle n’est
pas assez grande pour faire une lettre, pensa-t-elle".
Afin que cette journée soit marquée d’une pierre blanche,
Germaine rangeait une pièce de cinq francs dans une petite boîte
en argent, cagnotte secrète, endormie sous une pile de draps dans
l’armoire de la chambre. Jeannette débarrassa la bouteille puis
apporta la soupière. Tous trois dînèrent en silence. Le lendemain
matin, à huit heures trente précises, Jeannette se rendait à la
Poste. Madame Abadie comme d’habitude était déjà dans la
place. Cette femme de forte corpulence était infatigable. Elle
organisait tout. Travaillait du matin au soir sans jamais laisser
paraître le moindre signe de lassitude. Dans la bourgade, elle était
connue de tous. Son goût très prononcé pour la bonne table,
affirmé pour le travail mais aussi pour la causette avait fait le tour
du pays. Tintinette (madame Lucon) ouvrit la porte. Jeannette
s’engouffrait et allait directement au guichet où était installée
66
madame Abadie.
- Bonjour, lui dit la postière tout en quittant son siège, fais le tour
du bureau et entre me voir, j’ai quelque chose à te demander.
La jeune femme traversait la petite pièce et s’assoyait sur une
chaise derrière le guichet. Tout en pelotant la ceinture de son
manteau, Jeannette regardait la grosse femme qui fouillait dans
une pile de courrier. Il n’y avait pas de télégramme à distribuer en
ce début de matinée, seulement quelques lettres et colis.
- Jeannette, voudrais-tu devenir marraine ? lui disait-elle en lui
faisant voir une enveloppe.
- Marraine ! Marraine de qui, madame Abadie ?
- Et bien, lui répondit-elle, tout en reprenant sa place au guichet.
En ce moment beaucoup de militaires s’ennuient et la chose qui
leur remonte le plus le moral, c’est une petite lettre. Une missive
dans laquelle on leur raconte des choses, on leur parle du pays,
dans laquelle on leur dit que les filles sont jolies, qu’il ne faut pas
désespérer.
- Mais je ne connais pas du tout de militaire, madame Abadie !
- Je sais ma fille, mais plutôt que de t’ennuyer à distribuer
quelques télégrammes, j’ai pensé que tu pourrais faire un petit
mot à un militaire. Cela te changerait les idées ! Tu ne vas pas
rester les deux pieds dans le même sabot !
Jeannette parut très surprise par cette proposition. Elle avait
pensé en venant à la Poste que cette histoire de lettre c’était plutôt
pour avoir un travail durable car elle n’appréciait pas vraiment la
couture. Elle trouvait ce métier trop routinier, elle ne se projetait
pas dans un avenir de petite main dans une grande maison
parisienne. Jeannette s’attendait plutôt à devoir rédiger une
demande officielle. Là, elle ne savait que répondre. Elle ne savait
que penser. Tout en nouant de nouveau sa ceinture, elle
s’exclamait :
- Je ne sais pas si papa va être d’accord, écrire à un étranger, il
faudrait que je lui en parle.
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- Je m’en doutais un peu. Je passerai voir René prochainement
pour lui en toucher deux mots. Devenir marraine d’un soldat cela
ne devrait pas déplaire à ta mère, quand à ce bon René j’en fais
mon affaire. Tu sais, ces gars sont bien. Depuis le temps que dure
cette guerre, une petite lettre c’est bon pour le moral. Et puis cela
ne t’engage à rien. Depuis une semaine j’ai une liste. Tu n’es pas
la première jeune fille à qui j’en ai parlé, Jeannine est également
au courant mais elle ne veut pas s’embarquer dans cette affaire
sans toi. C’est simple, vous choisissez chacune un nom au hasard
et vous lui faites un petit mot.
- Mais je vais lui écrire quoi à ce militaire ?
La grosse femme regarda Jeannette qui manifestement semblait
dépassée par les évènements. Ecrire à un étranger s’avérait
soudainement une chose peu aisée pour la jeune femme, c’était
bien le genre de démarche à laquelle elle n’avait jamais pensé.
Elle gambergeait.
-Ne t’en fais pas. Tu lui dis que tu es une belle jeune fille, que tu
es à la campagne dans un petit coin charmant, que tu habites chez
tes parents et en même temps tu lui fais un petit colis. Les
militaires sont des braves gars et se serait bien le diable que celuici
ne te réponde pas. Arrange toi avec Jeannine, ce sera bien plus
facile à deux. Vous aurez plus d’imagination et vous pourrez vous
échanger vos idées.
Ces quelques mots rassurèrent Jeannette. Son visage se détendit
et un joli sourire apparut, creusant une petite fossette sur chaque
joue. Rassurée, elle quittait la poste. Tout en se dirigeant vers son
foyer, Jeannette s’amusait à projeter à haute voix quelques
phrases qu’elle écrirait vraisemblablement à cet inconnu.
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Mars 1945
Le 7 mars 1945 les Américains franchissent le Rhin à Remagen.
La guerre tire presqu'à sa fin tandis que la 2ème DB continue de
participer à la libération du territoire. Elle finira par s’emparer du
nid d’aigle d’Hitler à Berchtesgaden.
Madame Abadie tint sa promesse, elle passa ruelle des Prés.
Comme à son habitude elle mangea fort bien et fit la conversation
durant tout le repas, convaincant par la même occasion les
parents de Jeannette. La jeune femme pouvait devenir marraine.
Quelques jours plus tard, après s’être accordée avec sa copine
Jeannine, Jeannette prenait la plume et se lançait dans l’aventure.
69
A l’attention de soldat Maurice Jubin si 84 263 BPMG
Limeray, Indre et Loire, le15 mars 1945.
Cher Monsieur Maurice,
J'ai appris que vos camarades et vous même vous ennuyez
beaucoup dans votre caserne, d'où ces quelques petites lignes de
réconfort. A cette occasion je deviens votre marraine. Je vais
essayer de me présenter le plus simplement possible. Je me
prénomme Jeanne, j'ai dix neuf ans, j'ai les yeux bleus et des
cheveux longs châtains clairs. Chez nous, tout le monde
m'appelle Jeannette. J'habite en Touraine dans un petit village
paisible, Limeray. Nous avons bien souffert de la guerre durant
ces dernières années, comme partout je crois, mais aujourd'hui
cela va beaucoup mieux. Papa est jardinier-horticulteur et ma
Maman est à la maison. Moi, je travaille à la poste, avec mon
vélo je distribue les télégrammes au village et dans les alentours.
Ici c'est très calme. La première ville qui est Amboise, est à six
kilomètres, Tours en est à trente et mes sorties sont très rares.
J'ai quelques copains et copines. Ma meilleure amie est
Jeannine. Parfois nous allons au bal ensemble, mais cela fait
déjà bien longtemps que nous y sommes allées. J'espère quand ce
moment vous n'avez pas trop froid, car depuis quelques jours il
fait vraiment frisquet par chez nous. Je sais que les militaires
n'aiment pas l'hiver, heureusement celui-ci est bientôt fini. Avec
l'aide de mes parents, je joints à ces quelques lignes un petit
colis. Cela améliorera sans doute votre ordinaire. Au début de la
guerre papa était aussi dans une caserne, à Agen. Quand il
recevait un petit colis cela lui faisait énormément plaisir. C'est
pas grand chose, du saucisson, quelques conserves et des
confitures. Il se fait tard, mes parents se joignent à moi pour vous
adresser, Maurice, toutes mos amitiés.
Avec mes sentiments amicaux
Jeannette.
70
Un mois plus tard une enveloppe militaire parvenait à Jeannette.
Soldat Maurice Jubin si 84 263 BPMG
Le vendredi 9 avril 1945.
Chère Mademoiselle et Marraine.
Je m'excuse de vous répondre un peu et même beaucoup
en retard à votre lettre, d'ailleurs très gentille du quinze mars. Je
vous dirai tout de suite que je fais souvent des fautes dans les
lettres, aussi excusez-moi d'ailleurs on écrit avec son coeur. Je
vous dirais qu'à l'heure actuelle je finis chez ma Mère mes
derniers jours de permission. Je vous assure que ces jours
passent très vite, enfin le principal est que mon moral est très
bon, c'est déjà une grande chose, j'espère que pour vous tout va
bien et que vous êtes en bonne santé à l'heure actuelle. C'est la
seule chose qui conte. Pour la réponse vous pouvez m'écrire à
l'adresse que vous avez. Je vous répondrai aussitôt, Aussi Chère
Mademoiselle et Marraine je termine ma lettre en vous envoyant
toutes mes amitiés.
Votre filleul.
Maurice.
71
Limeray le15 avril 1945.
Cher Maurice.
Je viens de recevoir votre lettre qui m'a fait très
plaisir. Vous êtes en permission et c'est une bonne chose, hélas
dans ces cas là, les journées passent trop vite. Ici il fait beau
temps et cela nous change de cet hiver qui fut froid. J'espère qu'à
votre retour vous n'aurez pas trop le cafard. Vous allez retrouver
vos camarades, peut-être allez-vous parler de vos marraines. Ma
meilleure amie à également écrit à l'un d'entre vous. Je ne sais
pas si elle a eu une réponse. Chez nous tout va bien même si
pour beaucoup la guerre n'est pas encore terminée. C'est triste. Il
paraît qu'en Allemagne la guerre est très dure. Mes parents vous
font un petit colis comme la dernière fois. Nous n'avons pas
grand chose, mais cela nous fait plaisir.
Comme il se fait tard maintenant, cher filleul, je
vous quitte.
Mes parents se joignent à moi pour vous adresser toutes nos
amitiés.
Sentiments amicaux.
Jeannette.
72
Soldat Maurice Jubin si 84 263 BPMG
Le 16 avril 1945.
Ma Chère Marraine.
Je viens à l'instant de recevoir votre charmante petite
lettre qui m'a fait grand plaisir. Comme vous dites huit jours c'est
vite passé, enfin c'est toujours ça de pris comme on dirait. C'est
comme dans la chanson. Aussi pour vous faire plaisir je vous
envoie une photo de ma personne. J'espère en recevoir une
bientôt de vous, comme ça on se connait un peut, tout du moins
de visage. Quand on est loin c'est déjà pas si mal que ça. Je
conte sur vous. Pour les colis se n'est pas la peine de m'en
envoyer, surtout que la nourriture est suffisante et que vous avez
déjà du mal pour vous. Enfin je vous en remercie beaucoup.
J'espère que votre santé va bien et ainsi que votre travail. Pour
moi tout marche à merveille. Ici il fait un temps splendide, il fait
même un peu chaud, certainement que chez vous aussi c'est
pareil.
J'espère bientôt une réponse, je vous répondrais tout de suite.
Voila mon adresse de Maisons-Laffitte chez ma mère. Chère
Marraine je termine ma petite lettre en espérant bientôt de vos
nouvelles et recevez mes meilleures amitiés.De votre filleul qui
pense à vous.
Maurice.
PS : j’ai changé de stylo. A bientôt. Maurice.
Monsieur Maurice Jubin
15 rue de Lorraine à Maisons-Laffitte S et O.
73
Le 18 avril 1945
Cher Maurice,
En cette journée maussade je prends le crayon pour vous donner
quelques petites nouvelles de ma personne. Je n’avais pas
vraiment l’habitude d’écrire très souvent à quelqu’un, surtout à
un garçon, sauf à mon cousin Pierrot qui est à Périgueux, mais
comme vous répondez rapidement à mon courrier je fais la même
chose afin que vous n’ayez pas le cafard. Je vous remercie pour
la photo. Vous semblez grand mais pas gros et un peu distingué.
Vous êtes un beau jeune homme et avec votre écharpe vous êtes
élégant. Suite à votre demande je vous envoie une petite photo de
ma personne sur laquelle je pourrai être plus jolie car en noir et
blanc on se rend moins compte qu’avec la couleur, mais je n’ai
pour l’instant que celle-ci. J’espère qu’elle vous plaira. En ce
moment je fais pousser mes cheveux car c’est mieux et à mon âge
c’est plus joli. A mes pieds c’est le chien de papa, sa peloute
comme il dit, que j’aime bien promener quand je n’ai pas grandchose
à faire. Hier je n’ai pas été au théâtre car ma meilleure
amie Jeannine était mal fichue. Je crois qu’elle a une angine. Je
crois aussi qu’elle a reçu une lettre d’un filleul et qu’elle va
répondre. Elle m’a dit qu’il avait l’air gentil et très poli. Elle lui
a envoyé aussi une photo d’elle. Pour le colis ne vous en faites
pas, cela ne nous fait pas défaut car papa aussi bien que maman
trouvent normal qu’on envoie quelques choses aux militaires qui
les change de l’ordinaire. Lorsque papa était mobilisé il
appréciait d’avoir un colis, ça lui permettait de penser à nous.
Nous avons appris dans le journal que le président américain
était mort. En ce moment les événements semblent tourner en
faveur des alliés et papa retrouve le sourire. Sans doute allezvous
partir bientôt avec vos camarades. Faites attention à vous.
Nous vous envoyons aussi un petit mandat pour que vous puissiez
vous acheter des cigarettes et autres choses à votre goût. Comme
il se fait tard maintenant, cher filleul, je vous quitte. Mes parents
74
se joignent à moi pour vous adresser toutes nos amitiés. Faites
attention.
Sentiments amicaux. Jeannette.
75
Soldat Maurice Jubin si 84 263 BPMG
Le samedi 21 avril 1945.
Ma Chère Marraine.
Je vous remercie tout d'abord pour la petite photo qui m'a
fait grand plaisir. Je vous retourne par cette lettre le compliment
que vous m'avez adressé.
Je vous trouve charmante. Je vois en effet que vous suivez
les évènements de très prêt. Je vous en félicite. Mon travail dans
le civil était délicat. Pendant quatre ans j'ai été forcé de faire
beaucoup de voyages qui n'étaient pas toujours à mon goût ni
très intéressants, aussi j'ai fait comme beaucoup de jeunes gens
plusieurs métiers. Mon vrai métier avant la guerre était margeur
lithographique, c'est un métier qui fait partie de l'imprimerie. Je
vous remercie infiniment pour le mandat que vous m'avez envoyé.
En ce moment la vie dans certaines régions de France est chère
et ce mandat sera le bien venu avec mes camarades. Ayant
remonté du sud-ouest et de passage à Châteauroux, dans l'Indre,
j'en profite pour vous envoyer cette petite lettre ceci pour faire
réponse à votre charmante lettre qui est toujours le réconfort du
soldat. Je reste peu de temps ici car samedi nous remontons vers
"L'Allemagne". Autrement dit, la petite boche qui a bien maigri,
elle aussi, à dieu l'espace vital et pour Adolf aussi. Ils sont à
plaindre ???. Enfin, chacun son tour de rire et de pleurer. Aussi
excusez-moi si vous êtes sans nouvelles de moi pendant plusieurs
jours.
PS: Je partirai probablement samedi 28 avril.
En attendant de vous lire bientôt, je vous quitte en espérant que
ma petite lettre vous trouvera en parfaite santé.
Recevez de votre filleul ses plus amicales pensées.
Maurice
Ecrivez toujours à SI.84.263 BMP6.US Merci d'avance.
76
Ces courriers échangés de concert entre Jeannette & Maurice
depuis le 15 mars 1945 décrivent en partie le début de leur
rencontre. Chacun se découvre progressivement. Ils s’échangent
quelques renseignements mutuels, tout en se donnant plusieurs
indications sur leur vie quotidienne. Ils s’envoient une
photographie, mais au fil des jours aucun ne prend un
engagement envers l’autre. A travers ces courriers ils ne se font
presque pas de confidences, de toute façon ils n’en avaient pas
l’intention. Jeannette ne connaissait son interlocuteur que par
l’intermédiaire des lettres, elle ne voulait pas donner un espoir de
liaison à Maurice tant qu’elle ne savait pas de quoi serait fait son
avenir. Son père voulait qu’elle reste à Limeray, qu’elle se marie
avec un garçon du pays. Elle avait des prétendants mais au fond
d’elle-même elle sentait qu’il fallait qu’elle fasse autre chose. De
son côté sa mère se pliait à la décision de son époux. Au moment
où Maurice part avec sa compagnie début mai 1945 pour
combattre en Allemagne, le lien épistolaire s’interrompt car le
courrier fonctionne encore mal. De son côté, l’amie de Jeannette,
Jeannine correspond toujours. Le soir elles se racontent leurs
lettres. Tout comme Jeannette elle n’est pas amoureuse mais cette
correspondance lui permet de se soustraire à son quotidien.
Maurice rentre en France le 28 mai 1945. A partir du 30 mai il est
cantonné à Montereau-Fault-Yonne. En effet, suite à un problème
pulmonaire, Maurice est admis dans un hôpital militaire, antenne
installée dans une usine désaffectée de la ville, établissement
réquisitionné par l’armée. Tout en bénéficiant à cet instant des
soins appropriés, Maurice et ses camarades militaires sont
hospitalisés malgré eux pour une durée indéterminée. D’après ce
qu’apprend Jeannette, les militaires jouissent de dortoirs
communs, de salles d’hygiène et d’un parc. Dès son retour,
Maurice écrit à nouveau. A travers ses courriers il ne désespère
pas de nouer une future relation durable avec Jeannette mais
pendant son absence les événements se sont bousculés. La France
77
entière aspirait à panser ses plaies, à oublier au plus vite ces
terribles années. Des militaires français ainsi que des alliés
cantonnaient dans les agglomérations et la population les
accueillait à bras ouverts. A Limeray le jour du 8 mai 1945 le
village était pavoisé, tout le monde fêtait la fin du conflit.
Jeannette se souvenait qu’elle était en compagnie de Marcel
Guertin rentré depuis le 6 mai seulement d’un camp de travail en
Allemagne, de Roger Percereau qui allait devenir viticulteur, de
Robert Lenoble, Roger Vergneau, d’autres copines et copains
heureux que tout soit enfin terminé. Dans le bourg, mitraillette en
bandoulière, drapeau au vent, des FFI (plusieurs gars du pays,
Hamon, La Mollie, Melon, Segret) défilèrent sous les bravos des
citoyens en liesse. A cet instant, Jeannette pensait qu’elle n’aura
plus besoin de faire attention pour aller en douce avec Jeannine
aux bals clandestins organisés dans la grange du père Faucheux
plantée au-dessus du coteau. Durant ces rencontres très secrètes,
il n’était pas rare que cinquante, soixante amies et amis du village
et des environs s’y rejoignent pour y écouter les chansons. Le
phonographe envoyait à la cantonade Tino Rossi, Maurice
Chevalier, Jean Sablon et Jacques Pils, Jeannette dansait un peu
le tango, surtout la marche au son de l’accordéon d’un copain.
Jeannette se souvenait également que durant ce mois de mai
1945, elle était allée en compagnie de ses parents à Tours visiter
l’exposition de la résistance qui avait lieu pendant la semaine de
la libération. Il y avait beaucoup de monde et René était content
de retrouver ses amis. Pour sa part durant cette période Jeannette
faisait la connaissance d’un soldat américain [John Curtis] beau
jeune homme avec lequel elle entretenant une courte liaison
amicale. Celui-ci lui a envoyé quelques très gentilles cartes
militaires toutes rédigées en américain sur lesquelles il affirmait
qu’il l’aimait. De son côté Jeannette avait été séduite mais ne
voulut pas s’engager avec un étranger même si pour elle c’était
une occasion unique de s’émanciper. Par la suite, John Curtis
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s’éloignait avec sa compagnie, ils se perdirent définitivement de
vue. Début juin1945 Jeannette reçoit une nouvelle lettre de
Maurice dans laquelle celui-ci lui expose ses intentions. Plus
concis dans ses propos, il ne désespère pas de rencontrer
prochainement sa dulcinée afin de faire plus ample connaissance.
De son côté Jeannette est tiraillée par la nécessité de rester auprès
de ses parents, de faire sa vie à Limeray et par l’envie de
connaître autre chose que le quotidien tristounet de la campagne.
John Curtis, auteur de quelques courriers.
79
Montereau le 12 juin 1945
Ma chère Jeannette et Marraine,
Me voici de retour chez nous et c’est avec empressement
que je vous écris cette lettre qui vous trouvera j’espère en bonne
santé. Pour ma personne ce n’est pas le cas, en Allemagne j’ai
attrapé un mauvais coup de froid sur la poitrine et je me suis mal
soigné en plus j’ai désobéi à un officier qui m’a aussitôt mis au
trou (en prison) parce que je ne voulais pas faire une corvée car
j’étais malade. En rentrant en France j’ai été affecté dans une
chambrée à Montereau pour me faire soigner comme d’autres
camarades. Je crois que je n’ai pas grand-chose mais dans
l’armée c’est toujours pareil, c’est long. Je suis dans une
chambrée et je trouve le temps long. J’en profite pour vous écrire
afin de vous dire que j’aimerais bien vous rencontrer de vive voie
afin que nous fassions vraiment connaissance. Vous êtes
vraiment jolie (j’ai toujours la photo) et j’aimerais bien que vous
soyez plus que ma marraine à condition que vous soyez d’accord
ainsi que vos parents que vous me dite gentils. Je ne vous fais pas
une avance car cela ne se fait pas et ma maman ne serait pas
d’accord avec moi ci je ne lui présentais pas ma marraine. Elle
me dit toujours que j’ai le temps mais moi je trouve le temps
long. Vous me dites que vous habiter pas trop loin de Tours je ne
connais pas mais nous pourrions nous voir à Tours. Aujourd’hui
il ne fait pas beau j’espère que demain il y aura du soleil et que
je pourrais aller faire un tour dans le parc. Ils ne veulent pas
qu’on sorte mais moi je crois que je vais quand même sortir. Ma
chère Jeannette j’espère que vous aller répondre à ma lettre je ne
vois plus grand-chose à vous dire et je vous quitte en vous
envoyant mes plus tendres pensées.
Je garde la photo près de moi.
Votre filleul qui pense à vous.
Maurice
80
Jeanne en compagnie du chien Dolphie.
Limeray le 16 juin 1945
Cher Maurice,
J’ai reçu votre lettre dans laquelle vous me demandez de vous
rencontrer à Tours afin que nous puissions faire connaissance
mais malheureusement je ne peux pas aller à Tours aussi
facilement. Il faut que je demande la permission à mes parents.
Aujourd’hui je ne sais pas s’ils seront d’accord. Pourtant
j’aimerai bien venir vous voir. J’ai discuté avec mon amie
Jeannine, elle croit quelle est peut être amoureuse de son filleul.
Elle m’en parle mais elle ne sait pas encore vraiment quels sont
ses sentiments. De non côté avec vous je ne sais pas non plus
même si dans vos lettres vous me dites que vous m’aimez déjà.
Peut être qu’il faut encore attendre, de toute façon il faut que j’en
parle à mes parents. La semaine prochaine nous allons au bal
avec Jeannine, j’espère que nous allons bien nous amuser.
Soignez-vous bien. Je vous embrasse affectueusement.
Jeannette
81
Montereau le 2o juin 1945.
Ma chère Jeannette et Marraine.
J’ai bien reçu votre dernière lettre et une nouvelle fois elle
m’a fait un grand plaisir. Je vois que vous ne m’oubliez pas et
j’en suis très heureux. Bien sur pour la rencontre à Tours ci c’est
pas possible nous ferons autrement je ne veux pas que vous vous
fassier enguirlander par vos parents. Pour moi le temps est long
et je trouve ça long. Demain je passe une radio pour savoir
comment va mes poumons. Je me sens bien même si je tousse un
peu et que je suis fatigué mais ne vous inquiétez pas je vais me
remettre sur pieds pour vous rencontrer le plus tôt possible.
Aujourd’hui il fait beau mais mon camarade m’a dit que demain
ça se gâtait. Sa maman est venu le voir, peut être que la mienne
viendra aussi.
Ma chère Jeannette je ne vois plus grand-chose à vous dire pour
aujourd’hui aussi je vous quitte en vous envoyant mes plus
tendres et affectueuses pensées.
Votre filleul
Maurice.
82
Limeray le 10 juillet 1945.
Cher Maurice,
Suite à votre lettre de la semaine dernière je vous
réponds pour vous dire que je vais bien même si parfois je
m’ennuie. Heureusement que j’ai ma meilleure amie Jeannine
avec qui je peux me confier. Vous me dites que vous allez bientôt
vous rendre chez votre maman à Maisons-Laffitte et qu’à cette
occasion vous allez lui parler de votre marraine. Surtout ne vous
engagez pas vis-à-vis de moi car il faut que je réfléchisse encore,
je ne veux pas me précipiter même si entre nous il peut se passer
quelque chose. Il me semble que c’est encore trop tôt et je ne
voudrais pas vous faire une promesse que je ne pourrais pas
tenir, vous rendre malheureux. Mon amie Jeannine a déjà vécu
une expérience comme ça avec un militaire, elle a eu du mal à
s’en remettre et je ne voudrais pas qu’il m’arrive une chose
semblable, mes parents ne me le pardonneraient jamais. Dans
quatre jours nous allons allés au bal pour le 14 juillet, j’espère
que nous allons bien danser et bien nous amuser car se sera un
vrai 14 juillet depuis la fin de la guerre. Cher Maurice je vous
quitte en vous embrassant affectueusement. Mes parents se
joignent à moi pour vous dire bonjour.
Jeannette
83
Soldat Maurice Jubin Si 84 263-BPMG
Montereau le 28 août 1945
Ma chère Jeannette et Marraine,
Je réponds de suite à votre lettre du 24 août qui comme
toutes vos lettres me fait toujours grand plaisir. Je vois que vous
n’êtes pas encore fixé pour ce que vous allez faire cet hiver. Je
crois que pour vous la meilleure solution serait de rester avec
vos parents, enfin que j’espère pour vous. Je viens aussi de
recevoir votre mandat qui lui aussi m’a fait plaisir. Je m’en
servirai en sortant de prison, pour l’instant je fais des économies
forcées. A part ça, c'est-à-dire la punition qui est très dure,
j’attends car je n’aime guère être enfermé, enfin ça se tire comme
l’on dit.
J’espère aussi être changé, c'est-à-dire changé de compagnie
pour me faire oublier et après demander au mois d’octobre ma
permission. Mes cheveux d’ici ce temps là auront repoussés, par
entièrement mais enfin cela fera mieux. Remarquez que ce n’est
pas toujours la beauté qui attire, c’est surtout le caractère et
surtout le savoir vivre. Je pense que vous êtes de mon avis, il ne
faut pas non plus prendre le premier venu, cela n’on plus ne
serait pas de mise.
J’espère que pour vous ma chère gentille Jeannette ainsi que
pour vos parents, je leur dit bonjour par la même occasion. Je
travaillerai si je quittai la compagnie à la poste militaire comme
ça je serai bien mieux, pas de garde, la vie de château.
Ma chère Jeannette je ne vois plus rien à vous dire pour
aujourd’hui et je vous quitte en vous envoyant mes plus tendres et
affectueuses pensées. Vous y prenez une grande place. Votre
filleul qui ne vous oublie pas.
Maurice
84
Soldat Maurice Jubin Si 84 263-BPMG
Montereau le 4 septembre 1945
Ma chère Jeannette et Marraine,
Aujourd’hui pas de lettre aussi la journée me semble bien
longue et triste enfin pour chasser le cafard je vous écris ces
quelques lignes. J’espère que vous allez mieux et que vous allez
bientôt sortir du lit. Pour moi à part qu’il n’y a pas de lettre
aujourd’hui, seule la santé va bien. Je vous avais dit l’autre jour
que j’allais très certainement aller travailler à la poste militaire.
Je suis encore en prison (j’ai fait une petite connerie) aussi la
fameuse place est prise alors j’attends ma sortie pour pouvoir me
trouver autre chose. Il y a des bruits qui courent que nous allons
retourner en Allemagne au mois de novembre, d’ici là il coulera
de l’eau sous les ponts. Je devrai sortir de prison samedi 1er et ci
j’y suis toujours, pas possible on doit m’oublier comme au
moyen âge au fond des oubliettes. J’espère quand même ne pas y
moisir. Ma chère Jeannette je vous assure que si un jour j’ai un
fils certainement pas que je lui conseillerai de s’engager. Cela à
l’heure actuelle est une grosse bêtise, c’est toujours comme ça en
France, c’est à croire qu’il ne faut pas avoir l’amour de la patrie
car je n’en crois pas mes yeux quand je vois chez ma mère les
fameux collaborateurs qui circulent toujours et même plus que
jamais, pour aussi croyez le bien et pour tous mes camarades
cela me dégoutte. Enfin que voulez-vous, c’est ainsi et ce n’est
pas autrement alors il n’y a rien à faire, mais nous avons
compris.
J’espère que vos parents vont bien, vous leur souhaiterait bien le
bonjour de ma part. Votre mandat Gentille Jeannette a bien été
employé car avec l’argent j’ai acheté du papier à lettre,
heureusement que nous en trouvons. Je vous ai demandé sur la
carte que je vous ai envoyé hier si vous vouliez m’envoyer une
photo de vous si toutefois vous en avez, vous serez bien gentille et
85
mignonne, vous allez peut être dire que je vous passe de la
pommade mais vraiment ce que je pense de vous et je vous dirai
par la même occasion que je vous aime de tout mon coeur car
quand vous m’écrivez cela me fait grand plaisir et en plus je
commence à vous connaître malgré que nous nous sommes
jamais vus.
Ma chère Jeannette je ne vois plus grand-chose à vous dire pour
aujourd’hui aussi je vous quitte en vous en voyant mes plus
tendres baisers et de douces caresses ne pouvant le faire de prés
je vous l’écris. Votre filleul qui pense souvent à vous.
Maurice.
PS : J’espère une lettre de vous demain, le courrier va pas bien.
86
Soldat Maurice Jubin
Montereau le 6 septembre 1945
Si 84 263 BPMG
Ma chère petite Jeanou,
Je viens à l’instant de recevoir votre lettre qui comme
toujours recevoir de vos nouvelles me rempli de joie. En effet
chère Jeanou je ne vous écris jamais de vrais journaux comme
vous mais je crois que la lettre que je vous ai envoyé hier est une
réponse à votre journal. Ma petite Jeanou en effet j’ai bien reçu
vos lettres et je crois que maintenant nous sommes à jour. Je suis
bien content pour vous puisqu’enfin vous êtes sorti de ce maudit
lit. Pour moi je suis toujours dans cette maudite prison. Je
commence à croire que je vais y finir mes jours mais je dois vous
dire qu’hier j’ai eu des renseignements et que j’ai eu une petite
augmentation pour mes petites vacances à l’hombre, en effet
c’est 45 jours donc j’ai hérité mais ne vous en faite pas j’irai
quand même vous voir au mois d’octobre. Aussi maintenant
comme vous me le dite petite Jeanou, je prends forcément
patience. Heureusement pour me réconforter je pense à vous et
ébauche mille rêves rien qu’en pensant à vous. A part la durée de
ma villégiature tout va, surtout la santé, c’est une des principales
choses. Ce que je souhaite le plus vite possible c’est une réponse
à ma lettre du 5 septembre, si je suis impatient en ce moment
c’est uniquement pour cette chose à laquelle je vous ai écrit hier.
Mais c’est surtout si je ne vous déplais pas physiquement que je
vous ai décrit de bien belles choses, des choses que j’ai dit à une
jeune fille que l’on aime, plus que tout au monde.
Ma petite Jeanou chérie c’est tout ce que je vous dis aujourd’hui
et je vous quitte en espérant bientôt de vos nouvelles. Recevez
mes plus douces caresses et tendres baisers.
Votre filleul qui pense tous les instants à vous.
Maurice.
87
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 8 septembre 1945
Ma chère petite Jeanou,
Comme je vous l’ai écrit hier, aujourd’hui j’ai reçu une lettre de
vous du 4 septembre. Cette lettre d’aujourd’hui était petite étant
donné que vous avez dû attendre la réponse de celle du 1er que
vous m’avez envoyé qui pour moi était pleine d’intérêt. Il y a des
jours qui comme vous dites on n’a plus de sujet à développer.
Mais le principal est que l’on pense tous les jours à s’envoyer un
tout petit mot qui tout de suite nous fait plaisir. Ma petite Jeanou
je vais vous demander une toute petite chose de rien du tout,
qu’elle taille mesurez-vous ? C’est une petite chose qui pour moi
est très importante car si vous avez déjà remarqué que les
couples il faut en principe que l’homme soit un tout petit peu plus
grand que sa compagne. Sans doute êtes-vous de mon avis. C’est
une chose que je voulais vous demander il y a déjà longtemps
mais je n’osai. Aujourd’hui j’ai fait preuve d’un grand courage,
question de beau temps. La journée se termine par un temps
nuageux avec des petites averses.
Ma petite Jeanou très chérie je ne vois plus grand-chose à
vous dire si ce n’est que je suis toujours en bonne santé. J’espère
que pour vous tout va bien et vous souhaiterez bien le bonjour à
vos parents.
Je vous quitte en vous envoyant mes plus tendres baisers et
douces caresses et j’espère vous dire de bien belles choses si je
vous plais.
Votre filleul qui pense à vous.
Maurice.
88
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 9 septembre 1945
Ma petite Jeanou,
Je vous écris juste un petit mot car comme je vous l’ai
écrit hier c’était une petite lettre où rien de sensationnel n’était
écrit, aussi aujourd’hui dimanche pas de lettre, c’est assez triste
pour un dimanche comme vous devez le penser. Figurez-vous que
si j’ai encore écrit c’est que j’ai eu 45 jours au lieu de 15, c’est
uniquement parce que le motif est monté jusqu’au colonel de la
division, alors vous savez tout le monde met sa petite rallonge.
Enfin j’en suis déjà à plus de la moitié, alors encore quelque
chose comme 22 jours et j’ai fini. Mais je trouve quand même le
temps un peu long. Ma petite Jeanou très chérie j’espère que
vous allez très bien et aussi que vous avez un assez beau temps
car ici il a fait un grand orage cette nuit et en plus il a plu toute
la journée. Enfin ma chère Jeanou je ne vois plus rien à vous dire
et je pense toujours à vous. Recevez mes plus douces caresses et
tendres baisers.
Votre filleul qui pense à vous.
Maurice.
Texte recopié sur un feuillet volant.
Elle était lingère à la façon
Lui, brigadier dans les dragons.
Un soir, il fit sa connaissance au moulin de la Galette
La prenant dans ses bras, à l’oreille il lui chanta…
Mimi, Mimi, je t’aimerai toute la vie
Avec tes longs jupons, ton manchon, ton ombrell’,
Ta voilette en dentelle, et tes yeux fripons
Tu seras pour toujours, jusqu’à la fin des jours
Ma Mimi d’amour
Il cessa d’être son amant
Dix ans plus tard…en l’épousant,
89
Si bien qu’au jour du mariage,
On vit trois bambins bien sages
Le papa, tendrement, fredonnait à la maman…
Tu seras pour toujours, jusqu’à la fin des jours
Ma Mimi d’amour.
Ils ont su vieillir tous les deux
Tout en restant des amoureux.
Quand l’amour devient tendresse,
Le coeur garde sa jeunesse.
Qu’il fait bon près du feu,
Evoquer les jours heureux…
Tu seras pour toujours, jusqu’à la fin des jours
Ma Mimi d’amour.
90
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 10 septembre 1945
Ma chère petite Jeanou,
Je viens à l’instant de recevoir votre lettre qui m’a fait
grand plaisir ainsi que les deux photos. Vraiment aujourd’hui
j’ai été gâté puisque j’ai reçu aussi votre petite carte de tours. Je
ne suis jamais allé à Tours mais je suis allé à Blois. Je crois que
c’est dans votre région. Certainement que pour aller à Limeray il
doit y avoir un train qui part de Tours, vous me direz si c’est ça.
Comme vous dites c’est des 15 jours à rallonge, du reste je vous
l’ai écrit hier. Chère Jeanou je tiens encore à vous féliciter car je
vous trouve très bien sur vos photos qui comme je vous le répète
mon fait grand plaisir. Je tiens à vous dire que ce n’est pas la
peine de mettre US sur le bas de l’enveloppe, cela ne sert plus à
rien puisque nous ne faisons plus partie d’une division
américaine. ma petite Jeanou que maintenant vous allez être
tranquille au point de vue santé car je sais que cela n’est pas
intéressant d’être dans un lit toute la journée. Je crois que le
beau temps est enfin revenu puisqu’il y a aujourd’hui un
magnifique soleil. Vous me dites de ne pas me vexer pour la
question d’être têtu, remarquez que quelques fois on a besoin d’y
être. Je puis vous assurer que cela ne m’a pas vexé. A part cela
toujours une bonne santé et grâce à vos lettres le moral est
excellent. Mais quand même je n’ai qu’une hâte c’est de pouvoir
aller vous voir, quoique en allant vous voir j’ai peur d’une chose
c’est de ne pas vous plaire mais aussi pour vous plaire j’attends
que mes cheveux soient repoussés. Aussi tous les jours je les
regarde dans la glace. Ils ne poussent pas assez vite à mon gré.
Ma petite Jeanou très chérie je ne vois plus grand-chose à vous
dire aujourd’hui et je termine en vous envoyant mes plus douces
et tendres caresses de votre filleul qui pense à vous Maurice.
PS : Bien le bonjour à vos parents.
91
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 11 septembre 1945
Ma chère petite Jeanou,
Je viens à l’instant de recevoir votre lettre qui m’à fait
grand plaisir et qui m’a rempli de joie et de bonheur. Vraiment
cette nouvelle lettre m’a produit une douce impression de vous
ma petite Jeanou. Sans cesse je regarde votre gentil minois que
vous avez car je puis vous assurer une chose c’est que je vous
trouve très belle et vous avez fait battre mon coeur. Et aujourd’hui
après avoir reçu votre lettre je vous admire et vous aime mille
fois, et j’espère avoir le courage de vous le dire de vive voix. Je
vois en effet qu’après avoir été malade vous faites fonction
d’infirmière. J’espère que votre maman grâce à vos soins va
aller bien mieux et que sa maladie va bientôt finir. Je souhaite le
bonjour à votre Maman ainsi qu’à votre Père. Ma petite Jeanou
très chérie car j’espère un jour vous chérir de tout mon coeur, et
croyez que je serai très affectueux et attentionné pour vous avoir
petite Jeanou. Je crois que sur ce point de vue nous serons
d’accord tout les deux. En effet je crois que c’est une chose donc
j’ai horreur de quitter une jeune fille quand on fait une bêtise
avec elle et en plus courir deux lièvres à la fois comme l’on dit.
Je ne suis pas partisan de ces principes. Comme vous dites à
l’heure actuelle car la vie est assez dure. Aussi si nous nous
plaisons, et je puis si je vous plais, car pour moi la question est
résolue il faudrait d’abord attendre que j’ai une situation pour
faire vivre ma femme. J’espère que se sera vous ma petite Jeanou
et attendre aussi que le ménage soit monté. Je crois que vous
serez de mon avis. Et je crois encore que pour ces choses il
faudra y mettre chacun du sien. Mais cette chose doit aller toute
seule car quand deux coeurs s’aiment. Car vivre d’amour et
d’eau fraîche n’est pas à mon avis un bon remède. Vous savez
qu’à l’heure actuelle beaucoup de jeunes gens ne sont pas
sincères envers les jeunes filles, cela est à mon point de vue aussi
92
dégoutant et honteux. Aussi soyez assuré que si je vous dis
beaucoup de mots d’amour c’est que je vous répète que je les
pense et en plus si je vous aime c’est la pure vérité. Ne croyez
pas non plus que si je me suis engagé ce n’est pas non plus pour
en faire une carrière car je trouve que c’est un métier de
fainéant. Mais j’avais à venger la mort de mon père c’est je crois
chose faite et maintenant je n’ai qu’une hâte c’est d’être civil
avant de vous voir et cela sera le plus beau jour de ma vie. Sur
les photos que vous m’avez envoyées j’ai cherché histoire de
jouer au détective (amateur bien entendu) qu’elle était la
postière. J’en ai déduit que la postière était la jeune fille du
milieu quoiqu’elle fait un peu près dans les 30 ans et l’autre
jeune fille est votre camarade. Vous me rendrez réponse. Merci :
votre camarade qui est fiancée comme vous venez de me
l’écrire…Le temps n’est pas très beau aujourd’hui quoiqu’il ne
pleut pas. Je vois que vous n’avez pas été au théâtre l’autre jour
peut être avez-vous voulu faire une économie de mouchoir
J’espère que pour vous maintenant tout va bien et que vos petits
embêtements sont finis. Je vous le souhaite de tout mon coeur.
Ma chère petite Jeanou Chérie je ne vois plus rien à vous
dire et je vous quitte pour aujourd’hui. Recevez de celui qui ne
cesse de penser à vous ses plus douces caresses et plus tendres
baisers. Votre Maurice.
Texte recopié sur un feuillet volant.
Tu m’as volé mon coeur.
Tout mon être suppliant
Cherchait dans tes yeux brillants
Un encouragement suprême
L’aveu le plus doux qu’on aime
Mais tu riais
Autour de nous l’on passait
L’on dansait…
Toi tu brisais mon rêve et depuis
93
Dans les nuits
Je chante ma douleur
Mon bonheur
Vite enfui.
94
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 17 septembre 1945
Ma petite Jeanou Chérie,
Je viens aujourd’hui 17 de recevoir votre lettre du 14. Je
trouve que le courrier va mieux depuis quelques jours. Je suis
aujourd’hui très content de votre lettre qui m’a fait grand plaisir,
et surtout d’avoir de bonnes nouvelles de vous Chérie. Je crois
que pour les sujets de votre lettre nous sommes tous les deux du
même avis, j’en suis très content. Je vois aussi que votre métier
d’infirmière est fini aussi cela est une bonne chose non pas
surtout pour vous mais pour votre maman. Je vois en effet qu’il y
aura de beaux coins à voir dans votre région. J’en suis heureux
surtout de faire ces promenades tout les deux. Cela me rempli le
coeur de joie petite Chérie.
Vous me le dites dans une de vos phrases, j’espère que rien ne
sera changé. Vous pouvez être sûre que pour moi cela ne fait
aucun doute, car vous me plaisez beaucoup. Aujourd’hui j’ai
vraiment eu une longue lettre de ma Chérie aussi la journée
passera très vite et en plus il fait un temps superbe, ainsi tout se
met à la joie, Cher Amour. Vous avez entièrement raison pour la
question mariage. Il faudra d’abord que je vous plaise et ensuite
parler au sujet de nous établir et je crois qu’il faudra attendre
quelques mois. Mais comme je vous adore et aime de tout mon
être cela ne sera rien pour moi car je tiens à vous gagner et à
vous mériter. Ma petite Jeanou Chérie vous me dites de ne pas
avoir peur et que je vous plais aussi. Je puis vous assurer que
j’ai entièrement confiance en vous et j’espère que de votre côté
cela est la même chose. Je vois que vous êtes content d’avoir
suivi les conseils de votre amie, je l’a remercie de grand coeur.
Je vous réponds sur la feuille qu’il y avait dans la lettre car je ne
vois pas à quel usage vous l’aviez mise, peut être par erreur,
excusez moi mais sur un grand papier comme celui-ci je suis
95
complètement perdu et je fais des montagnes, déjà quand j’écris
sur mon papier les lignes ne sont pas droites.
Alors cette fois ci c’est pire et en plus il doit y avoir beaucoup de
fautes mais que voulez-vous à l’école je n’ai jamais voulu rien
faire. Aussi aujourd’hui j’en suis bien embêté. Voila ce que ça
coûte, ce que c’est de n’avoir pas voulu écouter les conseils de
ses parents. Enfin je dois vous dire que mon père est mort en
1940 à Poitier, c’est de ma faute, oui j’écris très mal. Ma petite
Jeanou Chérie je ne vois plus rien moi non plus à vous raconter
pour aujourd’hui aussi recevez Mon Cher Amour mes plus
douces caresses et tendres baisers d’amour de votre Maurice.
PS : Bien le bonjour à vos parents, mille baisers pour vous.
Maurice.
96
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 20 septembre 1945
Ma petite Jeanou très Chérie,
Je n’ai pas reçu de lettre aujourd’hui aussi cela doit venir
du courrier ou bien alors il vous est arrivé quelque chose aussi je
vie dans les transes car je me fais mille suppositions aussi
demain j’espère que j’aurai une lettre qui me soulagera le coeur
car ma petite Chérie je ne vis plus moi qui vous aime tant. Peut
être que vos parents ont peut être vus les lettres que je vous
envoie et ils vous ont disputé. J’espère qu’il n’en est rien, aussi
vivement de vos nouvelles. Ma petite Chérie j’espère que vous
allez très bien ainsi que vos parents. Pour moi le moral va bien et
cela est le principal. Aujourd’hui il fait un temps magnifique
aussi je voudrais être auprès de mon Cher Amour que vous êtes.
Voyez comment est le courrier. J’ai reçu hier une lettre de ma
mère qui date du 28 juin. Elle est arrivée à mon adresse et
ensuite elle m’est revenu après un long voyage aussi il ne faut
pas désespérer aussi j’attends avec impatience jusqu’à demain.
Mon cher petit amour et Chérie je ne vois plus rien à vous dire
pour aujourd’hui, recevez de celui qui vous aime plus que tout au
monde ses plus douces caresses et tendres baisers.
Votre Maurice.
PS : Mille baisers d’amour et à demain.
Une petite chanson.
Texte recopié sur un feuillet volant.
Le plus joli rêve.
Quand nous étions petits
Nous avons fait des songes
Adorables mensonges
Depuis longtemps partis
Dans la blancheur du lit
97
Où descendaient les anges
Des musiques étranges
Nous endormaient la nuit
Mais le plus joli rêve
C’est le rêve d’amour
Que l’on fait sur la grève
A l’heure où meurt le jour
Une voix enivrante
Monte du flot berceur
Et s’unit, caressante
A la chanson du coeur.
98
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 21 septembre 1945
Ma petite Chérie.
Je réponds à vos deux lettres que je viens de recevoir, une
du 17 et l’autre du 18 qui m’ont fait grand plaisir aussi pour moi
la journée sera beaucoup plus belle et en plus il fait un temps
magnifique, aussi je nage dans le bonheur. En effet je suis
toujours en prison mais bientôt je vais sortir aussi une semaine
après je demande ma permission à la quelle j’ai droit et alors je
serai près de la jeune fille que j’aime et je lui dirai de belles
choses. Partout où vous serez avec moi je me plairais car être au
bout du monde avec vous cela ne me ferait rien car je vous adore
et vous aime à la folie. Aussi j’ai hâte de vous serrer dans mes
bras et d’échanger de doux baisers d’amour.
Au sujet de rentrer à 1 heure du matin votre papa a parfaitement
raison, aussi je vois que votre Père tient à avoir une grande
jeune fille bien sage, quoique j’estime que les jeunes filles
doivent aussi bien sortir que les jeunes gens. Il y a beaucoup de
jeunes filles qui ont une vie vraiment honteuse et en plus
s’amuser avec des jeunes filles jusqu’à 5 heures du matin sont
des choses qu’ils ne devraient pas faire, et le jour qu’ils veulent
se marier ils leur faut une jeune fille sage : je crois qu’ils ont
torts, à mon avis ils suivent ce principe : faites ce que je vous dis,
mais ne faites pas ce que je fais. Enfin pour nous cela n’est pas
la même chose puisque vous êtes sérieuse et pour moi je puis dire
que cela est la même chose. Quoique étant militaire ce n’est pas
pareil. Mais pour l’instant étant à l’ombre il m’est impossible de
faire des bêtises et ensuite je tiens à m’engager auprès de vous et
en plus que je vous aime aussi votre confiance est bien placée, je
puis vous l’affirmer. J’espère aussi faire la connaissance de votre
petite camarade ainsi que de son fiancé aussi j’espère qu’ils
seront encore là quand je viendrai voir et faire connaissance de
99
ma petite Chérie. J’aime en effet à avoir une femme élégante
avec du rouge aux ongles ou pas du moment que cela lui va bien.
Je vois beaucoup de jeunes filles qui ont en effet les sourcils
épilés, je vous dirai que j’appelle cela une idée de jeune fille, il
n’y a quelle pour faire des choses comme cela. Je vous aimerai
t’elle que vous êtes Chérie. Maintenant pour les femmes qui
aiment la peinture de bâtiment c’est une question pour moi, je les
crois folles et en esprit je crois qu’elles ont bien pauvres.
J’espère que vous ne jouez plus à la poupée car je m’en ferai un
grand plaisir de vous en acheter une à paris. J’espère que cette
petite phrase ne vous fâchera pas, aussi excusez moi. Je vois que
pour le bal vous avez la permission d’y aller, vous en profitez et
vous avez entièrement raison surtout quand on a 20 ans me direz
vous. A quelle date vous êtes née et aussi à quel mois.
Vous allez dire que je suis bien indiscret, merci pour la réponse.
Je vois que vous avez gardé votre ancienne coiffure et vous avez
raison, pour moi je vous trouve très bien et jolie, car pour la
coiffure américaine cela fait à mon avis un drôle genre quoique
vous êtes libre de faire ce qu’il vous plait.
Encore 10 jours aujourd’hui à faire, encore un peu de patience.
J’espère pour la photo que vous l’aurez cette semaine. Oui
j’espère être démobilisé mais cela ne va pas bien vite à mon gré,
cela commence à me faire (suer) moi aussi.
Ma petite Jeanou adorée, je ne vois plus rein à vous dire
aussi recevez de celui qui vous aime ses plus doux baisers et
tendres caresses.
Votre Maurice.
Recevez ma Jeanou Chérie, vous que j’aime à la folie cette
médaille que vous garderez pour la vie.
Votre Maurice.
Mille baisers sur vos lèvres adorées.
Texte recopié sur un feuillet volant.
100
Je connais une blonde.
Je connais une blonde, chaque femme a quelque chose
Qui séduit notre coeur, c’est ses yeux, sa bouche rose
Son sourire vainqueur, moi, la femme que j’adore en secret
A pour moi, le plus troublant des attraits, c’est la couleur de ses
longs cheveux
Dont je suis amoureux.
Je connais une blonde, il n’en est qu’une au monde
Quand elle sourit, le paradis n’a rien d’aussi joli
Que les charmes de ma blonde, je n’aime qu’elle au monde
Ses yeux charmeurs, ensorceleurs, c’est tout mon bonheur
Vous croyez que j’exagère, une blonde pour vous
N’a rien d’extraordinaire, on en trouve partout
J vois un’brune qui tout bas se dit, si voulais, je serais blonde
aussi !
Non, Madame, en changeant de couleur
Vous n’auriez pas mon coeur !
Devant moi je vois des dames aux beaux yeux dorés
Acajou, couleur de flammes ou bien d’un blond cendré !
J’en vois quelques uns qui sont naturels
J’en vois beaucoup qui sont artificiels
Mais ceux de ma mie ont cependant
Un charme plus troublant
Je connais une blonde
Il n’en est qu’une au monde
Quand elle sourit
Le paradis n’a rien d’aussi joli
Que les charmes de ma blonde
Elle est unique au monde
Si j’en suis fou C’est qu’entre nous
Elle est blond’…partout !
101
Soldat Maurice Jubin Si 84 263 BPMG
Montereau le 23 septembre 1945
Ma petite Chérie.
Je vous écris un petit mot aujourd’hui dimanche. J’espère
mon petit trésor que vous êtes en bonne santé et que vous vous
êtes amusé aujourd’hui, sans doute êtes vous allez au cinéma
voir jouer nuit d’Andalousie et que ce film vous a plu, peut être
hier soir êtes vous allé au bal avec votre petite camarade aussi
j’espère pour vous petite chérie que vous vous êtes bien amusé.
Pour moi rien de changé pour l’instant, pour les jours que cela
soit dimanche les jours sont les mêmes. Aussi demain lundi je
vais aller à la visite médicale pour me faire si je peux
hospitaliser et avoir par la suite une convalescence en plus de
ma permission comme cela j’irai peut être vous voir plus vite.
Cela me fera deux permissions. Mais tout ça si je peux car il faut
bien se débrouiller aussi j’espère y arriver ma petite Chérie. J’ai
beaucoup pensé à vous aujourd’hui, je me doutais déjà en me
levant ce matin que je n’aurai pas de lettre, du reste je ne sais
pourquoi. Enfin cela vient sans doute du courrier aussi demain
lundi j’espère en avoir une et pour moi cela sera une belle
journée car je passe mon temps à relire vos lettres qui sont pour
moi une grande chose réconfortante et je ne me lasse pas de
relire vos belles pages d’amour, aussi je vous aime d’avantage.
Aujourd’hui il a fait un temps magnifique sauf vers la soirée. Il y
a un peu de vent enfin à part toutes ces choses je ne vois plus
rien à vous dire petite Jeanou Chérie aussi je vous quitte en vous
disant bon soir. Recevez de celui qui vous aime pour toujours ses
plus doux baisers et ses caresses câlines.
Votre Maurice. PS : Une petite chanson
Quand on est petit, on a nul soucis, toujours on chante on rit, on
ne devine pas l’ennui, les tracas qu’une maman a pour son gars
devenu grand, c’est alors qu’on comprend d’une mère le sublime
dévouement.
102
Octobre 1945
Soldat Jubin Maurice Hôpital militaire Montereau S & M
Montereau le 22 octobre 1945.
Ma tendre Chérie.
Aujourd’hui je voulais vous écrire moi-même mais je me
suis aperçu que mon écriture était celle d’un enfant de six ans,
aussi j’ai encore eu recours à un camarade qui lui peut écrire.
Ma tendre et bien aimée je vous remercie du gentil colis que vous
m’avez envoyé et qui m’a fait un immense plaisir et aussi toute
vos lettres jusqu’à la date du 19 10 45 qui elles aussi m’ont
procuré une grande joie. Je dois vous dire ma gentille Jeanou
que pour les cigarettes américaines il ne faut pas vous faire de
bile car je dois vous dire que mon camarade qui écrivait à ma
place est parti en convalescence, quel veinard !...
Ma Jeanou adorée j’aborde le sujet tout à fait médical, vous me
demandez le résultat de ma première radio et ainsi que ma
deuxième, peut être vous ai-je écrit. La première radio donne en
résultat, on voit très nettement dans la cavité gauche la
pleurésie, en plus on évalue à peu près à un litre et demi d’eau
dans les poumons ce qui pousse le coeur nettement vers le côté
droit. Pour la deuxième radio, je ne pourrai vous dire ce qu’il en
est, qu’une parcelle, toujours pleurésie dans la cavité poumon
gauche, coeur légèrement déplacé, revient vers son port
d’attache.
Ma douce bien aimée, je suis vos conseils qui me sont salutaires
et je fais de mon mieux pour guérir, pour pouvoir un jour vous
serrez bien tendrement dans mes bras, et que j’entendrais le doux
battement de votre petit coeur d’amour, contre le mien qui grâce à
son retour à sa bonne place, nos deux coeurs battront à l’unisson.
Ma douce Chérie je vous remercie encore une fois pour la photo
que vous m’avez envoyée, où sur cette photo vous êtes toujours à
103
votre avantage car vous êtes toujours jolie. J’ajouterai même le
mot, vous êtes ravissante. Vous ressemblez aussi à un vrai
bouquet de printemps.
Ma petite chérie, je ne vois plus grand-chose à vous dire
pour aujourd’hui, aussi j’arrête ici ma missive et je vous envoie
mes plus tendres baisers d’amour pour ma petite Jeanou que je
n’oublie pas et n’oublierait pas de ma vie.
Douces caresses.
Votre petit Maurice qui pense à vous et ne vous oublie pas.
PS : Je souhaite bien le bonjour à vos parents et les remercie de
grand coeur pour leur charmante hospitalité qu’ils m’offrent pour
ma convalescence. Merci.
Une petite chanson.
Texte recopié sur un feuillet volant.
Têtes blondes.
Quand on a vingt ans et qu’on se marie
On jure à chacun, cela c’est l’usage
Qu’avant bien longtemps pour notre patrie
On ne fera rien se croyant très sage
Mais un an après on presse en ses bras
Un joyeux bébé tout heureux de naître
Guettant déjà l’heure où il sourira
On est tout joyeux de le voir paraître
Têtes blondes, têtes chéries
Dans vos grands yeux sortant des choses
Que pour vous entourer de roses
On donnerait même sa vie
Têtes blondes, têtes chéries
Tant votre grâce est infinie
On s’était bien cru pour toujours unis
Et voilà qu’un jour pour un rien sans doute
On s’écrie soudain que tout est fini
104
Et qu’on va quitter la commune route
Mais sans peur des cris et des mots méchants
Voici que tout seul en cette tempête
Se place entre nous le petit enfant
Et notre rage brusquement s’arrête
Un soir on est vieux très vieux et bien las
Et dans le couchant qui déjà s’achève
Un astre soudain a brillé la bas
Un petit enfant beau comme un rêve
Et les cheveux d’or et les cheveux blancs
Mêlant un instant leurs boucles soyeuses
Font au vieux déjà tout cassé tremblant
Des journées encore doucement heureuses.
105
Soldat Jubin Maurice Hôpital militaire Montereau S & M
Montereau le 25 octobre 1945.
Ma douce bien aimée,
Je vous réponds aujourd’hui moi-même pour la reprise de
votre courrier à tout les deux. Aussi excusez l’écriture, je ne sais
ce qui se passe dans le courrier car je vous ai écrit il y a trois ou
quatre jours. J’espère que vous avez reçu à l’heure actuelle de
mes nouvelles. Je comprends ma Jeanou adorée que d’être sans
nouvelles 8 jours cela puisse vous semblez bizarre. Mais je dois
vous rassurer car je vous aime toujours autant si ce n’est plus
car je pense toujours à vous souvent. Je dois vous dire que j’ai
reçu votre télégramme qui m’est arrivé hier soir le 24 à 7 h et la
lettre du 22.
Pour la question du garçon d’honneur je pense pouvoir être près
de vous ma Chérie pour ce beau jour mais pour vous répondre
affirmativement je ne le puis. Je dois vous dire ma tendre Jeanou
que je dois encore passer aujourd’hui à la radio. Dès que j’aurai
le résultat je vous le communiquerai.
Aujourd’hui ce n’est plus le beau temps que l’on avait il y a
quelques jours, enfin cela veut dire que l’hiver approche aussi
quand je vais sortir il va falloir que je fasse bien attention à ma
santé.
Ma bien aimée j’espère que pour vous et vos parents tout va bien,
pour moi je n’ai qu’une halte, c’est sortir de cet hôpital pour
aller près de ma douce chérie et lui prouver que mon amour pour
elle est sincère. J’espère douce Jeanou que vous me croyez.
Ma douce et tendre Jeanou je ne vois plus grand chose à vous
dire pour aujourd’hui aussi je vous quitte en vous envoyant mes
plus doux baisers et tendres caresse d’amour.
Vôtre Maurice.
Qui vous aime pour toujours.
106
Parlez moi d’amour, Redites moi des choses tendres, Votre beau
discours, Mon coeur n’est pas las de l’entendre, Pourvu que
toujours, Vous répétiez ces mots suprêmes, Je vous aime.
PS : bien le bonjour à vos parents.
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Soldat Jubin Maurice Hôpital militaire Montereau S & M
Montereau le 30 octobre 1945.
Ma douce bien Aimée,
J’ai aujourd’hui reçu votre charmante lettre qui m’a fait
une grande joie et en plus certains passages ont fait battre mon
coeur plus fort surtout qu’en ce moment j’ai le moral qui n’set pas
très brillant. Mais dès que j’ai reçu votre missive la journée m’a
paru moins sombre et de plus vous m’avez douce Chérie encore
envoyé deux photos qui m’ont fait comme vous le pensiez un
grand plaisir aussi je ne me lasse pas de les regarder toute la
journée et tendre Jeanou je vous trouve très jolie. Mais moi,
pauvre en beauté je me demande ce que sera votre réaction le
jour de la première rencontre aussi j’ai bien peur à l’avance que
je vous déplaise, même si cela devait se produire, je vous
aimerais quand même car mon amour pour vous est déjà bien
profond car j’ai bien changé. Je suis bien maigre et mon teint est
bien pâle aussi c’est pour cette chose que j’ai hâte de faire vôtre
connaissance douce Aimée pour voir ci cette fois j’aurais pour la
première fois de la chance. Ma Jeanou Chérie toutes vos lettres
je les garde précieusement et souvent je les relis pour garder un
peu d’espoir. Et puis j’ai vôtre petite médaille qui elle j’espère
me portera bonheur.
Ma Jeanou bien Aimée je vais arrêter ici mon bavardage en vous
donnant rendez-vous demain. Veuillez recevoir mes plus doux
baisers et tendres caresses de vôtre petit
J’ai trouvé un petit poème,
Maurice qui vous adore à la folie et pour la vie.
Quand nous étions petits nous avons fait des songes. Adorables
mensonges depuis longtemps partis, dans la blancheur du lit où
descendaient les anges. Des musiques étranges nous
endormaient la nuit mais le plus joli rêve c’est le rêve d’amour
que l’on fait sur la grève à l’heure où meurt le jour, une voix
enivrante monte du flot berceur et s’unit cares
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Novembre 1945
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Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 1 novembre 1945.
Ma douce aimée,
J’ai aujourd’hui une du vos lettre du 20, elle a été par
hasard dans ma compagnie ou je n’ai pas pu vous répondre au
sujet de la marraine. Je vous dirais que maintenant je ne peux
correspondre avec lui car je ne connais pas le pays où est son
unité.
J’espère mon tendre amour que demain je recevrais une lettre de
ma Bien Aimée Douce et Tendre Jeanou. Je vous dirais que je
suis toujours au lit et l’on m’a dit qu’il faudrait que j’y reste
encore trois semaines pour que je puisse sortir et Jeanou Chérie
je serais près de vous. Vivement ce jour heureux. En effet
l’assassinat du Père Noël est un très beau film, cela a dû vous
plaire surtout Raymond Rouleau car il joue très bien, il m’est
très sympathique. Dans le film il y a aussi Harry Baur, Robert le
Vigan, Fernand Ledoux et Renée Faure, c’est une comédie
policière abracadabrante et pour ma part je l’ai beaucoup aimé
aussi j’aime beaucoup le cinéma.
Aujourd’hui il a fait douce Jeanou une très belle journée.
J’espère aussi qu’il fait beau à Limeray.
Ma Tendre Chérie je vous quitte pour aujourd’hui et je vous
envoie mes plus doux baisers d’amour et tendres caresses.
Vôtre Maurice pour toujours.
Mille baisers, Maurice.
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Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 2 novembre 1945.
Ma Jeanou Chérie.
Je vous écris aujourd’hui un petit mot qui j’espère vous
fera plaisir. Je n’ai rien reçu aujourd’hui mais je ne désespère
pas et j’espère avoir demain une de vos douces missives. J’ai
aujourd’hui reçu la visite de ma soeur Arlette et de mon beaufrère
Marcel, aussi s’ils n’ont pas rendu visite à un mort, ils ont
rendu visite à un malade. Du reste ma Douce et Charmante soeur
voulait me donner deux pots de chrysanthème. Cette Chère Soeur
avait pensé que ce cadeau m’aurait fait un immense plaisir, elle a
toujours des drôles de pensées, mon beau-frère aussi, pour une
fois elle s’est trompée, je lui ai dit que ces chrysanthèmes
feraient plus plaisir à un camarade moins chanceux que moi, que
moi je préfèrerais un livre mais j’arrête ici cette plaisanterie et je
ne me lasserais jamais de vous dire que mon plus beau cadeau
serait d’être près de ma tendre Chérie.
J’espère Jeanou Chérie que vous allez bien, pour moi rien n’est
changé, je stationne.
Je vous quitte chère Jeanou adorée en vous envoyant mes plus
fidèles tendresses et doux baisers d’amour.
Votre Maurice
PS : Je souhaite le bonjour à vos parents.
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Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 3 novembre 1945.
Ma Jeanou très Chéri.
J’ai reçu aujourd’hui 3 lettres de vôtre personne qui m’ont
toutes rempli le coeur de bonheur et de joie. Voyez ma Douce
Chérie que je ne vous oublie pas, bien au contraire je pense sans
cesse à vous que j’aime. Pour la lettre du 20 je vous ai répondu,
elle avait pas mal de retard. Vous me dites petite et douce Chérie
que vous avez abandonné votre rôle que vous aviez dans la pièce
car vous n’avez pas le temps de répéter vôtre rôle. Je vous dirais
que pour moi j’ai aimé faire du théâtre amateur, je puis vous dire
que cela me plaisait beaucoup. Pour le trac cela m’est arrivé que
très rarement , seulement à mes débuts mais après c’est fini,
surtout si vous avez le feu sacré et sur scène je puis dire qu’il
faut être très naturel et se mettre dans le rôle de son personnage,
pour moi c’était ma vie, maintenant c’est fini, aussi j’en prends
mon parti car maintenant ma vie c’est vous que j’aime de toutes
mes forces. Ma Jeanou bien aimé pour ma santé cela ne change
pas, toujours au lit. J’espère que pour vous tout va bien, sur ce
mon amour je vous quitte pour aujourd’hui en vous envoyant mes
plus doux baisers et tendres caresses d’amour.
Vôtre Maurice. Mille baisers
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Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 7 novembre 1945.
Ma douce Chérie.
Je viens bavarder un peu avec vous, j’espère tout d’abord
Chérie que vous allez bien ainsi que vos parents. Pour moi je me
suis levé pour la première fois aujourd’hui, mais pas très
longtemps, tout juste une demi heure. Mais il faut que je fasse
attention car il fait plutôt humide et froid. Je dois vous dire
Jeanou adoré que je suis depuis deux jours sans nouvelles aussi
je suis bien triste car j’ai toujours peur qu’il vous arrive quelque
chose, aussi j’espère que demain je vais recevoir une lettre qui
me réconfortera. Mais je ne cesse de me répéter vivement le jour
que l’on fasse connaissance, cela je crois sera le plus beau jour
de nôtre vie à tout deux. Je crois douce aimé que vous êtes de
mon avis. Je ne vois plus rien à vous dire pour aujourd’hui et je
vous quitte en vous envoyant mes plus doux baisers et tendres
caresses de vôtre Maurice. Que je t’aime ma Jeanou, mille
baisers.
Ma douce et Tendre Jeannou je vous envoie mes plus doux
baisers d'amour.
Votre Maurice.
Texte recopié sur un feuillet volant.
Regardez-les donc dans la rue
Les p’tit’s femm’s aux jolis minois
Un rien leur donne la berlue
Et les met tout en désarroi.
Ell’s font des yeux en port’ cochère
D’vant les étalag’s de chapeaux,
Les linons, les dentell’s légères
Leur font fair’ des rêves rigolos
119
Soldat Maurice Jubin Hôpital militaire Montereau S & M
Montereau le 9 novembre 1945.
Ma Jeannou adorée,
Je viens douce Chérie de recevoir votre lettre du 6
novembre qui comme toutes vos missives me font un très grand
plaisir. Je dois vous dire tout d'abord que je serais très
certainement pour la nouvelle année près de vous car depuis hier
je me lève une fois par jour en allant par la ruette en marchant
progressivement, aussi aujourd'hui je vais demander à
l'infirmière en chef de marcher plus longtemps, elle m'a dit que
pour la Noël je serais chez nous, aussi je suis très content et je
nage dans le bonheur. Je dois encore passer deux radios, une
dans huit jours, l'autre avant de partir. Je reprends un peu du
poil de la bête comme l'on dit. Mon camarade de Tours est parti
en convalescence, aussi je lui ai donné une lettre pour mettre à
Tours pour qu'elle vous parvienne le plus vite possible, elle est
datée du 7 ou 8 novembre. Vous serez bien gentille douce aimée
si vous l'avez reçu. Je suis bien content Jeannou Chérie que vous
vous soyez bien amusée au bal. Je crois que vous avez dû être un
peu fatiguée de rester si tard, mais ce n'est pas tous les jours la
fête, aussi il faut en profiter et vous avez bien raison car ce n'est
pas une raison parce que je suis au lit qu'il ne faut pas vous
divertir, surtout à 19 ans. Quoique pour moi jusqu'ici je ne me
suis guère amusé; enfin cela viendra et j'espère que près de vous
j'oublierai mes mauvais souvenirs.
Je dois vous dire que j'aime beaucoup sortir et vous aussi sans
doute. Cela ne me fait rien que vous ayez dansé toujours avec le
même jeune homme puisque Chérie, j'ai confiance en vous. Mais
justement je dois vous dire, c'est une question de franchise, que
tout d'abord en lisant le passage du bal, cela m'a fait quand
même quelque chose au coeur, mais en suite je me suis résonner
et j'ai trouvé cette chose très normale, et si j'ai eu un moment une
pointe de jalousie c'est uniquement parce que je vous aime et
120
vous adore de toute mon âme. Aussi Ma Jeannou Chérie, j'espère
que vous n'allez pas m'en vouloir, aussi je vous demande pardon
de ce geste de jalousie.
Ma douce et Tendre Jeannou je vous envoie mes plus doux
baisers d'amour et tendres caresses, car toi seule possède mon
coeur.
Votre Maurice.
121
Soldat Maurice Jubin Hôpital militaire Montereau S & M
Montereau le 12 novembre 1945.
Ma Jeanou très Chérie,
J'écris aujourd'hui car je dois vous dire douce Chérie, que
j'ai un cafard terrible, même moi, à qui le moral n'a jamais fait
défaut. Aujourd'hui je ne peux plus rester à garder le lit, je
m'ennuie. Depuis bien longtemps j'ai une chose pour vous, c'est
une chose qui me tient à coeur et je dois dire que c'est la seule
que vous ne pouvez pas faire pour moi, certainement que vos
parents ne vous laisseraient sans doute pas faire et cependant,
c'est une chose que vous même, désirez. Jeannou Chérie, vous
m'avez dit que vous ne pouviez pas venir me voir à l'hôpital,
quelle tristesse. Aujourd'hui je vois poindre, et de très loin le
mois de Janvier. Mais si vous ne pouvez venir, Chérie, je
comprendrai, cela vient très certainement de vos parents et je les
comprends. Laisser leur fille aller seule à Montereau. Enfin
j'espère, malgré qu'aujourd'hui j'ai peu d'espoir, je vous adore
Ma Douce Jeannou. Mettez-vous à ma place, peut être éprouvezvous
comme moi que le temps est long, aussi j'ai parfois envie de
pleurer et pour un homme c'est dur. Cela semblerait drôle à
beaucoup de personnes, mais pour vous c'est une chose qui ne
s'explique pas et je vous aime de tout mon coeur et mon être, et
vous sentir loin de moi, cela me fait de la peine. J'ai
constamment Ma Jeannou Chérie votre photo sous les yeux, elle
est pour moi d'un grand réconfort.
Ma Tendre Jeannou je vous quitte pour ce soir en vous envoyant
mes plus affectueux et doux baisers d'amour. Tendres caresses.
Quand pourrai-je baiser votre doux visage. Milles baisers.
Votre Maurice.
122
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 15 novembre 1945.
Ma Jeanou Bien Aimée,
Je viens à l’instant de recevoir vôtre lettre du 11 qui m’a
fait comme toujours grand plaisir. Aujourd’hui je change de
papier, le bleu étant fini, j’espère que cette couleur vous plaira.
Aujourd’hui il fait un temps magnifique. Ma Douce Chérie je
dois vous dire que j’ai confiance en vous et que je ne perds pas
espoir. Mais je suis comme vous j’ai hâte de faire vôtre
connaissance et de vous presser contre ma poitrine et de sentir
vôtre joue contre ma joue et de sentir enfin le doux parfum qui
émane de vôtre être. Excusez moi aujourd’hui je me suis
abandonné à vous ces choses qui pourtant sont les mots d’amour
que seuls les amoureux se disent. Je n’ose dire tout se que je
ressens car à une jeune fille c’est plutôt délicat surtout que l’on
ne s’est jamais vu. Mais cela ma bien Aimée ne saurait tarder
maintenant et j’espère le que le temps passera très vite. Ma
Jeanou je vais vous demander et je m’en excuse à l’avance si
quelques fois vous pourriez m’envoyer quelques livres pour
chasser les heures sombres, aussi douce aimée Jeanou je
m’excuse encore une fois de vous demander cela. J’ai toujours
les autres livres que vous m’avez envoyés en prison. Je vous les
rapporterais moi-même. Mon camarade Popoul qui faisait mes
lettres quand j’étais dans l’impossibilité de vous écrire moimême
est revenu de sa convalescence et il est à nouveau malade,
vraiment il n’a pas de chance car à la veille d’être démobilisé,
enfin.
Le bonjour de sa part.
Ma Tendre Aimée je vous quitte pour aujourd’hui et
recevez mes plus doux baisers de celui qui vous aime à la folie et
pour toujours.
Vôtre Maurice.
Mille caresses
123
124
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 16 novembre 1945.
Petite Jeanou Bien Aimée,
Je viens de recevoir votre lettre du 13 qui m’a fait grand
plaisir de savoir que vous avez eu de mes nouvelles et que vous
êtes joyeuse, j’en suis très content pour vous, vous qui êtes pour
moi la jeune fille que j’aime de toutes mes forces et de tout mon
être.
Vous voulez savoir quelle est la surprise, mais je crois que si je
vous l’a dit cette surprise, cette surprise n’en sera plus une,
mais j’espère que le modeste cadeau que je vous ferais vous fera
plaisir.
Je m’excuse du papier qui est sale mais je suis au bout et c’est la
dernière feuille de papier que j’ai. Je vois que j’oublie par
moment des phrases et des mots dans mes lettres, en effet j’ai la
mauvaise habitude de ne jamais me relire aussi je m’en excuse
auprès de vous. Si je relis la lettre je l’a recommence la lettre et
je dis les choses autrement. Ma Douce Aimée je ne veux pas être
un rabajoi. Ma petite Chérie j’espère que tout va bien pour vous
ainsi que vos Parents. Pour moi tout va bien.
Le temps à Montereau est toujours le même temps nuageux, enfin
j’aime mieux ça que le brouillard. Demain dimanche je vais
certainement aller au cinéma voir jouer le Bal des passants avec
Jacques Dumesnil et Annie Ducaux ou bien Ignace avec
Fernandel. Je me déciderais demain.
Ma petite Jeanou chérie je vous quitte pour aujourd’hui, et vous
dis à lundi car demain dimanche il n’y a pas de courrier.
Bons gros baisers d’amour et tendres caresses.
Vôtre Maurice.
125
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 17 novembre 1945.
Ma Petite Jeanou Bien Aimée,
J’ai reçu aujourd’hui vôtre douce missive du 12, je vois
que en effet ma Chérie que vous avez dû être fatigué un peu, car
après la fête, le travail. Mais j’espère malgré tout que vous
n’avez pas que dansé, que vous sous êtes amusé quand même.
J’espère Jeanou adoré que ce n’est pas parce que je vous ai dis
que cela m’a fait de la peine que vous avez toujours dansé avec
le même jeune homme, bien sûr cela m’a fait quelque chose au
coeur aussi à l’avenir douce et tendre quand vous irez au bal ne
me dites rien comme ça je n’aurai pas de paroles jalouses. C’est
un défaut mais ma Chérie on est jaloux de ce que l’on aime, car
vous sentir dans les bras d’un autre malgré que le jeune homme
soit correct cela me donne le cafard car pour moi vous avoir
dans mes bras serait un immense Bonheur. J’espère Douce
Chérie que vous êtes de mon avis. Aujourd’hui je suis encore
passé à la radio, les taches du poumon s’en vont et cela va
beaucoup mieux. Je serais aussi très heureux de fêter avec vous
le jour de l’an et votre anniversaire. Je vais recommencer à me
lever samedi car il parait qu’ils vont chauffer, ce n’est pas trop
tôt car il fait un froid terrible, aussi au lit j’ai bien chaud et toute
la journée je rêve de vous, à nos projets Ma Bien Aimée. Je
voudrais bien savoir s’il y a une gare à votre pays ou bien des
autocars.
Douce Jeanou je vous quitte pour aujourd’hui en baisant vôtre
visage de mes plus doux baisers.
Vôtre Maurice pour la vie, mille caresses.
Je t’aime ma Jeanou Chérie. Maurice
126
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 19 novembre 1945.
Ma Chère Petite Jeanou.
Je viens de recevoir à l’instant vôtre courrier du 15 et du
16. Je suis très heureux aujourd’hui car en plus j’ai eu la visite
de ma maman et celle de ma marraine de Baptême aussi pour
moi c’est une belle journée et en plus il fait un temps superbe.
(P.S un renseignement un peu curieux, est-ce que vos parents
voient vôtre courrier ?). Je me suis bien douté douce Chérie que
vous ne pouviez pas venir me voir, c’est que vos parents vous en
empêche et je dois dire qu’en me mettant de leur côté ils ont
parfaitement raison. Mais pour moi c’est complètement différent,
enfin comme vous ne pouvez pas, n’en parlons plus. Je suis moi
aussi très content que le filleul plaise à vôtre petite amie, presque
vôtre soeur, voyez que j’ai su choisir. Mon cher petit amour vous
me dites de vous pardonner au sujet des lettres que vous n’avez
pas écrites la semaine dernière. Je dois dire que vous n’avez pas
besoin de pardon car si vous ne m’écrivez pas c’est que vous ne
le pouvez pas, alors pourquoi vous pardonner. Ma Jeanou adorée
je vous envoie cette photo où je suis en tenue sport, je crois même
que j’ai un air un peu méchant aussi ne vous effrayez pas, sur
cette photo j’ai 19 et tous mes cheveux. J’ai coupé cette photo
car elle était un peu brulée, du reste dans le haut c’est jauni
aussi, je l’ai coupé pour juste avoir le haut. Comme sport j’ai fait
un peu de boxe, du football, de la course à pied du handball et
enfin du saut en hauteur, je me débrouillais mais maintenant je
crois que tout ça c’est fini.
Ma Jeanou très Chérie recevez de celui qui vous aime les
plus tendres baisers, sur vos lèvres Chérie, elles aussi.
Vôtre Maurice.
127
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 22 novembre 1945.
Ma douce Bien Aimée,
J’ai reçu aujourd’hui vôtre gentille lettre ainsi que vôtre
mandat qui m’a fait bien plaisir, vraiment ma Jeanou Chérie
vous ma gâtez de trop. Je vois ma bien aimée Jeanou que vous
n’avez pas de chance pour le théâtre, mais j’espère que vous
vous êtes bien amusé quand même avec vôtre petite amie et je
vous donne pour vôtre camarade l’adresse de mon camarade.
Monsieur Jean Gelis, 13 bd Chant alouette, St Etienne, Loire.
J’espère qu’elle a reçu une lettre de mon camarade. Ma Chérie
excusez moi si je ne vous ai pas trop écrit hier mais j’étais un peu
fatigué aussi je vous demande pardon. Car pour moi vous écrire
tous les jours est mon devoir et en plus j’ajouterais que cela
m’est bien doux car je vous aime bien tendrement. Vivement que
je vous prouve cet amour auquel nous attendons beaucoup. Et
j’aimerai aussi à vous dire que de vive voix, ce sont des choses
qui on rapport au futur. Et peut être que vous aussi pensez à ces
choses très sérieuses car pour aller au devant de la vie il faut
partir d’un bon pied. J’espère que vous êtes de mon avis chérie.
J’ai un camarade civil qui vient me voir et qui m’a demandé si
vous pouviez envoyer une carte écrite du château d’Amboise.
Merci car c’est un admirateur de cette vue qui lui a bien plu.
Cette carte est avec vôtre photo comme cela j’ai vôtre visage et
vôtre belle Touraine.
Ma Jeanou adorée je vous quitte pour ce soir, mes plus
doux baisers sur vos lèvres chérie et de douces caresses.
Vôtre Maurice.
PS : Le bonjour à vos parents.
128
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 24 novembre 1945.
Ma Jeanou adoré,
J’ai reçu hier vôtre lettre du 19. Je vous remercie tout
d’abord pour les livres que vous allez m’envoyer, cela me
passera le temps car le mois de janvier n’arrive pas vite. Je vois
que pour la question du bal je vous ai froissé et aussi fait
beaucoup de peine car vous croyez que je n’ai pas confiance en
vous, je vous répondrais Ma Chérie, j’ai confiance en vous et je
ne vous ai pas dit de ne pas aller au bal. Je ne me serais pas
permis de vous dire cela et vous êtes libre d’aller où vous voulez
et en plus de faire comme il vous plait. Je vous comprends qu’à
vôtre âge, bientôt 20 ans, il faut que vous vous amusiez et surtout
en profiter car ce n’est pas quand on est marié qu’il faut penser
à toujours s’amuser et sortir, quoique ce n’est pas n’on plus une
raison pour rester toujours enfermé chez soi. Mais en étant une
jeune fille on est je crois un peu plus libre. Aussi Jeanou Chérie
si je vous ai écrit que cela m’a fait de la peine, ce n’est pas une
raison de toujours regarder vôtre petite amie danser et vous
m’avez écrit cette phrase et je vous demanderais de bien vouloir
l’éclaircir « aussi ces relations avec ce camarade je les ai
rompues car cela aurait peut être pris des proportions trop
importantes et sans doute n’aurai-je pu assumer ces relations
sans faire de peine à une personne ».
Mettez vous à ma place, cette phrase m’a paru bizarre, vous allez
dire que je suis bien embêtant avec toutes ces histoires aussi je
vous serais très reconnaissant de bien vouloir répondre à cette
question : pourquoi cela aurait pris des proportions ? Si je vous
demande toutes ces choses c’est que pour moi aussi vous êtes
tout. Aussi si un jour je recevais une lettre de rupture cela me
ferait bien des choses aussi bien au moral qu’au physique
Ma douce Jeanou Chérie aujourd’hui si je vous ai écrit toutes
ces choses c’est que j’ai un grand cafard et aussi le coeur bien
129
lourd. Je crois chérie que je suis assez franc avec vous et j’estime
que vous avez raison de demandez toutes ces choses mais je vous
prouve assez le grand amour que j’ai pour vous. J’espère ma
Jeanou adorée que vous êtes de mon avis. Aujourd’hui il fait
plutôt un sale temps et avec cela du brouillard. Ma maman vous
souhaite aussi bien le bonjour car elle m’a écrit hier. A l’instant
où je vous écris je reçois vôtre lettre du 21 qui vient d’arriver. Je
vois ma pauvre Chérie que vous aussi êtes dans le lit mais
j’espère que vous vous allez vite renvoyer ce rhume.
Je vois que le pays de Limeray fait bien les choses, il faut en
profiter, cela ne dure pas toujours. Pour moi la santé va toujours
malgré que moi aussi j’ai le cafard, enfin ma Jeanou Chérie je
vous envoie encore un petit mot demain pour bien répondre à
vôtre lettre du 21.
Je vous quitte douce Chérie en vous envoyant mes plus tendres
baisers sur vos lèvres Chérie et douces caresses.
Vôtre Maurice.
Qui vous aime pour la vie et fait confiance à l’avenir car
jusqu’ici je n’ai jamais eu de chance et mon bonheur et ma vie
Jeanou Chérie sont entre vos mains.
PS : Je souhaite le bonjour à vos parents et avec mes meilleures
amitiés ainsi qu’à vôtre petite amie. Une petite chanson pour ma
Jeanou que j’aime pour la vie de tout mon être.
Chaque femme a quelque chose qui séduit nôtre coeur, c’est ses
yeux, sa bouche rose, son sourire vainqueur; Moi la femme que
j’adore en secret a pour moi le plus troublant des attraits, c’est
la couleur de ses cheveux, dont je suis amoureux, je connais une
blonde, il n’en ai qu’une au monde, quand elle sourit le Paradis
n’a rien d’aussi joli que les charmes de ma blonde, je n’aime
qu’elle au monde, ses yeux charmeurs, ensorceleurs, c’est tout
mon bonheur.
Vôtre Maurice.
130
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 25 novembre 1945.
Ma Jeanou bien aimée.
Je viens ce soir de recevoir les livres que je vous avais demandé,
je m’excuse encore pour la liberté que j’ai pris pour vous
demander cette chose et je vous en remercie de me les avoir
envoyé. Je vous disais douce Chérie que j’en ai déjà lu, mais je
serais très content de les relire. C’est surtout le livre sur un brise
glace Soviétique qui est très bien, vient ensuite Le rouge et le
noir qui du reste se joue au théâtre à Paris. J’espère que vôtre
petite maladie est terminée et que vous allez pouvoir ma Chérie
sortir le dimanche, de tout coeur je vous le souhaite. Aujourd’hui
je suis resté toute la journée à marcher et ce soir j’ai 38-1, mais
heureusement que ma fièvre se dissipe très vite, cela fait que ce
soir où je vous écris ces mots je suis très bien et demain je me
lèverais mais je ferais très attention. En ce moment le courrier
marche très bien et en plus j’ai des lettres tous les jours et avoir
de vos nouvelles est ma plus grande joie et bonheur. En attendant
que l’on fasse connaissance Ma Jeanou je vous quitte pour ce
soir et je vous dis à demain.
Mille baisers sur vos lèvres Chérie et adoré. A vivement le jour
où je vous tiendrais dans mes bras.
Vôtre Maurice.
PS : amitiés à vôtre amie de ma part.
Douces caresses, Maurice pour la vie.
J’espère avoir une autre photo de moi quand j’irais vous voir au
mois de janvier.
131
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 26 novembre 1945.
Ma Jeanou Chérie.
J’ai reçu vôtre lettre du 22 où vous me dites que vous êtes
sans nouvelles depuis quatre jours, cela vient du courrier car je
vous écris tous les jours. Je vous remercie pour le mandat qui
m’a fait grand plaisir. Je vous rassure tout de suite mon état de
santé est très bien puisqu’hier je suis sorti en ville faire une
petite promenade de 2 h et je me sens très bien. Le temps n’est
pas trop froid malgré qu’il n’y a pas eu de soleil car il faut que je
sorte maintenant pour aller vous voir le 1er janvier, pour être près
de vous ma tendre et affectueuse Chérie. Je vois que vous êtes de
nouveau à vôtre travail mais surtout faites très attention et il ne
faut pas trop vous fatiguer pour être très bien quand j’irais voir
ma petite Jeanou adoré. Je vois ma Chérie que vôtre amie elle
aussi n’a pas reçu de nouvelles. J’espère que maintenant elle en
a. Je vous comprends quand on n’est sans nouvelles cela donne
le cafard, aussi Ma Douce Chérie je ne vous oublie pas, moi qui
vous adore de tout mon coeur et de toute mon âme j’ai hâte de
vous tenir enfin dans mes bras, comme un coquelicot au mois de
mai et vous dire les plus belles choses et paroles d’amour que
vous attendez aussi comme moi avec impatience. Ma douce et
adoré Jeanou je vous quitte pour aujourd’hui, je vous envoie mes
plus doux baisers d’amour et tendres caresses.
Vôtre Maurice,
Pour la vie
A demain.
132
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 3.12.1945
Ma petite Chérie que j’adore.
Je fais réponse à vôtre lettre du 30 qui m’a trouvé en bonne santé
« si on peut appeler mon état en bonne santé enfin ».Je vous
remercie pour la gentille et charmante photo que vous m’avez
envoyé et qui m’a fait un immense plaisir car je ne me lasse
jamais de regarder, et souvent, vôtre joli visage et vôtre
charmante personne. Oui vous avez raison, il ne faut pas faire
trop de projets car il vous arriverait encore peut être des ennuis,
car nous n’avons pas beaucoup de chance je crois nous deux.
Enfin espérons quand même, et peut être la nouvelle année nous
apportera du bonheur et de la chance.
Ma petite Chérie j’espère que pour vous tout va bien ainsi que
pour vos parents. Vous souhaiterez bien le bonjour à vos parents
de Bayonne. Vous me dites que vos parents de Bayonne sont
gentils pour vous et vous aime beaucoup, comment ne pourrait-il
en être autrement. Pour moi rien ne compte sans vous, que j’aime
beaucoup. Grâce à vous je reprends goût à la vie car il m’est
arrivé à des moments où je me désespérais et je me demandais ce
que je venais faire sur la Terre. Vous me parlez dans une lettre de
ce que je voudrais pour mes étrennes et vous avez ajouté
« surtout ne vous gênez pas » je vous dirais que pour ces choses
là, c’est assez délicat, aussi vous m’offrirez quelque chose
lorsque je serais près de vous ma Jeanou. Ma douce et tendre
Chérie je ne vois plus grand-chose à vous dire à part hier je suis
allé au cinéma pour la première fois depuis cinq mois. J’ai vu
jouer les crimes Call of, c’était très bien, mais cela était des
vérités sur les crimes nazis, aussi cela est bien triste de penser
qu’il arrive des choses pareilles en nôtre époque.
Ma gentille Jeanou Chérie je vous embrasse sur vos lèvres
chéries et vous envoie mille caresses.
Vôtre Maurice. PS : mon coeur est à toi.
133
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau S & M
Montereau le 6.12.1945
Ma Jeanou Chérie.
Je fais réponse à vôtre lettre du 3 qui m’a fait grand
plaisir. J’espère ma douce Chérie que vous êtes en bonne santé
ainsi que vos parents. Pour moi tout va bien et je sors un peu
tous les jours car il faut que je prenne des forces pour aller vous
rendre visite le 1er. Aujourd’hui ma bien aimée il fait un temps
superbe aussi cet après midi je vais faire une petite promenade à
la campagne cela me fera du bien à mes poumons. Je m’excuse
encore mon amour si hier je ne vous ai pas écrit car j’étais chez
des amis. Ils m’avaient invité à manger alors je n’ai pu refuser.
Ma tendre Jeanou je vous annonce que je vais vous faire une
surprise. Je me tais car j’en ai déjà trop dit, j’espère que cela
vous plaira. Ma maman vous souhaite bien le bonjour et pour
moi mes meilleurs amitiés à vôtre petite amie. Jean n’est pas
gentil de ne pas écrire à sa Marraine, elle doit en avoir de la
peine. Je me demande ce qu’il fait car moi n’on plus je n’ai pas
encore reçu de carte de lui. Enfin c’est peut être pour la nouvelle
année. J’espère que dans vôtre pays il fait un temps superbe, le
soleil est en ce moment le bienvenu. Encore 25 jours à attendre
pour faire connaissance aussi je commence à être sur des
charbons ardents. Je brule de vous connaître enfin Jeanou chérie
vous que j’aime pour la vie. J’espère que vous ne serez pas
désillusionnée. Je vous quitte douce Chérie en vous embrassant
bien tendrement et je vous envoie mille caresses.
Vôtre Maurice.
Pour la vie qui vous aimera toujours. Mille baisers. Maurice.
134
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau Seine et Oise
Montereau le 7.12.1945
Ma Jeanou que j’aime,
Je fais réponse à vos deux lettres du 4 et du 5. Je vois que
vous êtes quelques fois sans nouvelles et cependant je vous écris
en moyenne tous les jours, aussi j’espère que maintenant vous
voila rassurée car vous savoir dans la peine me fait souffrir pour
vous que j’aime à la folie. Hier je vous ai dit ma Chérie que je
vous réservais une petite surprise aussi elle viendra mais je suis
obligé de vous dire d’attendre un peu, mettons vers le 22, c’est
tout je n’en dis pas plus long car j’en ai déjà trop dit. J’espère
ma Jeanou adoré que tout va bien pour vous ainsi que pour vos
parents. Pour moi la santé va toujours bien espérant qu’elle
durera jusqu’au 1er janvier. Oui douce et Tendre Chérie, je
prends des précautions et ne fais plus d’imprudences car je
songe à vous et cela m’incite à faire attention au froid surtout
que maintenant le froid se fait sentir aussi je veux être assez fort
pour aller vous avoir tout à moi et pour vous dire des choses que
je ne peux écrire. Je ne passerai pas encore la Noël chez nous
car si je veux vous voir il me faut au moins 15 jours alors si ma
permission part de Noël je ne pourrais pas aller au mariage avec
vous, aussi comme j’ai promis je tiendrai ma parole. Mais
remarquez que cela me va mieux car je passerais 15 jours près
de vous au lieu de huit. Je ne verrais certainement pas ma
maman pour Noël car je ne bougerais pas d’ici avant le 30 et
d’abord je ne crois pas qu’elle puisse partir de Reims à ce
moment là puisqu’elle gouverne une maison chez son patron
alors elle passera certainement Noël chez lui.
Je suis bien content pour vôtre petite amie, bonnes amitiés pour
elle.
Je vous quitte ma petite Jeanou très Chérie et vous envoie
mes plus doux baisers d’amour.
Vôtre Maurice, mille caresses.
135
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau Seine et Oise
Montereau le 10.12.1945.
Ma petite Jeanou Chérie.
Je viens de recevoir vôtre petite lettre d’amour qui m’a
fait grand plaisir et une grande joie. J’espère que pour vous tout
va aussi bien moralement que physiquement. Pour moi ma santé
va bien et le grand jour approche où je pourrais enfin vous tenir
dans mes bras en vous disant de doux mots d’amour et aussi des
caresses très tendres cela sera j’espère pour nous deux nôtre plus
belle joie sur la terre. A cet instant rien sur la terre et dans le
monde ne comptera pour nous, j’ai été très content pour vôtre
petite amie de savoir que les sentiments allaient changer, vôtre
amie doit être heureuse. Elle a connu elle aussi des jours bien
noirs aussi je pense que maintenant elle sera heureuse comme
vous, car malgré que l’on ne se connait pas nous nous aimons
d’un amour puissant (à mon avis) et qui durera il faut l’espérer
en tout cas moi je ne ferais rien pour détruire ce sentiment que
j’ai pour vous car j’espère faire de vous ma femme bien Chérie,
espérons que ce rêve se réalisera. Je vous avais dit que j’irai
chez des amis manger et passer chez eux ma demi-journée.
Je dois vous dire qu’ils ont été très gentils pour moi et j’ai passé
une bonne après midi. Hier j’ai été au cinéma voir jouer un film
sur la traite des blanches, cela était très bien, mais c’est un peu
triste que cela arrive de nos jours, enfin comme l’on dit c’est la
vie, une triste vie en vérité ;
Ma petite Jeanou adoré je vous quitte pour aujourd’hui en
vous disant à demain, mille caresses et doux baisers sur vos
lèvres Chérie.
Vôtre Maurice
(Texte rajouté en biais sur la quatrième page).
PS : Bien le bonjour à vos parents et bonnes amitiés à vôtre
petite amie, je lui souhaite que cela dure, car souvent la vie vous
136
réserve des déceptions souvent amères.
(Texte rajouté sur le bas de la quatrième page).
Vous que j’aime pour la vie recevez de celui qui vous aime ses
plus affectueux baisers. Vôtre Maurice.
PS : vive le jour où je pourrais respirer le doux parfum qui
émane de vôtre charmante personne. Maurice.
Une petite chanson.
Texte recopié sur un feuillet volant.
Pour résoudre le problème
Du bonheur capricieux,
Vers quel horizon tournes-tu tes yeux,
Homme dont l’amour est l’acte suprême ?
Vers l’horizon de volupté
Le bonheur est dans la beauté !
Pour découvrir le mystère
Du bonheur et des lois,
De vers quel écho lances-tu ta voix
Penseur dont le rêve est la règle austère ?
Vers l’écho de la sincérité
Le bonheur est dans la vérité !
Pour sonder l’énigme obscure
De l’intangible bonheur,
Vers quel chemin clair mènes-tu ton coeur,
Prophète sacré de la foi future ?
Vers la route de charité
Le bonheur est dans la bonté !
137
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau Seine et Oise
Montereau le 11.12.1945
Ma Jeanou bien aimée.
Je vous écris Ma Chérie de retour à l’hôpital car je viens
de manger chez des amis, j’ai du reste très bien mangé. J’espère
ma petite Chérie que tout va bien pour vous, aujourd’hui je n’ai
pas reçu de lettre mais j’espère avoir des nouvelles demain. Pour
moi tout va bien, à part le temps qui n’est pas beau en plus il fait
du brouillard et il y a du verglas sur le sol. J’ai reçu aujourd’hui
un petit colis d’une des amis de ma maman, cela m’a fait plaisir
et aussi une petite lettre. Aujourd’hui ma douce petite Jeanou je
n’ai pas grand-chose à vous raconter à part que mon amour
pour vous est toujours aussi vivace dans mon coeur, et je souhaite
vivement le 1er Janvier pour être près de vous et vous dire
certaines choses que je ne peux écrire et qui pourtant ont leur
utilité, cela veut dire que je songe à l’avenir, peut être vous aussi,
c’est pourquoi pour ces choses il faut ce les dire de vive voix,
j’espère tendre aimée que vous êtes de mon avis. Mon camarade
Poupoul est parti une deuxième fois en convalescence chez ses
parents qui sont en Allemagne car son père est officier interprète,
aussi il est très content de revoir ses parents. J’espère que vôtre
petite amie a des nouvelles, mes amitiés pour elle.
Ma Jeanou très Chérie je vous quitte en vous envoyant
mes plus tendres baisers et mes plus douces caresses.
Vôtre Maurice.
PS : Mes amitiés à vos parents.
(Texte rajouté perpendiculairement sur deux lignes sur le côté
gauche de la dernière page).
Mille baisers d’amour pour celle que j’aime.
138
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau Seine et Oise
Montereau le 13.12.1945.
Ma petite Chérie.
Un petit mot aujourd’hui pour vous faire savoir que tout
va bien car j’ai passé la radio hier dans un hôpital de
Fontainebleau, aussi je m’excuse si je n’ai pas pu vous écrire
hier car je suis parti toute la journée, aussi aujourd’hui je répare
pour hier. Je dois vous dire que tout va bien et que mes poumons
vont beaucoup mieux, aussi je suis très heureux car je vais être
près de vous ma petite Jeanou que j’aime beaucoup. J’espère ma
Douce et Tendre Chérie que tout va bien pour vous ainsi que
pour vos parents, mes amitiés pour eux. J’espère aussi que vôtre
petite amie est très heureuse. Bonjour pour elle. Ma Maman vous
souhaite bien le bonjour, elle me demande si je vais pouvoir
passer la Noël avec elle. Mais je dois vous dire que si je demande
une permission pour Noël je ne pourrais pas aller vous voir mais
aujourd’hui je dois vous dire que j’ai hâte d’aller vous voir ma
Petite Chérie, aussi j’ai décidé, je ne passerais pas la Noël avec
Ma Maman car j’estime depuis que l’on doit faire connaissance.
Il serait bien dommage que je puisse aller vous voir aussi je
pense à vous. Vous serez la première que j’irais voir, surtout que
mon amour pour vous va grandissant, et je vous aime de toute
mon âme. Je voudrais bien vous écrire des choses sur cette lettre
mais je ne trouve pas les mots, aussi comme c’est des choses
pour nous deux, surtout pour vous, je préfère les garder pour
vous les dire quand je vous serrerais dans mes bras aussi se sont
des mots qu’on met pas sur une lettre car c’est trop personnel
aussi je préfère les dire de vive voix.
Ma douce Jeanou je vous quitte pour aujourd’hui en vous
embrassant de tout coeur et bien tendrement.
Mille caresses. Vôtre Maurice pour la Vie.
139
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau Seine et Oise
Montereau le 17.12.1945
Ma petite Chérie que j’aime de toute mon âme.
Je viens à l’instant de recevoir vos cartes qui sont très
bien et qui m’on fait grand plaisir, et aussi une charmante petite
lettre, aussi aujourd’hui je vais répondre à certaines de vos
questions, et que vous la première vous ne devez pas ignorer.
Vous me demandez si c’est une permission ou une convalescence,
je vous dirais qu’aujourd’hui il y a un général qui vient pour la
visite à l’hôpital, aussi je lui demanderai au médecin chef ce que
dirait le général pour mon cas, aussi il m’a répondu que très
certainement il me dirait de partir de l’hôpital et ensuite rester
quatre à cinq mois chez nous. Aussi à ce sujet je vous en
reparlerais demain car il doit venir aujourd’hui aussi j’aurais la
réponse demain. Mais je me demande où aller passer ces
quelques mois, je pourrais aller chez ma belle-mère à ma soeur,
mais je ne veux rien devoir à ma famille et puis cela va bien
quelques temps, ensuite on se lasse aussi je ne veux gêner
personne, aussi je me renseignerais pour connaître une maison
de repos. Ma petite Jeanou Chérie il n’est pas possible pour moi
de penser tout de suite à une situation comme tu dis, car je dois
rester un sans travailler, crois bien que pour moi cela m’est tout
aussi très pénible et souvent j’en souffre, car je n’ai pas pour
habitude de rien faire.
Je vois petite Jeanou que vous allez toujours en répétition,
surtout pas de trac, sans ça vôtre tour de chant serait raté, aussi
tachez de calmer vos respirations lorsque vous serez sur scène.
Je remercie beaucoup vos parents et leur souhaite le bonjour.
Bonne amitié aussi à vôtre petite amie, non depuis que Jean est
parti de l’hôpital je n’ai jamais eu de ses nouvelles, j’espère
quand même en avoir un jour. Je vois petite Jeanou que vous
m’avez acheté mes étrennes, aussi je vous remercie à l’avance en
attendant de vous embrasser de tout près.
140
Ma petite Jeanou pour moi rien de nouveau, ma santé ne bouge
pas aussi je vous embrasse très fort et vous adore pour la vie.
Vôtre Maurice.
Mille baisers pour ma Petite Jeanou adoré
Et mille caresses.
Texte recopié sur un feuillet volant.
Dans le ménage chaque époux,
A sa part de souffrance,
De joie et d’espérance,
Car l’on tient surtout
A ne pas se montré jaloux,
Mais en toute occasion
L’époux a l’avantage,
De tenir le pognon
Et de régler l’addition
Ne cherchez pas
Madame fait tout ce qu’il faut pour ça
Dentelles, belles robes à queues
Jupons froufrouteux
C’est pur madame
Contributions, loyer
Notes chez le couturier
Papiers précieux
Ca, c’est pour monsieur.
Eventail, face à la main,
Chaise longue, coussin,
C’est pour madame
Mais le bon matelas en crin
Le couvre pied de satin
Le plumard très moelleux
Ca, c’est pour tous les deux.
141
Soldat Maurice Jubin Hôpital de Montereau Seine et Oise
Montereau le 19.12.1945
Ma douce Aimée.
J’ai reçu aujourd’hui vôtre lettre du 17 qui m’a fait une
belle joie, car recevoir de vous de douce missive me remplit le
coeur de bonheur.
Je vous écris toujours de l’hôpital et j’espère à samedi, après je
vous écrirais de chez la belle maman à ma soeur jusqu’au jour où
je prendrais le train pour aller près de vous, de vous que j’adore
et aime de tout mon coeur et mon âme. Je mets toujours sur ma
lettre hôpital de Montereau car si je ne mets pas cette adresse,
ma lettre ne partirait pas aussi j’espère qu’au 22 cela sera
comme d’habitude. Ma maman vous souhaite le bonjour. Souvent
ma soeur me demande de vos nouvelles car quand elle venait me
voir à l’hôpital elle voyait vôtre photo au mur, aussi elle m’a
demandé qui c’était et j’ai répondu « celle que j’aime » J’espère
ma petite Jeanou Chérie que tout va bien pour vous et aussi pour
vos parents qui sont certainement gentils de bien vouloir me
recevoir aussi je l’ai remercie beaucoup car cela n’est toujours
pas facile de recevoir quelqu’un en ce moment surtout un ancien
malade et je dois vous dire, Ma Maman m’a encore sermonné à
sa dernière visite, elle sait que je vais aller passer quelques jours
chez vos parents, aussi elle ne voulait pas que je puisse aller chez
vos parents pour ne pas les déranger, aussi je lui ai dis que je
serais bien sage comme un petit garçon alors elle a accepté et
j’en suis tout heureux, être auprès de ma petite Jeanou et le plus
grand bonheur que je pouvais souhaiter aussi moi je compte les
jours. Et cela fait douze jours à attendre et vous douce Chérie
vous serez dans mes bras et peut être avant le 29, mettons en
après-midi. Aussi j’ai une toute petite appréhension et je
voudrais être au soir du jour arrivé et enfin voir tout mon
bonheur. Je voudrais savoir s’il y a une fleuriste dans le pays,
dites-moi la réponse le plus tôt possible, merci à l’avance.
142
Ma Chérie je ne vois plus rien à vous dire pour aujourd’hui aussi
je vous quitte en vous embrassant bien affectueusement, douces
caresses.
Vôtre Maurice.
(Rajout en biais sur les deux côtés de la dernière feuille)
Mes amitiés à vos parents et aussi à vôtre petite amie.
Ma Jeanou Chérie toi que j’aime de tout mon coeur, Maurice.
Une petite chanson.
Mimi D’amour.
Elle était lingère à la façon
Lui, brigadier dans les dragons.
Un soir, il fit sa connaissance au moulin de la Galette
La prenant dans ses bras
A l’oreille il lui chanta…
Mimi, Mimi, je t’aimerai toute la vie
Avec tes longs jupons,
Ton manchon, ton ombrell’,
Ta voilette en dentelle
Et tes yeux fripons
Tu seras pour toujours,
Jusqu’à la fin des jours
Ma Mimi d’amour
Il cessa d’être son amant
Dix ans plus tard…en l’épousant,
Si bien qu’au jour du mariage,
On vit trois bambins bien sages
Le papa, tendrement,
Fredonnait à la maman…
143
Tu seras pour toujours,
Jusqu’à la fin des jours
Ma Mimi d’amour.
Ils ont su vieillir tous les deux
Tout en restant des amoureux.
Quand l’amour devient tendresse,
Le coeur garde sa jeunesse.
Qu’il fait bon près du feu,
Evoquer les jours heureux…
Tu seras pour toujours,
Jusqu’à la fin des jours
Ma Mimi d’amour.
144
Note de l’auteur.
La lettre du 19 décembre 1945 est la dernière archivée de la série
de courriers échangés entre Jeannette et Maurice. Les lettres
suivantes ont disparu. Maman me confiait que ces courriers
manquants avaient sans aucun doute été détruits par sa mère
quelques années plus tard car ces missives révélaient en partie les
sentiments de Maurice envers Jeannette. Même si Maurice restait
toujours très correct dans la rédaction de ses lettres, il n’hésitait
pas parfois à exprimer ses pensées. Maman m’expliquait que
souvent Maurice avait une certaine inclination à croire au
bonheur immédiat, à la chance d’avoir une aussi jolie et gentille
marraine.
John Curtis (sans casque) en compagnie de camarades.
145
Maman me contait les événements suivants :
En décembre 1945, toujours mobilisé, suite à un pneumothorax,
Maurice effectue des allers et retours entre Maisons-Laffitte,
Thiais et Montereau-Fault-Yonne où il suit un traitement contre
les maladies pulmonaires. Il m’écrit journellement une lettre et
m’explique qu’il n’aime que moi. Nous nous ne sommes pas
encore rencontrés, pourtant Maurice aurait pu venir à plusieurs
occasions mais à chaque fois il avait soit une indisposition due à
sa maladie, soit c’était sa mère qui ne voulait pas qu’il prenne le
train de peur qu’il attrape de nouveau un coup de froid qui
aggraverait sa maladie. De mon côté je me suis confortée dans
mes sentiments vis-à-vis de Maurice. En cette fin d’année 1945 je
ne me suis pas encore engagée mais ses lettres sont tellement
emplies de gentillesse, d’amabilité envers ma personne que je
suis prête à franchir le pas. Je n’ai pas une réelle expérience des
hommes mais à travers ses lettres, Maurice me semble
véritablement sincère. Parfois il écrit comme un enfant ingénu et
ce côté simple me plaît. Il m’expliquait qu’il serait toujours
sérieux, qu’il ne penserait qu’à moi, qu’il ne m’abandonnerait
jamais. Il dégageait incontestablement une ouverture d’esprit et
cela me changeait des garçons que j’avais l’habitude de côtoyer.
Il me disait que sa mère était très gentille, qu’elle ferait son
bonheur quoiqu’il arrive. Sa mère louait un appartement à
Maisons-Laffitte et il me disait que sa mère nous permettrait de
nous y installer rapidement si je me décidais à me marier.
Pendant toute cette période j’ai entretenu avec Maurice une
correspondance dans laquelle je lui expliquais comment je vivais
à la campagne, comment étaient mes parents, quels amis j’avais
et qu’elles étaient mes intentions. J’étais attachée à mes parents,
surtout à mon père que j’aimais par-dessus tout. Papa avait
toujours été bon avec moi, même s’il ne m’a jamais vraiment
conseillé sur mon union avec Maurice, il ne m’a jamais interdit
d’être libre. Cela le rongeait de savoir qu’un jour je partirais,
146
mais de son côté il était tombé amoureux très jeune et il
comprenait que cela puisse m’arriver un jour. Maman était
vraiment différente, elle ne voyait que par son René. Elle avait
beaucoup souffert au début de la guerre car pendant plusieurs
semaines elle a cru quelle perdrait le seul homme qu’elle n’ait
jamais aimé. Nous n’avions pas de conflit particulier mais elle
avait une opinion très personnelle à l’égard des garçons. Elle ne
m’a jamais expliqué quoique ce soit vis-à-vis des sentiments
qu’une jeune femme pouvait éprouver, ressentir envers un
homme. Heureusement j’avais la chance de pouvoir discuter de
toutes ces choses avec ma meilleure amie Jeannine. Elle était plus
délurée que moi et je dois dire que grâce à elle je n’ai pas eu de
mauvaise surprise. Auparavant elle avait déjà rencontré des
garçons, eut des aventures mais elle avait toujours fait très
attention. Jeannine ne s’est jamais engagée à la va-vite avec
n’importe quel jeune homme, de toute façon elle n’aurait pas pu
car ses parents auraient mis le holà ! Comme je recevais chaque
jour une lettre de Maurice, je lui en parlais régulièrement et nous
nous amusions a échangé tous nos courriers car elle recevait
également des lettres mais beaucoup moins que moi. Jeannine
était un peu jalouse de moi. Elle me disait souvent que j’avais de
la chance d’avoir un amoureux qui m’écrive tous les jours pour
me dire qu’il m’aime. Bien sûre elle me répétait à chaque fois
que mon filleul écrivait souvent la même chose, qu’il était
charmant dans ses propos, que son engagement lui semblait
sérieux. A travers ses multiples raisonnements, ses différents
arguments à propos d’une vie ailleurs qu’à Limeray, Jeannine me
donnait une indéniable assurance qui me permettait de répondre à
Maurice. Je me souviens que j’écrivais de véritables journaux
dans lesquels je lui racontais ma vie quotidienne, ce que je faisais
le samedi, avec quel garçon j’avais dansé au bal, pourquoi j’allais
au théâtre, ce que faisait mon amie Jeannine. Je lui disais les
choses que j’aimerais faire, celles que je détestais.
147
Comment devrait être mon mari, le travail que j’avais l’intention
de pratiquer, les voyages que j’aimerais entreprendre. Ces lettres
me permettaient de m’échapper de mon quotidien de Limeray.
Nous avions beaucoup souffert durant la guerre, personnellement
j’aspirais à un autre avenir mais je ne voulais pas entreprendre
une aventure sans lendemain. J’étais attirée par Paris, mon oncle
Fauvin m’avait souvent parlé de Paris, inconsciemment il m’avait
conforté dans cette idée de m’échapper. Il ne faut pas oublier qu’à
la fin de la guerre beaucoup de filles quittaient la campagne aux
bras de gars de la ville, de militaires, de GI. Maurice était cette
occasion. Je n’y ai jamais réellement pensé mais avec les
semaines qui passaient, ses lettres qui me demandaient de le
rencontrer, Jeannine qui était aussi amoureuse, je ne voulais pas
être en reste. Limeray était un petit village, j’en avais fait le tour.
Nombre de garçons du village étaient mes prétendants mais je ne
voulais pas me marier par pudeur. Maurice me demandait de
franchir le pas, même si son style me paraissait imparfait, au
travers de ses mots simples il se présentait comme quelqu’un de
sérieux. Il n’était pas vraiment conforme aux idées que je me
faisais d’un garçon, mais dans ses courriers il se montrait plein de
courage, de bonnes intentions. Sur les photos il était beau garçon.
Dans une de ses nombreuses lettres Maurice me réitérait son désir
de rencontre. Un soir j’en ai parlé avec Jeannine qui m’a aussitôt
commander de ne pas hésiter, puis avec mes parents qui à ma
grande surprise n’ont pas formulé d’objections particulières. Le
lendemain, sur une petite carte postale j’ai répondu à Maurice, lui
griffonnait la promesse que nous pourrions nous rencontrer en
Touraine pour faire connaissance. Il me répondait aussitôt, me
racontait en large et en travers que sa maman était une personne
charmante, qu’elle adorait son fils. Il me parlait également de sa
soeur Arlette qui était un peu plus âgée que lui. Il me l’a décrivait
comme une jeune femme avenante, gentille mais qui lui faisait
très souvent la morale, lui donnait la conduite à suivre pour avoir
148
une vie rangée, très conventionnelle. Elle était mariée, Maurice
souhaitait sans doute lui ressembler. En cette fin d’année 1945
notre entrevue avait été fixée dans un petit café à Amboise. Nous
aurions pu nous rencontrer à Limeray mais personnellement je
préférais que ce premier rendez-vous se fasse dans la discrétion.
A la campagne tout se sait très vite et votre réputation est
rapidement faite. Mais une nouvelle fois Maurice se
désengageait. Pas tout à fait remis de son pneumothorax, son
médecin et sa maman lui faisaient comprendre qu’il ne pouvait
entreprendre ce voyage en train. Très déçu, ennuyé par cette
décision, il m’écrivait une nouvelle lettre dans laquelle il
m’expliquait qu’il préférait être bien rétabli pour notre future
rencontre. Il m’affirmait qu’il avait un cafard terrible mais qu’il
tenait le coup grâce à une photographie que je lui avais envoyée
quelques jours avant. A la fin de son courrier il ajoutait que pour
notre rencontre, il m’achèterait un bouquet de fleurs. Tout en me
l’offrant, il me dirait au creux de l’oreille des mots qu’aucun
homme avant lui ne se serait permis de me dire. C’est ce côté
poète, cette façon de dialoguer avec moi, cette fantaisie qu’il
entretenait à travers cette aventure épistolaire qui a fait que nous
nous sommes rencontrés. Il manifestait un tel désir d’amour que
j’ai fini par me persuader que le grand jour était arrivé. Les fêtes
de fin d’année passées, nous convenions d’un nouveau rendezvous
qui cette fois ci se déroulerait dans un bistroquet près de la
gare d’Amboise, ensuite nous irions à Limeray pour que je le
présente à mes parents. Maurice tenait absolument à cette
bienséance, sa maman avait des usages, il voulait les respecter. A
la mi-janvier de cette année 1946 il faisait très froid.
Emmitouflée dans mon grand manteau mais transie par le vent
glacial qui balayait les voies ferrées, impatiente, j’attendais sur le
quai de la gare. Chaque minute je me recoiffais de peur de ne pas
être présentable. Je me disais qu’il ne viendrait pas mais aussitôt
je m’affirmais le contraire. Je ne pouvais plus revenir en arrière
149
car j’avais décidé de franchir une bonne fois pour toute, cette
barrière trop souvent insurmontable. Jeannine m’avait aidé dans
mes préparatifs, donné ses derniers conseils.
La photographie réalisée lors de la visite de Maurice en Touraine.
Papa et maman avaient mis les petits plats dans les grands, je ne
pouvais plus renoncer. Lorsque le train qui venait de Tours entrait
en gare, mon coeur s’emballait subitement puis, au moment où le
convoi s’ébranlait pour repartir, mon coeur se mettait à battre de
plus fort. Alors que le train s’éloignait à peine, les voyageurs
empressés empruntaient le passage en traverses sur les voies et,
parmi ceux-ci, je distinguais enfin Maurice. Il était semblable à la
photo, beau, quoiqu’un peu maigre dans son uniforme du
dimanche. Il portait sa valise dans la main droite, un petit
bouquet d’anémones dans la main gauche. Je ne pouvais pas me
tromper de personne car parmi tous les passagers qui se hâtaient
de quitter le courant d’air, Maurice était la seule personne à
arborer un bouquet. Quand il fut près de moi, il m’offrit de suite
les fleurs, me dit qu’elles étaient offertes par la main du coeur, la
main du bonheur. Sa voix était douce, ses joues étaient un peu
creuses mais lorsque son regard se posait sur moi, je remarquais
150
qu’il brillait de mille feux. Nous nous sommes embrassés sur les
joues puis nous nous sommes dirigés vers le café près de la gare.
Je n’avais plus froid, je ne pensais plus à mes cheveux. A cet
instant j’étais envahie par une émotion agréable, mon coeur avait
repris un rythme normal. Maurice avait saisi ma main gauche. Je
me souviens qu’il l’a serrait si fort, qu’à cet instant précis je
n’aurais pu m’enfuir. Tandis que nous marchions, il me racontait
que son voyage avait été pénible car dans son compartiment
plusieurs personnes très bruyantes avaient entamé une
conversation sur les dégâts occasionnés par les avions alliés sur le
chemin de fer, dialogue tumultueux qui l’avait beaucoup irrité
intérieurement. A plusieurs occasions il avait dû quitter son
compartiment et se mêler aux voyageurs entassés dans le couloir
enfumé. Toujours convalescent, il était contraint de faire les cents
pas dans le train pour changer d’air sinon il se serait senti mal.
Très contrarié par l’attitude des gens dans son compartiment, il
avait fini le voyage debout tout en protégeant du mieux qu’il
pouvait son fameux bouquet. Cependant qu’il poussait la porte du
café, il me déclarait qu’il n’avait qu’une hâte, que nous soyons
ensemble. A travers ses lettres il m’avait maintes fois exprimé
cette réflexion, j’y étais préparée, ces quelques minutes dans ce
café me permettraient de mieux le découvrir. Il m’expliquait que
la découverte de sa marraine était un grand moment pour lui. Il
me confiait également qu’il avait eu quelques petites aventures
mais sans lendemain. A travers cette rencontre inattendue avec
moi, il était bien décidé à changer. Il souhaitait vivement quitter
l’armée afin de recouvrer la vie civile et s’installer avec Jeannou.
Cette proposition m’interloquait mais en même temps je me
projetais dans l’avenir. Je connaissais différents métiers de la
couture. J’avais acquis une expérience à la Poste, sans doute
pouvais-je trouver un emploi très rapidement à Paris. Cette idée
n’était pas primordiale, je n’avais pas encore confirmé à Maurice
mes intentions, il fallait que nous rencontrions mes parents, je
151
devais prendre mon temps. Tandis que je buvais un chocolat,
Maurice se désaltérait avec un verre de rouge. Il m’expliquait
qu’il aimait de temps à autre boire un verre avec des copains,
qu’il aimait surtout aller au cinéma car c’était sa passion. Il
appréciait en particulier les acteurs comme Errol Flynn, Tyrone
Power, Humphrey Bogart ou Gary Cooper, aimait aussi les
comédies françaises. Il m’affirmait également qu’il aurait du
travail dès qu’il rendrait son ’uniforme car il n’était pas du genre
à se faire entretenir. Après le café nous sommes allés en ville.
Maurice tenait absolument à ce que nous fassions une photosouvenir,
photo qu’il garderait toujours auprès de lui. A cet
instant je pensais que ce garçon était vraiment charmant.
Maurice place Marine dans le parc de Maisons-Laffitte.
Maurice avait de nouveau saisi ma main, il ne la lâcherait plus
jusque chez le photographe. Tandis que nous nous installions
dans le décor du studio pour la réalisation du cliché, je me
projetais dans l’avenir, songeant à ce que j’allais dire à mes
parents. Malgré moi j’ébauchais mon départ. Lorsque la
photographie fut achevée, nous allâmes dans un autre estaminet
où une petite foule bruyante mettait une ambiance bon enfant.
Alors que nous étions installés à une table au fond de la salle,
Maurice assis à mes côtés devint plus entreprenant. Je me laissais
152
faire. J’avais pensé à cet instant si souvent, qu’il me sembla
naturel d’être embrassée à pleine bouche par ce beau garçon.
J’avais déjà été embrassée par des garçons mais cette fois-ci la
sensation était réellement différente car la délicatesse qu’il
dégageait envers moi me révélait ses sentiments. Il me semblait
tellement sincère que je m’abandonnais dans ses bras, dans son
coeur. Deux heures plus tard lorsque le train nous déposait à la
gare de Limeray, tandis que nous marchions en direction du
bourg, j’avais l’impression que tous les gens du pays, planqués
derrière les rideaux de leur fenêtre, nous regardaient, nous
jugeaient. Maurice qui ne semblait pas dépassé par l’événement
faisait l’imbécile tout en me racontant des blagues. Son attitude
me faisait oublier le froid ainsi que la traversée de la Varenne, le
pont sur la Cisse qui nous menaient vers le bourg. Lorsque nous
arrivions à la maison, papa était dans le jardin, il n’avait rien à y
faire car de toute façon le froid intense de cet hiver empêchait
tout travail mais papa trouvait toujours le moyen de passer du
temps au jardin. C’était sa manière de se faire connaître. Il nous
accueillait un râteau à la main tandis que maman qui était vêtue
de sa tenue du dimanche, nous recevait tout en s’essuyant les
mains avec un torchon. Elle était en pleine cuisine. Il fallait que
Maurice soit très bien reçu. Les présentations furent rapides. Une
fois la valise de Maurice rangée, nous nous mîmes à table et
bûmes un coup de vin blanc de Vouvray. Maurice se présentait,
racontait rapidement quelques épisodes de sa vie, historiettes
personnelles de la guerre puis papa prenait la parole à son tour.
Maman qui ne perdait pas une miette de la discussion, continuait
son fricot. Je me souviens que papa qui était du genre prudent,
écoutait avec attention ce jeune homme habillé en militaire.
Maurice parlait doucement. Pendant le repas il remerciait mes
parents de toutes leurs attentions précédentes et leur expliquait
qu’il n’oublierait jamais les colis, les mandats. Papa lui parla de
la guerre. Des difficultés que nous avions traversées, des temps
153
difficiles qui surviendraient sans doute. Maurice brossait très
rapidement la situation. J’étais subjuguée par son aisance.
Pourtant dans ses lettres il m’avait paru parfois si prudent,
comme s’il entretenait malgré lui une sorte d’inhibition. Le temps
du repas il avait raconté sa jeunesse, parlé de ses parents, de la
mort de son père, événement imprévisible qui avait forgé son idée
d’engagement militaire, de sa soeur qu’il aimait bien mais qu’il
trouvait trop intransigeante, de sa passion du cinéma, du cirque,
de l’amour indéfectible qu’il portait à sa marraine de guerre et de
coeur, à cette jolie jeune femme qui avait pris le temps de
répondre à ses courriers, qui avait pris le temps de l’encourager à
aller au-delà des difficultés. Papa et maman continuèrent à
écouter Maurice puis ils me demandèrent ce que je désirais. Je
manifestais mon désire de quitter la maison familiale mais
j’expliquais aussitôt que je ne partirais pas du jour au lendemain,
qu’il n’était pas question que j’abandonne mes parents. Je n’avais
pas l’intention de leur infliger un départ précipité, il fallait avant
tout que je sois sûre de moi. Plus tard nous sommes allés faire un
tour dans le bourg. Nous avons rencontré madame Abadie, salué
madame Brunet. Le soir nous rencontrions Jeannine et son ami
Bernard. A distance de Maurice qui buvait un verre avec Bernard,
nous considérions notre avenir, en quelques mots dont elle avait
le secret, elle renforçait mon désir de faire un bout de chemin
avec Maurice. Cette nuit-là nous dormîmes chacun dans notre lit.
Le lendemain nous vîmes monsieur Villette qui voulait
absolument faire connaissance de Maurice. Tandis qu’avec
maman nous préparions le repas, je regardais papa, monsieur
Villette et Maurice qui buvaient une chopine. A cet instant j’étais
enveloppée, pénétrée par la personnalité de Maurice qui en
l’espace de ces deux jours avait marqué ma famille, mes amis de
sa délicate empreinte. Ces deux journées s’écoulèrent très vite et
le matin du troisième jour, quelques secondes avant que le train
ne s’ébranle de la gare de Limeray, Maurice me faisait cadeau de
154
sa petite gourmette en or, chaînette offerte par sa maman alors
qu’il n’avait que un an et sur laquelle était gravé, Maurice 14
août 1924. Il m’expliquait qu’il ne s’était jamais séparé de ce
bijou mais que sa rencontre avec moi avait transformé son coeur
et qu’il pouvait me faire ce genre de cadeau intime. Il se sentait
un autre homme. Il voulait que je sois l’élue de son coeur, la
femme de sa vie. A cette seconde mon coeur battait si fort que je
compris que ce don, sur le quai de la gare, était son engagement
envers moi. Cependant que le train disparaissait en direction de
Paris, que le froid et le vent balayaient le quai déserté, je pensais
déjà à notre prochaine rencontre. Un mois passait puis encore des
jours et enfin au début du mois de mars nous avions convenus
d’un rendez-vous à la gare d’Austerlitz. J’avais l’accord de mes
parents. Je leur avais promis que je ne ferais pas de bêtises. Le
convoi s’était à peine arrêté que je bondissais hors de mon
wagon, et filais à grandes enjambées vers la salle des pas perdus
où Maurice m’attendait. Pendant le voyage je n’ai pensé qu’à cet
instant, à ce moment où il me serrerait si fort dans ses bras que je
n’aurais plus envie de le quitter. Le bruit qui envahissait la station
et la foule qui se hâtait de toute part m’entêtaient pourtant,
malgré les voyageurs qui se croisaient dans l’immense hall, je
réussissais à remarquer Maurice. Il était là, appuyé contre un
pilier, désinvolte, élégant dans son uniforme. Son visage
rayonnant laissait deviner le bonheur qui nous attendait. Nous
nous enlacions un long moment puis nous nous installions au
buffet de la gare pour un petit café. Après nous être embrassés à
maintes reprises, nous filions prendre le métro. Pour moi c’était
une première. Quelques minutes plus tard nous descendions à la
station Bonne Nouvelle, je découvrais enfin Paris. Maurice qui
s’était transformé pour l’occasion en guide me faisait découvrir
les grands boulevards, l’Opéra, puis nous filions jusqu’à la
Concorde, flânions en amoureux sur les Champs-Élysées où nous
en profitions pour prendre un en-cas. En milieu d’après-midi
155
nous trottinâmes jusqu’au pied de la tour Eiffel. Nous sommes
restés toute la journée à Paris puis en début de soirée nous prîmes
le train pour Maisons-Laffitte où Maurice devait me présenter sa
maman. Madame Jubin louait pour Maurice un appartement dans
un immeuble construit à l’écart du centre de la ville de banlieue.
Le petit pied à terre de deux pièces était meublé avec goût et
embaumait l’encaustique. La maman de Maurice était une dame
charmante, très distinguée et fière de son fils. Durant le repas
madame Jubin me présentait son fils quelle comparait à un beau
jeune homme sérieux, courageux. Même s’il était tombé malade à
cause de l’armée, il se soignerait et fonderait une famille. Il serait
un mari toujours obligeant avec son épouse, attentionné avec ses
enfants. A la fin du repas, madame Jubin repartait en taxi, tandis
qu’elle était installée sur la banquette arrière, de sa voix douce,
jute avant que la voiture ne s’éloigne, elle nous soufflait : « restez
des jeunes gens sérieux. ». Pendant mon séjour à Maisons-
Laffitte, je découvris le quartier du marché couvert où se situaient
l’immeuble, les petits commerces alentour. Je fis également la
découverte du château, du grand parc avec ses allées tirées au
cordeau, ses places décorées de jet d’eau ainsi que les belles
maisons bourgeoises sans oublier le champ de courses. Je restais
cinq jours à Maisons-Laffitte, cinq jours durant lesquels Maurice
conquit mon coeur, me faisait découvrir l’amour. Pendant mon
voyage de retour je pensais à mon avenir. La tête appuyée à la
fenêtre du compartiment, l’esprit ailleurs, je regardais sans
vraiment le voir, défiler la campagne. Avant d’arriver à Blois ou
je devais prendre ma correspondance pour Limeray, malgré le
brouhaha qui régnait autour de moi, je repensais aux
recommandations de mes parents, des petits conseils de Jeannine,
des douces caresses de Maurice. Rentrée à Limeray, les jours
suivants à aucun moment j’étais en mesure d’évaluer les futures
conséquences de mon engagement avec Maurice pourtant début
avril les événements se bousculèrent. Papa et maman me
156
donnaient leur consentement pour mon mariage. Durant le mois
de mai, Maurice quitte l’hôpital de Montereau. Il est toujours
malade mais il reste affecté à sa compagnie. En août de la même
année il est en instance de réforme, à cette occasion il est renvoyé
dans ses foyers. En septembre, Maurice est rayé des contrôles du
corps, il se retire définitivement à Maisons-Laffitte. A partir de ce
moment nous nous voyons régulièrement et le 30 novembre 1946
nous nous marions à Limeray. Deux jours après la cérémonie
nous nous sommes installés dans son petit appartement au 15, rue
de Lorraine à Maisons-Laffitte. L’appartement sentait toujours
l’encaustique et cabinet d’aisances était sur le palier, commun à
deux appartements. Maurice a tout de suite trouvé du travail. Au
début comme typographe dans une imprimerie à Paris puis il a
été embauché plusieurs mois à la SNCF comme agent d’accroche
mais comme il travaillait uniquement de nuit, il préféra quitter ce
métier très difficile physiquement pour aller en usine chez Ford
où il était au chaud, disait-il. Avec Maurice j’ai eu cinq enfants.
Joël naît en 1948 mais décède seize jours plus tard. Nadine naît
en 1949, Didier arrive au monde en 1953, Pascal en 1955,
Corinne notre dernier enfant naît en 1958. J’ai vécu à Maisons-
Laffitte de 1946 à 1999. Ce furent de belles années même si le
sort s’est souvent acharné sur nous. Comme Maurice ne fut pas
très bien soigné à l’armée, il traîna sa maladie pendant dix-sept
ans. Il ne fut reconnu réformer définitif de l’armée qu’en 1956.
Par la suite il allait d’hôpital en hôpital, de sanatorium en
sanatorium. Quand il se sentait mieux il lui arrivait de travailler
en usine, faisait ses numéros de clown (le duo Binus & Escot)
avec notre voisin Gérard Gabillet pour arrondir les fins de mois.
Tout deux se donnaient en spectacle dans des fêtes de patronage,
des hospices, dans quelques fêtes foraines, sur le marché couvert
de Maisons-Laffitte. Même si parfois Maurice oubliait ses
engagements artistiques, Escot ne lui en tenait pas souvent trop
rigueur. Ils s’entendaient bien et ce camarade de pitreries a
157
toujours pensé que ça irait forcément mieux. Mes parents, sa
maman Marguerite, parfois sa soeur Arlette, nous aidèrent souvent
à surmonter les difficultés du quotidien. Tout le temps de notre
union, Maurice est resté un homme charmant. Depuis notre
première rencontre il m’avait ensorcelé. C’était un personnage
complexe, extraverti.
Binus, nom du clown Auguste incarné par Maurice.
Il aimait toujours être en compagnie d’amis, faire la fête. Il
affectionnait le cinéma, se passionnait pour le cirque, appréciait
les arts, surtout la peinture. Parfois il lui arrivait de me négliger
mais il se reprenait rapidement. Durant toutes ces années, malgré
moi, j’ai appris à connaître tous ses défauts, les raisons qui le
poussèrent à manquer à certains de ses engagements, compris
également pourquoi il m’aimait tant. Rongé par la tuberculose,
diminué par les abus de la vie, Maurice rend son dernier souffle à
l’hôpital de Saint-Germain-en-Laye le 12 janvier 1963 à l’âge de
39 ans. Quelques semaines plus tard, malgré tous les obstacles
qui se dressaient devant moi je me décidais de rester à Maisons-
Laffitte avec à mes côtés mes quatre enfants. Après de
nombreuses démarches administratives très complexes je suis
enfin reconnue veuve de guerre le 6 novembre 1963. Ce même
jour mes enfants sont adoptés par l’Etat, ils deviennent pupilles
158
de la nation. Quelques années plus tard suite à plusieurs recours
administratifs entrepris conjointement par messieurs Guérin (un
ancien militaire) et Gérard Gabillet (son compagnon de
clownerie) le nom de Maurice Jubin figure sur le monument aux
morts du carré militaire de Maisons-Laffitte avec la mention
« Mort pour la France ». Au cours des années suivantes, même
s’ils furent placés dans des familles d’accueil, dans des
institutions, chaque fois qu’ils étaient à mes côtés, je me suis
appliquée à élever du mieux que je pouvais mes enfants. Le
temps a passé, ils sont devenus adultes. Je ne me suis jamais
remariée car j’ai constamment pensé que j’avais eu la chance de
rencontrer Maurice. Pour ma part j’ai toujours vécu à Maisons-
Laffitte. J’aimais ce petit appartement. J’y avais des attaches, une
sorte de relation affective envers Maurice m’empêchait de partir,
des amis également. J’appréciais ce quartier retiré du centre-ville.
Grâce à cet appartement peu onéreux, le loyer était faible, je
pouvais au sein de cet immeuble où se croisaient des familles de
conditions sociales diverses, vivre une existence paisible. Tout en
m’occupant des enfants, et en jouissant d’un emploi dans une
grande société industrielle, je me débrouillais pour me rendre le
plus souvent auprès de mes parents. Si parfois mes choix furent
malheureux, en me retournant sur mon passé, je crois
sincèrement que j’ai eu une vie heureuse. Durant toutes ces
années, malgré moi, j’ai abandonné mon petit cousin Pierrot avec
qui j’avais passé de si bons moments dans mon enfance.
Heureusement pour moi et les enfants j’ai toujours entretenu une
extraordinaire relation familiale avec son père, mon oncle Fauvin.
Grâce à cet homme hors du commun, à sa clairvoyance d’esprit, à
travers la gentillesse qu’il me portait j’ai pu traverser maints
malheurs, éduquer mes enfants, me démarquer de ma solitude
quotidienne. Aujourd’hui j’admets ne pas avoir passé mon temps
à interroger ma conscience sur ma rencontre avec Maurice.
J’avais traversé l’épreuve de la guerre sans perdre de parents,
159
j’avais rencontré le grand amour auprès de Maurice, j’avais eu
cinq enfants. Je me suis toujours dit qu’il ne pouvait pas en être
autrement.
Jeanne, Berthe, Alexandrine Lejeau / Athée-sur-Cher le 4 janvier
1926.
† Maisons-Laffitte le 10 novembre 2004.
Maurice, Pierre Jubin / Saint-Maurice le 14 août 1924.
† Saint-Germain-en-Laye le 12 janvier 1963.
Engagé volontaire le 9 octobre 1944.
Affecté sur la base de la 2ème DB le 21 novembre 1944
N° 56 78 004796.
Campagne d’Allemagne du 9 mai au 27 mai 1945.
Médailles: Commémorative française de la guerre 39/45
avec barrettes.
Engagé volontaire Libération et Allemagne.
160
Remerciements à :
Sylvain René Lejeau, le papa de Jeannette qui a rédigé la plupart
des courriers de la première partie de cet ouvrage.
Germaine Lejeau, la maman de Jeannette qui a secrètement
archivé durant sa vie tous les courriers et documents divers qui
on servi de support à cet ouvrage.
René Fauvin (oncle de maman) qui réalisa la plupart des
photographies qui illustrent cet ouvrage, figure familiale qui resta
souvent auprès de maman.
Pierre Fauvin (fils de René Fauvin)
Martine Jauffret (épouse de Pierre Fauvin)
Pour leur collaboration familiale. Marcel Guertin et Roger
Percereau amis d’enfance de Jeanne Jubin à Limeray, pour
m’avoir confié plusieurs souvenirs communs avec maman.
Christof Aubrian, conception de la couverture
Jean-Jacques Sacquet, Patrick Bodard, correcteurs.
Remerciements particuliers à :
Nadine et Corinne mes deux soeurs, à mon frère Didier, à
Michelle m’a belle soeur, à Mado mon épouse, Camille & Pierre
mes enfants qui m’ont soutenu dans mon projet.
Avertissement :
Par soucis d’authenticité, les courriers ont été reproduits à
l’identique par l’auteur.
Note :
Les chansons rédigées sur quelques courriers, figuraient sur un
cahier appartenant à Maurice Jubin. Maurice Jubin s’amusait à
recopier sur une feuille libre qu’il joignait à la fin des missives
qu’il adressait à sa marraine, des chansons qui lui permettaient
d’exprimer en partie ses sentiments.
161
Bibliographie :
Le bureau central des archives militaires de Pau.
La bibliothèque municipale de Tours.
La maison des archives contemporaines de Touraine.
La maison diocésaine de Tours.
Illustrations: Germaine Bouret, Jim Patt, Mauzan.
Nadine, Didier, Corinne, Pascal.
Maisons-Laffitte 1960.
Pascal. R. Jubin 2010.
162

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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 08:40

Le début de l'année a été plutôt calme à Limeray. Malgré la dureté des combats dans le reste de l'Europe et sur la frontière du Rhin, la guerre semble maintenant assez loin du petit village tourangeau. Les choses se rétablissent petit à petit et Jeanne qui a été sollicitée par madame Abadie pour entreprendre une correspondance avec un soldat de la 2ème DB Leclerc, attend la permission de ses parents pour envoyer sa première missive tout en demandant des conseils à son amie Jeannine.

Dans quelques jours, début mars 1945, les américains franchiront le Rhin à Remagen et la guerre tirera à sa fin cependant que la 2ème DB Leclerc participera à l'offensive des Alliés et finira par s'emparer du Nid d'aigle d'Hitler à Berchtesgaden.

 

Carte de l'offensive vers l'allemagne...
Carte de l'offensive vers l'allemagne...
Carte de l'offensive vers l'allemagne...
Carte de l'offensive vers l'allemagne...
Carte de l'offensive vers l'allemagne...

Carte de l'offensive vers l'allemagne...

L'Allemagne s'effondre de toutes parts. Partout à l'Est les armées soviétiques et autres troupes emboutissent les lignes des défenses de la Wehrmacht cependant qu'en Italie les troupes allemandes reculent et laissent le champ libre aussi bien aux Alliés qu'aux partisants italiens. A l'Ouest les Alliés se préparent à fondre sur l'Allemagne tandis qu'en Belgique, Hollande et plus au nord, les armées allemandes subissent revers sur revers. Dans le Pacifique, au prix de lourdes pertes mais aussi grâce à un effort colossale en matériel, les américains commencent leur reconquête des territoires perdus.

 

A suivre...

Découvrez début mars les premiers courriers de Jeanne...

 

Un Coquelicot au mois de mai récit de Picus Baljan.

24 février 2015

Tous droits réservés Russie et Chine compris.

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15 décembre 2014 1 15 /12 /décembre /2014 13:54
Le château de Moncé en 1944...

Le château de Moncé en 1944...

En décembre 1944 l'hiver s'installe durablement tout comme le changement du conflit. Les armées de l'Axe souffrent sur tous les fronts et au fur et à mesure que le temps passe, l'Allemagne voit à l'Est, les terribles armées de Staline enfoncer la Wehrmatch cependant qu'à l'Ouest, même si elles piétinent, les armées Alliés repoussent toujours un peu plus la Wehrmatch dans ses retranchements tandis que dans le Pacifique, les combats sont terribles et, malgré des pertes énormes, l'armée japonnaise continue le combat.

A Limeray, Jeanne Lejeau qui est toujours en compagnie de son amie Jeannine, prépare la fête de Noël. Le réveillon sera tout simple, malgré le départ des Allemands, les denrées se font toujours aussi rares et le repas ne sera composé que d'un bon potage de légumes d'hiver, d'une poule farcie aux marrons et d'un petit gâteau maison réalisé avec les quelques oeufs du poulailler et les pommes du petit verger. Pour fêter Noël, Jeanne à brodé deux mouchoirs, un premier pour son père, agrémenté de deux pivoines rouges, insérées des initiales RL, un second pour sa mère, sur lequel apparait un petit brin de muget et les initiales GL. Pour la soirée du jour de l'An, Jeanne a prévu d'aller guincher. En effet, sa meilleure amie Jeannine organise dans une cave au-dessus de Limeray, une nouba durant laquelle toutes les copines et tous les copains du pays pouront, enfin, après tant de privations, danser, chanter et s'amuser toute liberté.   

L'Europe, territoirs sous influence nazi. Soldats allemands durant la bataille des Ardennes et matériels allemands durant le conflit.
L'Europe, territoirs sous influence nazi. Soldats allemands durant la bataille des Ardennes et matériels allemands durant le conflit.
L'Europe, territoirs sous influence nazi. Soldats allemands durant la bataille des Ardennes et matériels allemands durant le conflit.
L'Europe, territoirs sous influence nazi. Soldats allemands durant la bataille des Ardennes et matériels allemands durant le conflit.
L'Europe, territoirs sous influence nazi. Soldats allemands durant la bataille des Ardennes et matériels allemands durant le conflit.

L'Europe, territoirs sous influence nazi. Soldats allemands durant la bataille des Ardennes et matériels allemands durant le conflit.

 

Les territoirs conquis par le III Reich se réduisent comme une peau de chagrin. A l'Ouest, les Alliés repoussent les Allemands de toutes parts cependant qu'à l'Est, les Russes enfoncent toutes les lignes des armées allemandes et commencent à prendre pour cible finale, Berlin, objectif ultime de Staline qui veut absolument prendre la capitale du III Reich avant les Alliés.

 

Les territoirs conquis par le III Reich se réduisent comme une peau de chagrin. A l'Ouest, les Alliés repoussent les Allemands de toutes parts cependant qu'à l'Est, les Russes enfoncent toutes les lignes des armées allemandes et commencent à prendre pour cible finale, Berlin, objectif ultime de Staline qui veut absolument prendre la capitale du III Reich avant les Alliés.

Affiches parues en décembre 1944.1) "Le Führer est hors de lui" conte la légende. 2)"Le rouleau compresseur soviétique" Infanterie, blindés, aviation. Chasseur bombardier soviétique Lavotchkine La7.
Affiches parues en décembre 1944.1) "Le Führer est hors de lui" conte la légende. 2)"Le rouleau compresseur soviétique" Infanterie, blindés, aviation. Chasseur bombardier soviétique Lavotchkine La7.
Affiches parues en décembre 1944.1) "Le Führer est hors de lui" conte la légende. 2)"Le rouleau compresseur soviétique" Infanterie, blindés, aviation. Chasseur bombardier soviétique Lavotchkine La7.

Affiches parues en décembre 1944.1) "Le Führer est hors de lui" conte la légende. 2)"Le rouleau compresseur soviétique" Infanterie, blindés, aviation. Chasseur bombardier soviétique Lavotchkine La7.

Points non exaustifs des combats sur les différents fronts durant ce mois de décembre :

En Europe:

Dans le secteur de la 3ème Armée US, le 20ème Corps continue de progresser à l'ouest de la Sarre, en vue de la traversée du fleuve. Participent à l'opération la 90ème Division d'infanterie, en action dans le secteur situé au sud de Merzig, la 95ème en route vers Sarrelouis, et la 5ème, venue de Metz, sur le flanc droit de la 95ème pour une offensive dans la saillant de Warndt.

Dans le secteur de la 7ème Armée US, en Alsace, la 79ème Division d'infanterie (15ème Corps) libère Schweighouse-sur-Moder, à quelques km à l'ouest de Haguenau.

Plus au nord, les 44ème et 45ème Divisions d'infanterie se heurtent aux unités de la 19ème Armée allemande du général Wiese, dans les environs de Tieffenbach et de Zinswiller.

Dans le secteur de la 3ème Armée US, pour exploiter la conquête du pont enjambant la Sarre à Sarrelouis, la 95ème Division d'infanterie (20ème Corps US) se réorganise rapidement et envoie sur la rive est du fleuve quelques détachements qui livrent une dure bataille pour le contrôle des abords de Fraulautern, situé sur la ligne Siegfried.

Le 12ème Corps US se lance à l'assaut final de la Sarre et de la ligne Siegfried avec les 26ème, 35ème et 80ème Divisions d'infanterie et la 6ème Division blindée. Le 104ème Régiment de la 26ème élimine les derniers foyers de résistance allemande dans Sarre-Union.

La 3e armée américaine est engagée dans des combats dans plusieurs têtes de pont de la rivière Saar. Les forces américaines ne sont qu'à 6 kilomètres de Saarbrucken. Les Allemands contre-attaquent avec des chars et l'infanterie près de Saarlouis, mais ils sont défaits par les Américains qui enfoncent davantage la ligne Siegfried. Sur la droite de la ligne alliée, la 7e armée américaine et la 1re armée française poursuivent leur offensive.

 

Affiche allemande "Pour la liberté et la vie, la milice populaire" Carte de l'offensive d'hiver soviétique.
Affiche allemande "Pour la liberté et la vie, la milice populaire" Carte de l'offensive d'hiver soviétique.
Affiche allemande "Pour la liberté et la vie, la milice populaire" Carte de l'offensive d'hiver soviétique.

Affiche allemande "Pour la liberté et la vie, la milice populaire" Carte de l'offensive d'hiver soviétique.

16 décembre.

C'est le début de la bataille des Ardennes.
Donc, les forces allemandes du groupe d'armées B, sous le commandement du feld-maréchal Rundstedt, lancent l'offensive dans la forêt des Ardennes, entre Monschau et Trier, dans le but de reprendre Anvers et de séparer les armées britanniques et américaines. Les forces d'attaque allemandes sont constituées de la 6e armée SS de Panzer sur la droite et de la 5e armée de Panzer sur la gauche. Les 15e et 7e armées allemandes sont en position sur les flancs droit et gauche. Les forces alliées sont prises par surprise. L'assaut initial a pour objectif la ligne tenue par les 5e et 7e corps américains, appartenant à la 1re armée américaine. Un bref barrage d'artillerie précède l'attaque, les forces allemandes réussissent à percer les lignes américaines. Des troupes allemandes infiltrées derrière les lignes américaines, parlant anglais et portant des uniformes et des équipements alliés, provoquent la confusion et l'incertitude. L'aviation alliée est clouée au sol par le brouillard et la neige. Les soldats américains qui se rendent, y compris les blessés, sont exécutés par les SS à la mitraillette. La 6e armée SS allemande de Panzer atteint Stavelot au nord alors que des unités de la 5e armée de Panzer s'approchent de Houffalize. Quelques unités américaines situées sur le chemin défendent des positions près de Gouvy et St Vith...Lors d'une réunion des commandants en chef alliés, Eisenhower décide de nommer le feld-maréchal Montgomery, commandant du 21e groupe d'armées britannique, afin de diriger toutes les forces alliées au nord de la forêt des Ardennes vers la ligne de front créée par les attaques allemandes. Le général Bradley, qui commande le 12e groupe d'armées américain, est responsable de toutes les forces alliées situées au sud. Ce changement n'est pas encore rendu public...Bastogne est encerclée par la 5e armée allemande de Panzer, les Allemands offrent aux Américains de se rendre, le général McAuliffe qui commande les troupes encerclées refuse. Les Allemands s'emparent de St Vith, malgré cela la progression est insuffisante et Model  commandant du groupe d'armées B, et Rundstedt commandant en chef de l'ouest, recommandent de mettre fin à l'offensive...

En Hongrie les forces soviétiques s'emparent de la ville de Godollo (située à 16 kilomètres au nord de Budapest) et son embranchement ferroviaire. Les Soviétiques prétendent que la chute de la capitale hongroise est imminente tandis qu'en France les forces allemandes lancent une contre-attaque contre la 1re armée française à Colmar en Alsace, ils s'emparent d'une zone dominant la route principale Mulhouse-Belfort, à 40 kilomètres au sud-ouest de Mulhouse. Pendant ce temps, la 3e armée américaine continue d'avancer à l'est de Sarreguemines.

Dans le Pacifique:

Au japon une escadre de 3 croiseurs lourds et de destroyers, aux ordres du vice-amiral Smith pilonne les installations japonaises d'Iwo Jima, qui sont simultanément bombardées par des B-24 et des B-29...aux Philippines, au nord, la 7e division américaine avance, l'un de ses régiments arrive à moins de 2 kilomètres d'Ormoc avec un bataillon de chars et un détachement de lance-flammes. Des unités américaines repoussent les attaques de la 26e division japonaise près de Buri cependant qu'en Birmanie c'est le déclenchement d'une nouvelle offensive du 15e corps britannique dans l'Arakan, dans l'objectif de libérer le secteur côtier pour y établir des bases pour les futures opérations de reconquête du pays. La 25e division indienne avance dans la péninsule de Mayu en direction d'Akyab...toujours aux Philippines, de violents combats ont lieu autour de Palompon, à l'ouest de laquelle les résistants japonais se sont concentrés dans deux poches importantes...

Le 25 décembre 1944.

Au Philippines, débarquement de détachements de la 77e division américaine au nord de Palompon, à San Juan, sans rencontrer d'opposition. Ils entreprennent de liquider les dernières poches de résistance japonaise. MacArthur annonce que la campagne de Leyte est terminée et qu'elle a coûté 113 221 soldats aux Japonais, en Hongrie les forces soviétiques continuent d'avancer à l'ouest et au sud-ouest de Budapest. Au nord-ouest de Budapest, les forces soviétiques combattent activement et sont maintenant à moins de 160 kilomètres de Vienne, pendant ce temps en Belgique les forces alliées qui encerclent maintenant la forêt des Ardennes, tenue par les Allemands, commencent à contre-attaquer. La 4e division blindée américaine, appartenant à la 3e armée américaine, a pour objectif de venir en aide aux Américains qui sont encerclés à Bastogne. Pendant ce temps, les attaques allemandes sont stoppées (après avoir permis aux Allemands d'avancer de 80 kilomètres depuis le début de l'offensive) par les blindées américains à Celles, à environ 6 kilomètres à l'est de la Meuse...

Le 31 décembre 1944.

En Belgique le 30e corps britannique (appartenant à la 1re armée américaine) s'empare de Rochefort située à l'extrémité ouest du secteur tenu par les Allemands dans les Ardennes, en Angleterre les gouvernements britannique et américain confirment pour leur part leur soutien au cabinet polonais en exil à Londres et regrettent l'attitude de l'URSS, qui refuse de participer à une conférence sur le sujet, dans les Philippines la poursuite des contre-attaques désespérées des Japonais dans le nord-ouest de Leyte. Le commandement de la 77e division américaine estime qu'au cours des dix derniers jours, les Japonais ont eu au moins 5800 tués, alors que côté américain les pertes sont insignifiantes. Depuis le début des combats dans l'île, les pertes nippones s'élèveraient à 70 000, dont une très grande majorité de tués. Côté américain, on relève 15 500 morts et blessés.

1) Affiche parue en France, décembre 1944, 2) affiche allemande "Travaille pour la victoire comme nous nous battons pour la victoire", Affiche du film, long metrage paru sur les écrans français en fin d'année 1944.
1) Affiche parue en France, décembre 1944, 2) affiche allemande "Travaille pour la victoire comme nous nous battons pour la victoire", Affiche du film, long metrage paru sur les écrans français en fin d'année 1944.
1) Affiche parue en France, décembre 1944, 2) affiche allemande "Travaille pour la victoire comme nous nous battons pour la victoire", Affiche du film, long metrage paru sur les écrans français en fin d'année 1944.

1) Affiche parue en France, décembre 1944, 2) affiche allemande "Travaille pour la victoire comme nous nous battons pour la victoire", Affiche du film, long metrage paru sur les écrans français en fin d'année 1944.

Picus baljan Un coquelicot au mois de mai

 

L'auteur...

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Jeanne marraine de guerre 16 décembre 2014

Tous droits réservés Russie et chine compris.

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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 11:18

La bataille d'Arnhem (Pays-Bas) est une des grandes tragédies de la Seconde Guerre Mondiale. Un effet; il s'agit de l'une des batailles engagées à la suite du débarquement de Normandie, 6 juin 1944, dans le cadre plus général de l'Opération Market-Garden. Cette opération devait permettre aux Alliés de prendre les ponts traversant les principaux fleuves des Pays-Bas occupés par les Allemands et d'accéder à la Ruhr, en contournant la ligne Siegfried.
Des troupes anglaises, polonaises et hollandaises furent mobilisés pour combattre les forces allemandes. Malgré neuf jours et dix nuits de combats héroïques, les troupes Alliés enregistraient une terrible défaite. Dix mille soldats et officiers avaient été engagés dans cette opération, près de huit mille hommes furent tués, faits prisonniers ou portés disparus.

Septembre 1944...et affiches
Septembre 1944...et affiches

Le général Eisenhower établit ses quartiers généraux en France en tant que commandant en chef des forces expéditionnaires alliées. Les forces canadiennes du 21e groupe d’armées britannique s’emparent de Dieppe. Plus loin à l’intérieur, les forces britanniques capturent Arras et avancent au nord en direction de la rivière Somme. Le 12e groupe d’armées américain avance également. La 1re armée américaine s’approche de St Quentin et Cambrai. La 3e armée américaine capture Verdun et Comercy.

Septembre 1944...et affiches
Septembre 1944...et affiches
Septembre 1944...et affiches

La 8e armée britannique continue d’attaquer la ligne Gothic défendue par les Allemands dans l’est. Le 1er corps canadien est près de Tomba di Pesaro. La 12ème US Air Force attaquent les positions d'artillerie et des cibles d'opportunité à l'ouest de la vallée du Po, les bombardiers lourds s'en prennent à des routes et des ponts ferroviaires au nord et au nord-est de Venise tandis que d'autres escadrilles attaquent concentrations de troupes, dépôt d'approvisionnements, carrefours, ponts et centres de commandement allemands sur le front, au nord de Florence.

Septembre 1944...et affiches
Septembre 1944...et affiches
Septembre 1944...et affiches

Dans les Baltiques, les forces soviétiques lancent une offensive sur Riga et Tallinn.

le 322e régiment de la 8e division d'infanterie américaine du général Mueller débarque sur la côte est de la petite île d'Angaur, au sud de Peleliu, défendue par 1600 soldats nippons.
La résistance japonaise est faible, ce qui permet aux Américains de progresser rapidement.
A Peleliu, les Américains consolident leur tête de pont, occupent toute la zone sud, y compris l'aérodrome de Peleliu. Les 1er et 5e régiments de marines attaquent les contreforts méridionaux, très fortifiés, du mont Umurbrogol, au centre de l'île. Ils réussissent à prendre quelques fortins japonais, mais sont repoussés au prix de lourdes pertes, en dépit de l'appui de l'artillerie navale du cuirassé Mississippi qui pilonne les fortifications.

796 B-17 Flying Fortress de la 8ème US Air Force, escortés par 248 P-47 Thunderbolt et P-51 Mustang, effectuent deux raids dans l'ouest du pays. 380 B-17, escortés par 131 P-47 et P-51, sur les centres de triage ferroviaires de Coblence (87), Dillenburg (39), Limburg (37) et Darmstadt (24). Les ponts de Limburg (35), Coblence (38), Wiesbaden (38), Wetzlar (14), les voies de chemin de fer de Coblence (13) et l'aérodrome de Wiesbaden (12). 416 B-17, escortés par 109 P-47 et P-51, sur les centres de triage ferroviaire d'Hamm (186) et Soest (32), le dépôt de munitions de Dortmund/Unna (64). Et d'autres objectifs d'opportunité: les centre de triage de Raesfeld (11), Wesel (9), Rheine (6) et Munster (3), Dillenburg (11), Emmerich (7), Hamm (5), Osnaburck (2) et autres (6). Dans la nuit du 19 au 20 septembre, 227 Lancaster et 10 Mosquito du RAF Bomber Command visent Mönchengladbach et Rheydt, causant des graves dommages aux deux villes, particulièrement à la première. Des B-26 Marauder de la 9ème US Air Force bombardent le centre de triage ferroviaire de Duren et la ligne ferroviaire Duren-Aix-la-Chapelle. Le 9ème Tactical Air Command intervient au profit du 5ème Corps US autour de la tête de pont américaine de Wallendorf.

La lutte des combattants polonais dans Varsovie se poursuit. Tandis que les insurgés de l'Armée Intérieure livrent des combats désespérés, les forces soviétiques s'arrêtent aux portes de Varsovie et les abandonnent à leur triste sort.

 

Septembre 1944...et affiches
Septembre 1944...et affiches
Septembre 1944...et affiches

A suivre...

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Picus Baljan - Jeanne marraine de guerre.

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Un coquelicot au mois de mai 17 septembre 2014

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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 22:51

Cependant qu'en Normandie les combats font toujours rage, le débarquement de Provence se déroule afin que les armées du sud refoulent et prennent en étau les armées allemandes.

Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...
Août 1944, la suite...

A suivre...

Août 1944, la suite...

Picus Baljan - Jeanne marraine de guerre

Un coquelicot au mois de mai - 18 août 2014

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14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 14:10

Du feu, du sang, de la boue, des larmes.

En ces périodes de «La Crise » où une confusion savamment entretenue profite aux spéculateurs de tous poils, il reste indispensable de puiser dans notre mémoire collective pour faire émerger le des­tin souvent tragique de nos Anciens confrontés à l'Histoire. Pauvres bougres sacrifiés au Champ d'Horreur pour engraisser des sangliers déjà cousus d'or, Barons de l'Industrie et de la Finance, ser­vis par des politiciens carriéristes, des Généraux sanguinaires et des Ministres du Culte souvent complices. La Grande Guerre, triste témoignage d'impuissance à créé un équilibre économique et social, laissé des fractures indélébiles jusque dans les consciences sans pour autant empêcher les conflits suivants. Le chemin de souffrances des acteurs de ce drame ne doit pas s'effacer et Pascal R. Jubin contribue avec cet ouvrage à encourager notre devoir de vigilance en nous faisant partager le sort du gars Maurice avec tout l'humanisme de sa plume.

C.Aubrian

 

Couverture originale.

Couverture originale.

 

Du feu, du sang, de la boue, des larmes.

Le conflit de la Grande Guerre fut et est toujours aujourd'hui la cause d'un travail important pour les historiens et chercheurs du monde entier et également une source d'inspiration pour un grand nombre d'auteurs.

A travers cet ouvrage, je m'affranchis des stéréotypes répandus dans certains livres traitant du conflit. Dans la première partie, je m'attache à travers une chronique à expliquer les principales raisons et enjeux nationaux qui firent que l'Europe puis le monde s'embrasèrent. La deuxième partie est une nouvelle inspirée des écrits, des témoignages et des films consacrés à la Grande Guerre. C'est un instant d'histoire où s'interposent le portrait sans fard du personnage principal, les valeurs humaines du début du XXe siècle, un système déliquescent qui vit ses derniers instants à travers plusieurs événements et affrontements de la Grande Guerre.

 

Toutes les illustrations sont des créations originales.
Toutes les illustrations sont des créations originales.
Toutes les illustrations sont des créations originales.
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Toutes les illustrations sont des créations originales.
Toutes les illustrations sont des créations originales.

Toutes les illustrations sont des créations originales.

Les illustrations réalisées par Rujed et qui parsèment ce livre sont des créations originales, celles-ci sont les reflets de la pensée de l'artiste vis-à-vis du conflit.

Pascal R. Jubin

Du feu, du sang, de la boue, des larmes.
Du feu, du sang, de la boue, des larmes.
Du feu, du sang, de la boue, des larmes.

 

Picus Baljan Un coquelicot au mois de mai

Tous droits réservés Russie et Chine compris

14 août 2014

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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 18:24

A l'Ouest le bataille de Normandie fait rage cependant qu'à l'Est, l'offensive d'été soviétique est en marche. Le mois d'août 1944 sera riche en événements importants.

Durant la première semaie la Pologne et la Russie ouvriront des tractation, la Turquie rompra ses relations avec l'Allemagne, en Finlande, Mannerheim est proclamé chef de l'état. Le 9 août, une ordonnance du G.P.R.F rétablit la liberté républicaine sur tous les territoirs libérés, cependant que Churchill et Tito conversent en Italie. Moscou somme la Bulgarie de rompre toutes relations avec l'Allemagne, pendant ce temps Herriot et laval s'organisent plusieurs entrevues. Le 13 août la ville de Lublin devient la capitale provisoire de la Pologne, le lendemain Hitler remplace von Kluge (qui se suicide le 18) par Model tandis que Laval s'installe à Belfort, rejoint le 20 par Pétain, emmené par les Allemands. Le 24 août le roi de Roumanie se décide à rompre avec l'Allemagne, dans la foulé le gouvernement bulgare imite la Roumanie, de son côté la Finlande demande l'armistice. Le 26 août De Gaulle rentre dans Paris libéré, le lendemain Churchill de nouveau en déplacement à Rome s'entretient avec Humbert.

En route pour Berlin...mais cette fois côté Soviétiques.

En route pour Berlin...mais cette fois côté Soviétiques.

"Seule l'humilité conduit à la victoire, l'orgueil, la présomption conduisent à la défaite" Bismarck

"Seule l'humilité conduit à la victoire, l'orgueil, la présomption conduisent à la défaite" Bismarck

Affiche polonaise appelant l'Armée de l'intérieur polonaise à l'insurrection.

Affiche polonaise appelant l'Armée de l'intérieur polonaise à l'insurrection.

Août 1944...suite de l'article de juillet 1944...
Carte de l'offensive d'été soviétique 1944 entre la Baltique et les Carpates.

Carte de l'offensive d'été soviétique 1944 entre la Baltique et les Carpates.

Obusier autonoteur M7 ( américain) durant la bataille de Normandie.

Obusier autonoteur M7 ( américain) durant la bataille de Normandie.

Obusier long allemand sur les côtes normandes.

Obusier long allemand sur les côtes normandes.

Canon antichar américain de 57 mm en action durant le siège de Saint-Malo.

Canon antichar américain de 57 mm en action durant le siège de Saint-Malo.

Un Pzkw V Panther A mis hors de combat durant la bataille de Normandie.

Un Pzkw V Panther A mis hors de combat durant la bataille de Normandie.

Char démineur type Sherman.

Char démineur type Sherman.

En route vers paris. L'insurrection de Paris commence le 13 août.

En route vers paris. L'insurrection de Paris commence le 13 août.

Août 1944...suite de l'article de juillet 1944...

Jeanne Lejeau - Limeray-Juillet-Août 1944

Un coquelicot au mois de mai Droits réservés 10 Août 2014

Picus Baljan

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22 juillet 2014 2 22 /07 /juillet /2014 22:42

A Limeray, Jeanne et ses parents suivent avec attention les événements depuis que le débarquement a eu lieu en Normandie et tout comme les habitants du village, espèrent que les alliés vont arriver au plus vite en Touraine et enfin chasser l'ennemi. Jeanne se rend chaque jour chez son amie Jeannine. Les deux jeunes femmes pensent qu'elles se rendront très prochainement à Tours et qu'elles pourront prendre un verre à une terrasse non loin de la grand place de la capitale tourangelle. Pendant ce temps, le père de Jeanne, après son travail, se rend régulièrement au café du village et tout en jouant à la carambole avec son ami Pierrot, certifie à ses concitoyens que les Allemands n'allaient pas tarder à prendre la poudre d'escampette.

 

Mais hélas, à la fin du mois de juillet 1944 la bataille de Normandie fait toujours rage. Les Allemands défendent peid à pied chaque parcelle normande et infligent de lourdes pertes aux alliés qui piétinent dans ce bocage qu'ils ne pensaient pas aussi bien défendu et préparé face à leurs armées. La guerre des haies imposée par la Wehrmacht entrave l'avancée des troupes alliés. En effet, les Landsers allemands ne pouvant pas réellement s'appuyer sur ses blindés, trop peu nombreux veulent tirer parti du bocage pour repousser les alliés, ceux-ci ont pour ordre de tenir leurs positions le plus longtemps possible, des snipers allemands restent parfois cachés après qu'une position a été prise, deux à cinq jours et réapparaissent soient avec un fusil ou un Panzerfaust et arrosent les américains. Mitrailleuses, mortiers, Panzer IV Ausf.H, Panzer IV Ausf.H.Panther, Sturmgeschütz III Auf.G, camoufflés dans les haies déciment les troupes adverses.

 

Juillet 1944
Juillet 1944
Juillet 1944

Cette tactique représente une menace de poids pour les colonnes mécanisées américaines, la solution sera trouvée grâce à la combinaison chars-infanterie et aux soldats du génie qui joueront un grand rôle dans "La guerre des haies" en agissant aussi bien avec les chars, l'infanterie, l'artillerie sans oublier les Tank Destroyers. Ces soldats du génie, tout en réalisant des brêches dans les clotures à coup d'explosifs, en neutralisant un grand nombre de mines et de dipositifs piégés, permettront à leurs camarades d'avancer avec plus de sécurité

 

Juillet 1944
Juillet 1944

La résistance des Allemands est farouche, les troupes d'élite tenues en réserve jusqu'au 20 juillet dans le Pas-de-Calais combattent jusqu'à leur dernier souffle. Les Allemands mènent une guerre d'usure, le bocage, avec ses étroits chemins et ses champs minuscules hérissés de haies, se prête mal à l'avance des chars des Alliés. La bataille se prolonge. Les Américains avancent grâce à un énorme tapis de bombes large de plusieurs kilomètres et finissent par détruire Caen, Le Havre et Saint-Lô pour que la bataille tourne à leur avantage.

Juillet 1944

Jeanne Lejeau - Limeray-Juillet-Août 1944

Un coquelicot au mois de mai Droits réservés juillet 2014

Picus Baljan

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